Anice Lajnef (avatar)

Anice Lajnef

Citoyen libre.

Abonné·e de Mediapart

132 Billets

0 Édition

Billet de blog 7 février 2023

Anice Lajnef (avatar)

Anice Lajnef

Citoyen libre.

Abonné·e de Mediapart

L’antidote au chaos

Anice Lajnef (avatar)

Anice Lajnef

Citoyen libre.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’antidote au chaos

Pour une économie en harmonie avec l’humain et la nature, il faut reprendre le pouvoir détenu depuis trop longtemps par les plus cupides d’entre nous, ceux qui ne voient le monde que par le prisme du rendement financier et de l’accumulation infinie.

Le point de bascule s’est produit au Moyen-Âge quand progressivement, la société s’est affranchie d’un interdit millénaire, l’usure, c’est à dire la rémunération de la dette lors du paiement d’un surplus, les intérêts.

Dans ce texte, nous allons essayer d’analyser notre économie selon différents prismes, afin de trouver l’antidote contre le venin de l’usure qui a détruit l’harmonie de notre économie, voire même de notre société dans son ensemble.

Boule de Suif

« Boule de Suif » est une nouvelle de Guy de Maupassant réunissant des personnages issus de différents milieux sociaux de la société du XIXe siècle.

Au fil des événements, les masques tombent et le vrai caractère de chacun des personnages se révèle.

La nouvelle est pensée et écrite à la fin du XIXe siècle avec une vision de classe de la société. Les personnages de la nouvelle sont deux commerçants, deux bourgeois, deux nobles, deux religieuses, un démocrate et une prostituée.

En réalité, derrière les apparences des personnages et l'espace clos de la diligence, se cache leur vrai caractère. La prostituée se révèle être altruiste et généreuse, et les autres personnages de la société apparaissent comme étant cupides, avares et hypocrites.

La morale de cette histoire est que malgré toutes les apparences (politiques, religieuses, ou sociales) que se donnent les gens, seul compte leur vrai caractère.

Analyse de l'économie à travers certains caractères humains

Lire l'économie à travers le prisme du caractère des Hommes est très éclairant non seulement pour schématiser les systèmes en place, mais aussi et avant tout afin d'en proposer un plus pertinent.

Supposons que chaque individu soit originellement innocent quand il vient à la vie, et qu'au fil du temps, par l’expression de son libre arbitre et en fonction de l’environnement où il grandit, l’individu développe plus ou moins les quatre traits de caractères suivants : l’altruisme, l’optimisme, l’avarice, la cupidité.

Schématisons alors le caractère des agents économiques en créant quatre classes distinctes d’individus :

- les altruistes, qui ont tendance à se soucier du bien-être d'autrui d'une manière désintéressée ;

- les optimistes, qui ont confiance en une issue favorable du monde et espèrent un développement positif ;

- les avares, qui par peur de l’avenir, accumulent de l'argent quitte à se priver ;

- les cupides, qui ont un désir immodéré de l'argent et des richesses et cherchent, coûte que coûte, à en accumuler toujours plus.

Au cœur de tout système social, politique et économique, on retrouve une certaine expression de ces traits de caractères humains. La somme de ces caractères et des interactions entre individus, commande le système économique que l'on adopte.

Si on se réfère à l'étymologie du mot "économie", à savoir "la gestion de la maison", le système économique adopté conditionne notre modèle de société.

Cette modélisation des agents économiques qui s'appuie sur les quatre traits de caractères (altruiste, optimiste, avare, et cupide) est bien sûr une schématisation du réel.

Dans la vraie vie, ces quatre traits de caractères sont tous présents en chacun de nous, d'une manière plus ou moins prononcée selon la personne.

L'altruiste qui est en nous, est motivé par le bien commun, le don de soi.

L'optimiste est entreprenant, il a confiance en l'avenir, ce qui lui permet de prendre des risques mesurés, que ce soit au niveau de sa consommation personnelle ou de son activité professionnelle.

L'avare est plus dans une position exagérément défensive, rongé par la peur de l'avenir incertain, et seule la thésaurisation des richesses lui permet de calmer ses angoisses.

Le cupide est possédé par un désir ardent d'accumulation, quitte à ce que cela génère du chaos.

Notre économie actuelle repose depuis fort longtemps sur un curieux compromis : les banquiers « travaillent » la monnaie des déposants, dans l'intérêt économique de tous.

Nous avons donné les rênes de l'économie aux plus « cupides » d’entre nous (finance, banques, usuriers, milliardaires accumulateurs...) pour gérer la monnaie, la créer, la faire circuler, afin de générer de la croissance qui, par « ruissellement », profiterait à tous.

Quant aux altruistes, ils peuvent toujours penser au bien commun tant qu'ils ne s'attaquent pas de trop près au système.

Cette prise de pouvoir des cupides s’est faite au moment où l'interdiction de l'usure a été levée. Le pouvoir de la finance s’est développé depuis, s’est consolidé, devenant aujourd’hui hégémonique

Le caractère exponentiel de l'usure permet au cupide d'accumuler de l'argent à l'infini, pour espérer une puissance infinie, et pourquoi pas, vivre dans l’illusion d’une vie éternelle.

L'usure n'est pas une fin en soi, mais simplement un outil puissant pour nourrir sans cesse une cupidité dévorante.

L'avare, en offrant un capital à bon marché au cupide, est son complice.

L’avare accumule par peur de l'avenir, par peur de manquer ; par peur de mourir.

À quel moment a-t-on imaginé que laisser les rênes de notre économie aux cupides allait bien se passer ? Le cupide est prêt à tout pour atteindre la richesse infinie, quitte à profiter de la misère sociale et à créer des conflits partout dans le monde.

L'amour de l'argent infini est sans foi ni loi : c'est le règne du désordre et du chaos.

Dans ce monde violent laissé entre les mains des cupides, le chaos est inévitable, quasi certain ; il sonne presque comme une annonce et une promesse.

Le prix à payer par tous est cher : crises, violences, misères, guerres… et aujourd'hui de façon inédite une bulle écologique s'est formée et risque d'exploser à tout moment.

Pendant ce temps, les cupides iront se terrer patiemment dans leurs somptueuses villas. Ils laisseront passer l’orage en attendant une remise à zéro des compteurs, permise par des conflits destructeurs.

Voilà le fameux prix à payer par les citoyens complices de ces règles du jeu économique, une complicité par confort, et plus souvent par ignorance.

Une fois le prix payé, les cupides referont surface, comme si de rien était, pour continuer à nouveau leur accumulation immodérée des richesses dans un nouveau cycle économique.

Un réveil citoyen nécessaire

Pour éviter ces cycles destructeurs de l’humain et de la nature, il faut urgemment inventer un nouveau modèle économique. Il faut que les consciences se réveillent et agissent avec vérité et fermeté.

Il faut briser les ardeurs de richesse infinie des cupides, et encourager la circulation de l’excédent de richesse accumulé dans l'économie.

Aussi, il faut favoriser l’altruisme et l’optimisme, pour que la paix, l'ordre, l'harmonie, et la justice deviennent enfin un objectif commun et réel.

L'antidote au désordre est simple. Il demande de la conscience et du courage : neutraliser la finance cupide en libérant la société du poison de l'usure, et pénaliser par un impôt modéré l’accumulation excessive des richesses.

C’est une double action inédite qui est nécessaire pour sortir le monde de la voie du chaos, et le faire entrer dans un nouveau paradigme économique, où la monnaie reprend la place qui aurait toujours dû être la sienne : celle du réceptacle de nos confiances, où l'excès de richesse est considéré comme une responsabilité, et non comme un privilège.

Ce scénario n’est possible que par une prise de conscience collective, que si la société érige en valeurs fondamentales l’altruisme et le partage.

Pour cela, il ne faut pas avoir peur de revenir à la tradition ancestrale de l’interdiction de l’usure, de se détacher du côté purement matérialiste de nos vies, afin d’élever les consciences vers une économie plus morale, plus proche de l’essence, plutôt que de la substance.

Analogie entre le corps humain et l’économie

Pour comprendre le lien entre économie, monnaie et finance, l’analogie la plus palpable est celle avec l’anatomie humaine : l'économie est le corps humain, la monnaie le sang qui l'irrigue, et la finance un organe qui s'y est inséré à un moment donné de l'histoire.

Le désir ardent des cupides d’accumuler les richesses, et de jouir du pouvoir qui y est associé, se réalise à travers le mécanisme des dettes avec intérêts.

Le crédit a le pouvoir de ramener à aujourd'hui ce qui aurait dû être consommé demain. La dette permet à celui qui en profite, d’aller plus vite que la musique, de prendre un raccourci temporel, de précipiter l’ordre des choses.

La finance accélère donc le temps par le pouvoir de la dette avec intérêts. De nos jours, la quasi-totalité de la monnaie est créée lors de l’octroi d’un crédit par une banque commerciale.

La dette avec intérêts est donc encastrée dans la monnaie, et inversement la monnaie est devenue une coquille de la dette avec intérêts.

L’usure agit comme un poison encastré dans la monnaie (le sang) qui est censée irriguer l'économie (le corps).

Par itérations successives, par effet « boule de neige » intrinsèque aux taux d’intérêts de nature exponentielle, le stock de dettes grossit, entraînant dans son sillage notre économie dans une cadence de plus en plus infernale.

Une amplification des échanges économiques s’opère, le rythme s’accélère de plus en plus, jusqu'à ce que le corps (économie) lâche, et s'en suive le chaos.

En utilisant la monnaie comme agent, la finance est bien cet organe cancéreux qui infuse le poison de l'usure dans le corps économique, faisant de ce dernier un corps malade et fragile.

À contrario des financiers et de leurs clients, ceux qui thésaurisent excessivement la monnaie, finissent par la stériliser, et participent dangereusement à la coagulation du sang de l'économie (la monnaie).

La monnaie qui dort est un danger pour l’économie. Là où l’usure accélère l’ordre des choses, la thésaurisation tue l’activité. Si l’usure est le feu, la thésaurisation est la glace.

Ces thésauriseurs devraient être incités à investir leur richesse monétaire dans l'économie réelle, et s’ils ne le font pas, il faudrait les pénaliser par une légère taxe pénalisant leur excès de richesse oisif, passif, dormant, stérile…

Dans les économies modernes, la richesse superflue est considérée comme un privilège qui devrait être rémunéré par des intérêts. Il faudrait inverser la logique, et considérer le superflu de richesse comme une responsabilité qui doit être réintroduit dans le circuit économique par l'investissement. À défaut, il faut que cette richesse superflue soit assainie d'une légère taxe.

La finance est le commerce du temps

Selon l’ancien banquier Jean Peyrelevade, « le système financier est l’ensemble des institutions dont la matière première est la dette. La finance émet de la dette, fait circuler de la dette, place de la dette, négocie de la dette ».

La finance est le commerce de la dette, qui est aussi le commerce du temps, dans la mesure où le fruit du travail futur est ramené à aujourd’hui, contre rémunération, à savoir les intérêts de la dette.

Ainsi, la finance est une activité qui a privatisé le temps, censé être universel, pour en faire commerce, et la monnaie est devenue la coquille de la dette.

Une finance forte de l’impatience du consommateur

La monnaie est fascinante dans le sens où elle est l'outil qui concentre la somme de nos confiances et nous permet d’échanger des biens et des services.

Mais en même temps, son pouvoir de création est entre les mains d’une finance cupide, qui y injecte le poison de l'usure au moment de l'octroi d'un prêt.

Si les banquiers sont si puissants, c'est que leur pouvoir attire vers eux des individus manquant de patience pour assouvir leurs désirs.

Le pouvoir quasi surnaturel des banquiers est celui de ramener au présent les revenus futurs de leurs clients, et de profiter ensuite, en échange de ce tour de magie, du fruit de l'usure, à savoir les intérêts dits bancaires.

Si les banquiers peuvent inonder l'économie de prêts usuraires, c'est bien parce que des clients se hâtent à leurs agences pour accélérer le temps, et consommer aujourd'hui ce qu'ils auraient pu consommer demain.

Les banquiers sont puissants par leur pouvoir de créer de la monnaie, nous sommes faibles du fait de la dictature de nos désirs et de nos passions. En effet, le pouvoir des banquiers ne pourra être remis en question que si les Hommes contrôlent leurs pulsions consuméristes.

Actuellement le cycle économique est inversé : s’endetter pour consommer d’abord, travailler ensuite pour rembourser sa dette et les intérêts de la banque. Il faut revenir à un cycle naturel de l’économie : travailler avant de consommer.

Une finance forte du désarroi des plus démunis

Une autre catégorie d'individus, celle des plus précaires financièrement, profite aux banques et à leurs actionnaires. Ces individus sont amenés à demander les services des banquiers non pour assouvir des désirs, mais pour répondre à des besoins vitaux (se loger, se nourrir, s'éduquer, se vêtir).

Là où le consommateur impatient cherche à prendre de l’avance sur le temps et assouvir des désirs, les plus fragiles cherchent plutôt à joindre les deux bouts, à rattraper un retard acquis, du fait des aléas de la vie.

Dans un manque d'empathie et de fraternité, les banques profitent de la vulnérabilité de cette catégorie d'individus, et parfois même de leur ignorance concernant la logique des taux d'intérêts, pour engranger des profits considérables, les enfonçant davantage encore dans leurs difficultés.

Tel est le cas non seulement en imposant des taux d'intérêts à deux chiffres lors de la mise en place de crédits renouvelables, mais aussi en facturant des frais de gestion en tout genre (en cas d'incident de paiement : chèque sans provision, rejet de prélèvement, agios, dépassement de découvert, etc.).

Cette « machine à broyer le pauvre » rapporte gros. À titre d’exemple, d'après les calculs du magazine « 60 millions de consommateurs » et de l'UNAF, les frais pour incident auraient généré 6,5 milliards d'euros de revenus pour les banques et 4,9 milliards d'euros de bénéfices nets en 2016. Un montant énorme au regard des 23,5 milliards d'euros de bénéfices dégagés sur une année par les groupes bancaires français, toutes activités confondues. (*).

La finance, un commerce pas comme les autres, un pouvoir sociétal sans contrôle

Certains justifient les intérêts des banquiers en prétendant qu’il s’agit d’un commerce comme un autre : pour le « service » rendu, il est normal que le banquier touche sa part, c’est-à-dire qu’il encaisse une sorte de frais de fonctionnement pour gratifier son activité.

En réalité, c'est méconnaître le caractère exponentiel des intérêts bancaires (effet boule de neige qui ne cesse de gagner en volume au fil du temps, jusqu'à finir par exploser à un moment donné). Plus la durée de l’emprunt est longue, plus les intérêts qui s’y rattachent sont juteux. De même que, plus la société est endettée, plus la dépendance envers les banques est grande.

Grâce au pouvoir de décider des crédits octroyés aux ménages et aux entreprises, ainsi que le pouvoir qui consiste à endetter l'Etat, les banquiers sont en mesure d'orienter les trajectoires économiques et politiques.

Les dimensions sociale et écologique n’entrent pas en ligne de compte dans les choix des banquiers. Leurs seuls critères sont les profits et la rentabilité.

En endettant lourdement la société, l'activité bancaire fait d'une pierre deux coups : aliénation des agents économiques par la dette, couplée à des profits exorbitants grâce aux intérêts et aux commissions encaissées (jusqu'à 18% du PIB au sein des pays de l'OCDE en 2008, et autour de 8% en 2020).

Par itérations successives les richesses se concentrent sur une poignée d'individus, alors que les dettes privées et publiques rendent les ménages, les entreprises et l’État dépendant des banques et de la finance.

Nos dettes communes sont la source des richesses et du pouvoir d'une minorité de cupides. Accablés collectivement par la dette, nous ne sommes plus maîtres de notre temps et de notre destin, ni de la souveraineté de notre Nation.

Le pouvoir de création monétaire laissé entre les mains d'institutions privées, ou d'une banque centrale sous l'emprise de ces institutions, finit même par se muer en pouvoir politique !

Libérer la monnaie du poison de la dette avec intérêts : une monnaie libre de dette

La première chose à faire pour contenir cette folie des grandeurs propre aux cupides, consiste à organiser la prise en main progressive de ce pouvoir de création monétaire.

De nos jours, le pouvoir de création monétaire se fait au niveau des banques commerciales lors de l'octroi d'un crédit (97% de la monnaie en circulation), mais ce pouvoir de création monétaire est aussi entre les mains des banques centrales via la monnaie centrale (appelée aussi monnaie de base). Dès lors que la monnaie d'aujourd'hui est forcément issue d'une dette, elle ne peut qu'être qualifiée de "monnaie-dette".

Il faudrait donc penser à une monnaie qui soit libérée de la dette avec intérêts, une monnaie qui soit « libre de dette ».

Le prix Nobel d’économie Maurice Allais écrivait : « En fait, sans aucune exagération, le mécanisme actuel de la création de monnaie par le crédit est certainement le « cancer » qui ronge irrémédiablement les économies de marchés de propriété privée ».

Maurice Allais a connu de près la crise des années 30 et la deuxième guerre mondiale qui en est la conséquence directe.

Les schémas des fins de cycles d'une économie usuraire sont toujours les mêmes et se terminent dans le chaos : explosion des inégalités de richesse (cf les travaux de E. Saez), qui correspond aussi à l'apogée de la prolifération du crédit (1929, 2008), suivie d'une crise financière, économique et sociale, à laquelle les gens aux manettes répondent par la facilité de la planche à billets (Quantative Easing des Banques Centrales post 2008).

Les frustrations populaires s'intensifient, jusqu'à ce qu'une guerre sanguinaire vienne sanctionner les errements du passé.

Pendant le temps de l'orage, les cupides se terrent en attendant la réinitialisation du système pour repartir de plus belle dans un nouveau cycle économique usuraire (notion de reset qui a commencé avec les accords de Bretton Woods en 1944).

Si la création monétaire par le crédit est le cancer qui ronge notre économie, il faut introduire une monnaie libre de dette, émise par une entité centrale, et qui peut être appréhendée comme un jeton monétaire, comme peuvent l’être les pièces en or ou en argent, et plus près de nous comme les cryptomonnaies tel le Bitcoin.

Mettre en place une monnaie libre de dette, c’est séparer le crédit de la monnaie, désincruster la dette avec intérêts du concept même de monnaie. Ce serait une révolution monétaire si on y parvenait.

Une monnaie centrale, une monnaie citoyenne

Maurice Allais écrivait aussi : « La création monétaire doit relever de l’État et de l’État seul. Toute création monétaire autre que la monnaie de base par la Banque centrale doit être rendue impossible, de manière que disparaissent les « faux droits » résultant actuellement de la création de monnaie bancaire. »

Ainsi, la première action à mener est de couper le lien entre la monnaie et le crédit, en reprenant aux banques commerciales le quasi-monopole de création monétaire.

La monnaie idéale ne serait plus le fruit de la dette, mais une monnaie centrale libre de toute dette.

Cela ne veut pas dire que des banquiers centraux décideraient de sa création. Cela veut simplement dire que la société serait dotée d’une monnaie 100% centrale avec des règles qui seraient définies démocratiquement, et inscrites dans un protocole monétaire décidé et accepté par les citoyens.

Ainsi, telle que définie, la monnaie centrale serait synonyme de « monnaie citoyenne ».

Une monnaie dure, une monnaie à la croissance soutenable

Dans le passé, lorsque le pouvoir monétaire était entre les mains de l’État, cela a pu conduire à des dérives, notamment pour financer des guerres, générant des situations de forte inflation.

Une monnaie dont la quantité est facile à accroître est qualifiée de monnaie facile. Cette monnaie peut générer des situations d’inflation incontrôlable si les richesses créées ne suivent pas la quantité de monnaie créée. Il est donc nécessaire d'imposer la rareté de la monnaie.

Dans le cadre d'une monnaie-dette, cela peut se faire de plusieurs façons. En relevant les taux d’intérêts pour ralentir l’endettement public et privé, ou en instaurant des politiques d’austérité (hausse des taxes et impôts, moins de service publics, etc…).

Or nous constatons aujourd’hui qu’en fin de cycle, d’une part la monnaie-dette ne permet plus les politiques d’austérité pour éviter tout risque de soulèvements populaires, d’autre part les autorités monétaires se retrouvent dans l’obligation de faire croître leur bilan de manière exponentielle en injectant cette morphine monétaire dans une économie zombifiée, dans le but d’éviter son effondrement.

Dans le cadre d’une monnaie libre de dette, la rareté de la monnaie doit s’imposer par un contrôle sur la quantité annuelle de monnaie créée.

La difficulté relative de production de nouvelles unités monétaires détermine la dureté d'une monnaie. Une monnaie dont la quantité est difficile à accroître est qualifiée de monnaie dure alors que la monnaie facile est celle dont la quantité est disposée à subir de fortes augmentations.

Pour un meilleur contrôle sur la croissance, il est donc nécessaire d’opter pour une monnaie dure, dont la croissance n’excède pas le taux de croissance soutenable, accepté démocratiquement.

Dans le cadre d’une monnaie dure, par construction, l’inflation ne peut pas être le fait d’une création monétaire débridée, comme c’est le cas aujourd’hui avec la monnaie-dette et la politique de création monétaire frénétique des banques centrales qui entraîne dans son sillage une inflation des actifs (obligations, actions, immobilier, crypto- monnaies) et des matières premières.

La seule situation où il y aurait inflation dans le cadre d’une monnaie dure, ce serait en cas de forte baisse de l’offre.

Mais pour imposer une monnaie dure, il faut préparer les consciences à ralentir la cadence économique, accepter de vivre au rythme naturel des choses, de ne plus vivre à crédit sur le dos des générations futures, à accepter de consommer mieux, et de gâcher moins.

Une monnaie soutenable humainement et écologiquement

Une monnaie dure permet de choisir démocratiquement le taux de croissance annuel de la monnaie, ce qui permet de poser des limites à la croissance infinie.

La rareté de la monnaie agit comme un frein à la folie humaine de croissance infinie, qui non seulement détruit la Nature en consommant plus que ce que la Planète est capable de régénérer, mais en plus, cette course à la croissance infinie détruit les corps humains, comme nous pouvons le constater avec la crise sanitaire où le virus nous à imposer une décroissance ponctuelle nécessaire.

La maîtrise de la croissance monétaire est nécessaire pour imposer une croissance économique soutenable humainement et écologiquement.

Quel taux de croissance monétaire ?

Dans un monde où la monnaie est en quantité limitée, il y a un risque de déflation en cas de croissance économique.

Dans ce cas, les prix et les salaires baisseront, car il n’y aura pas assez de monnaie en circulation pour faire face à cette croissance.

Les « optimistes » risquent d’être affligés par cette baisse des salaires, eux qui préfèrent vivre dans un monde en continuelle progression.

Il faut donc mettre en place l’idée d’une création monétaire continue, dont le taux annualisé serait une fraction de la masse monétaire.

Le taux de la croissance monétaire doit être décidé démocratiquement, en s’appuyant s’il le faut sur des rapports scientifiques, capables de nous guider quant au taux optimal qui coïnciderait si possible avec le taux de croissance soutenable pour la planète.

Disons pour le moment, « intuitivement », que ce taux de croissance monétaire annuelle est 2.6%

En outre, cette progression de la monnaie est une façon de répliquer les caractéristiques de rareté et de croissance limitée de l'or, et plus récemment, du Bitcoin (même si ce dernier tant vers une quantité bien déterminée de 21 millions d’unités monétaires).

Cette croissance monétaire limitée est aussi plus en adéquation avec une économie soutenable écologiquement.

La croissance monétaire, ou le dividende social

Cette « manne » liée à la création monétaire annuelle, que nous nommerons le « dividende social », peut être distribuée à chaque individu, à part égale.

Il serait sûrement plus judicieux d'en laisser la totalité ou une partie à l'État, pour des investissements stratégiques en temps de vaches maigres économiques, ou à mettre en réserve en temps de vaches grasses économiques, pour parer aux périodes difficiles dues à des événements imprévisibles.

Dans ce dernier cas, le dividende social pourrait servir de réserve. La distribution et l'utilisation du dividende social doit être l'objet de discussions collectives et dépendra sûrement de la configuration de la société à un moment donné : revenu complémentaire, ou allocation au budget de l’État qui peut s’en servir pour relancer l’économie, ou au contraire le mettre en réserve pour ralentir la cadence économique.

Encourager l’altruisme au sein de la société

Quelle est la place des altruistes dans ce système ? Idéalement, les altruistes et les optimistes devraient être aux commandes pour orienter et garantir une économie au service du bien commun.

Cela n’est possible que si un travail d’éducation de fond est fait pour élever les consciences des citoyens, pour les détacher du matérialisme, pour les élever vers un objective collectif plus noble, plus haut, plus grand.

Il sera impossible de convaincre une société d’individualistes pris en otage par leurs désirs consuméristes de bifurquer naturellement vers une monnaie qui respecte l’ordre naturel des choses.

La monnaie peut-elle être à la fois juge et partie ?

Les banquiers ont fait de la monnaie la coquille de la dette usuraire en y insufflant le poison des intérêts bancaires qui leur permet d'extraire et d'accumuler des richesses infinies.

L'usure est tout commerce du temps, c'est à dire tout surplus demandé lors de l'octroi d'un crédit ou d’un délai de paiement. Dans le cas d'une monnaie dure (dont la quantité est difficile à accroître), comme l'or, l'usure consiste à imposer un surplus, une fois le principal prêté remboursé.

Les taux d'intérêts au jour le jour représentent le loyer de la monnaie. Ainsi, la monnaie qui est originellement un moyen de paiement, peut-être louée. Elle est vulgairement mise au même niveau que les marchandises et les services.

Si la monnaie est considérée comme un produit comme les autres, elle peut être louée, et « faire des petits » avec le temps. Transformer un moyen d’échange et une mesure en un produit, revient à pervertir la monnaie de son utilisation initiale, à la rendre en même temps juge et partie.

Ainsi, celui à qui est confié le pouvoir de créer la monnaie devient par la force des choses le maître de la société : un « produit » qui se crée à la seconde et qui se déplace à la vitesse de la lumière, est forcément supérieur à tous les autres produits ancrés dans le réel.

L’usure et les intérêts

Nous assimilons ici les termes « intérêt » et « usure » quand bien même l’utilisation de ces termes dans le langage courant fait apparaître des nuances sémantiques entre eux.

Dans ce texte, l’intérêt est donc qualifié d’usuraire, quel que soit le taux (la prohibition de l’usure dans le système économique actuel ne concerne que l’intérêt pratiqué à des taux qualifiés d’élevés).

Le taux d’intérêt à long terme peut être considéré comme le coût de l’incertitude économique. Par extension, toute vente de produits financiers qui s'apparente à de la vente de risque, pour toucher des primes initialement, et porter le risque ensuite, peut être considérée comme une extension de l’usure.

Faut-il légiférer contre la dette avec intérêts ?

L’usure est un outil au service du cupide qui lui permet d’accumuler exponentiellement les richesses. D’ailleurs, étymologiquement, « riche » vient du germanique « riki » qui veut dire puissant.

L’usure est un moyen utilisé par les cupides pour concentrer la puissance sur leurs personnes, sans aucune limite, et ainsi avoir une impression de contrôle sur le monde, voire sur la vie.

Sans légiférer sur l’usure, nous laissons une arme entre les mains d’individus qui peuvent s’avérer dangereux pour la société. La cupidité est une pathologie : interdire l’usure revient à protéger la société de la folie d’individus sans limite. C’est aussi laisser plus de place aux altruistes et aux optimistes dans les affaires de la cité.

La ruse humaine est sans limite, surtout celle des cupides. Il faut fermer toutes les portes qui permettent de faire de l'argent à partir de l'argent, sans qu’aucune valeur tangible y soit adossée.

L'usure est toute commercialisation du temps et de la rémunération du risque de défaillance de l’endetté (prime de risque). Une jurisprudence continue doit permettre de reconnaître et d'interdire toute ingéniosité qui ouvrirait la voie à la pratique de l'usure.

Le philosophe grec Aristote disait : « Il est tout à fait normal de haïr le métier d'usurier du fait que son patrimoine lui vient de l'argent lui-même, et que celui-ci n'a pas été inventé pour cela. Car il a été fait pour l'échange, alors que l'intérêt ne fait que le multiplier (...). Si bien que cette façon d'acquérir est la plus contraire à la nature. »

Dans le même ordre d’idée, Saint Thomas d'Aquin dira : « L'homme qui pratique la droiture et la justice ne prête pas à intérêt et ne tire point d'usure ; celui-là est juste, il vivra dit le Seigneur, l’Éternel. »

La dette, arme de l’usurier

La dette est l’autre arme du cupide, elle agit comme un hameçon qui accroche sa proie. L’individu endetté est une proie fragile, en faute morale, en état de faiblesse, car il est dans le devoir de rembourser, de tenir sa parole et son engagement.

Un détour sur l’étymologie du mot « dette » dans différentes langues, nous permet de mieux saisir la perception qu’en avaient nos anciens : en français, le mot dette est tiré du latin « debeo », qui signifie « devoir » ;  en bambara, « djourou » signifie dette mais aussi corde au cou ; en allemand, « schuld » signifie dette mais aussi culpabilité, faute ; en arabe, dette est tiré du verbe « dana » qui signifie humilier, faiblir, soumettre ; la Thora utilise le mot « mashsha » pour décrire la dette avec usure, qui a pour racine le verbe « nasha » qui signifie « séduire, abuser, surprendre, être dans l'illusion, tromper, oublier, égarer, se jouer de ». Tout un programme...

La dette, non seulement aliène les individus, mais aussi les États. Une société endettée est une société qui ne jouit pas d’une liberté totale. Le colonialisme s’est développé par l’arme de la dette avec intérêts : la Tunisie (1881), l’Égypte (1882), et le Maroc (1912) en savent quelque chose.

Au niveau des citoyens, un travailleur endetté est moins enclin à se battre pour ses droits dans la durée. Le patronat et le gouvernement l’ont bien intégré, ils en abusent même.

Il est donc légitime de « purifier » la monnaie du poison de l’usure, mais aussi de l’arme de la dette. Il faut déconstruire huit siècles d’ingéniosités usuraires qui ont fait de la monnaie la coquille de la dette avec intérêts, à tel point qu’aujourd’hui la monnaie n’existerait pas sans la dette : si tout le monde pouvait rembourser sa dette par un coup de baguette magique, la monnaie disparaîtrait, et l’économie serait anéantie.

N’est-il pas temps de détacher, une bonne fois pour toute, le concept de monnaie de celui de la dette ?

La fonte de la monnaie, l’antidote au chaos de l’usure

Dans un monde sans usure et où la monnaie est dure, libre de dette, et est entièrement émise par la banque centrale, la rareté de la monnaie donnerait trop raison aux avares qui aiment accumuler plus de richesses que nécessaire de peur d'un avenir qui se veut incertain.

Cette thésaurisation de l'argent serait un désastre pour le fonctionnement sain de l'économie réelle. Tout comme le sang doit circuler dans le corps humain, les richesses doivent circuler dans l’économie.

Mais au lieu d'y instiller le poison de l'usure pour accélérer la circulation de la monnaie, il faut créer un mécanisme qui permette de fluidifier la monnaie, le sang de l’économie, et l’empêcher de coaguler sous l'effet de la thésaurisation des avares.

Pour inciter les individus à faire circuler une monnaie dure, il faut revenir à la pensée économique de Silvio Gesell, pour s’inspirer de son concept de «monnaie fondante ».

L’idée principale de ce penseur théoricien monétaire du début du XXème siècle, est que la monnaie, doit se consumer au cours du temps comme se consument les denrées, et ainsi perdre de sa valeur.

Pour être honnête, j’ai eu l’idée de ce concept de monnaie fondante sans même connaître la théorie de Gesell. L’idée m’est venue en voulant appliquer directement à la monnaie l’idée de « l’impôt de purification » (zakat).

Alors que l’usure a été au cours des siècles intrinsèquement incrustée à la monnaie, mon idée est de libérer la monnaie de l’usure, et de la lier dans son essence à un impôt de solidarité.

Si l’usure est le feu (et la thésaurisation la glace), cette fonte de la monnaie est l’eau qui éteint le feu de l’usure, elle est, par essence, son inverse, son ennemi, son antidote.

Si l’usure est le chaos, l’impôt de solidarité (prélevé grâce à la fonte de la monnaie) est l’harmonie.

La fonte de la monnaie agirait donc comme l’antidote au chaos !

Le principe de la fonte de la monnaie

Chaque jour de la semaine ouverte (du lundi au vendredi), pour chaque 100 euros détenus sur un compte, un centime est prélevé, pour pousser les thésauriseurs à investir et dépenser leur argent. S'ils ne le font pas, au bout d'un an, ils se retrouvent tout de même avec 97,4 euros restants.

Les 2,60 euros prélevés ne disparaissent pas (contrairement à la théorie de Gesell). Ils sont collectés par le trésor et doivent servir à l'action sociale en étant distribués aux individus dans le besoin.

Par voie de conséquence, cette taxe prélevée sur l'argent thésaurisé se retrouverait entre les mains de consommateurs dont l'utilité de l'euro supérieur est vitale pour eux, ce qui permet de revigorer l'économie !

Cette taxe a pour effet d’accélérer la vitesse des échanges économiques.  En effet, plus la vitesse de circulation de la monnaie est grande (idée de vélocité de la monnaie), et plus l’économie est forte.

L'idée sous-jacente est que le surplus d'argent accumulé doit être réinvesti dans l'économie réelle pour qu'il génère une activité nécessaire à la croissance soutenable de l'économie.

Si cet argent reste passif, il doit alors être pénalisé pour la croissance qu’il n’a pas généré sciemment. De plus, cette pénalisation n’est pas détruite. Au contraire, elle est redistribuée aux agents économiques dans le besoin qui utiliseront cet argent pour vivifier l’économie.

Il est possible d'introduire un seuil d'activation de cette taxe, pour ne pas pénaliser le solde du compte au premier centime.

Ainsi, le but sera de permettre l'exonération d'une partie de la monnaie possédée par un individu, pour ne pas pénaliser ce qui peut être considéré comme une sorte de coussin de sécurité nécessaire.

Si ce seuil est de 5000€, et que le compte présente un solde créditeur constant de 10000€, la taxe annualisée sera de 130€ et non 260€.

L’épargnant est-il plus pénalisé dans ce système ?

Dans le système actuel de monnaie-dette, l’épargnant qui accumule des liquidités en vue d’un projet, pour l’achat d’un véhicule ou d’un appartement par exemple, voit déjà sa monnaie fondre en pouvoir d’achat.

En effet, le montant en euros reste identique, mais son pouvoir d’achat se voit grignoter au fil du temps par l’inflation, qui est principalement le fait de la prolifération monétaire des banques commerciales et centrales.

Une monnaie dure telle que proposée dans ce texte, a l’avantage de croître de manière modérée. Elle n’est donc pas naturellement inflationniste. Donc la fonte proposée a l’avantage d’être « franche », sans vices cachés.

Aussi, dans le cas de la monnaie fondante, le taux de l’érosion monétaire est connu par avance (2.6%), alors que dans un monde de monnaie-dette, il n’y a pas de limite à l’inflation (cf l’année 2022 où l’inflation a dépassé les 10% dans certains pays dits développés du fait notamment de la création monétaire débridée).

Mais surtout, dans le cas de la monnaie-dette, l’inflation qui appauvrit l’épargnant est provoquée par la création monétaire des banques, au profit des banques elles-mêmes, du monde de la finance, des adeptes de l’effet de levier, des clients hyper financiarisés, des milliardaires qui abusent du LBO…

Alors que dans le cas de la monnaie fondante, la fonte est un impôt de solidarité, qui profite aux plus démunis, qui permet de revigorer l’économie en donnant un coup de fouet à l’épargne oisive. Ce nouvel impôt permet aussi d’alléger la charge fiscale des classes moyennes, car il peut se substituer et remplacer l’injuste impôt sur le revenu du travail.

Enfin, cet impôt sur la monnaie oisive peut être évité : il suffit de faire circuler son épargne en prêtant à une entreprise, ou en investissant dans une activité économique.

Que pense Keynes de l’idée d’interdire l’usure, et de la monnaie fondante de Gesell ?

L'interdiction de l’usure préconisé ici, a même été évoquée par le célèbre économiste britannique J. M. Keynes : « Je ne vois donc rien qui nous empêche de revenir un jour à quelques-uns des principes les plus sûrs et les moins douteux de la religion et de la vertu traditionnelles – que l’avarice est un vice, la pratique de l’usure, un délit, et l’amour de l’argent, détestable… ».

De même, concernant Silvio Gesell et son concept de « monnaie fondante », Keynes le décrit à la fin de la Théorie générale comme un « prophète étrange » dont « la postérité aura plus à tirer de sa pensée que celle de Marx. »

Tout système est corruptible, sauf si ses garants restent vigilants

L'intelligence humaine est habile quand il s'agit de contourner les lois, et il y aura toujours des cupides et des avares pour le faire en toute légalité et assouvir leur besoin d'accumuler des richesses.

Pour le cupide, déguiser artificiellement un prêt en un contrat achat-vente en différé (c’est-à-dire pour y faire refléter des intérêts de crédits) est une chose aisée.

Un avare peut accumuler en stockant de l'immobilier ou des matières premières sans que cela soit justifié par un besoin ou une activité. Ainsi, et à titre d'exemple, un logement non loué au-delà d'un certain temps doit être soumis au même régime, à savoir à la taxation des richesses accumulées et dormantes (cf taxe Gesell).

Un protocole monétaire citoyen, choisi démocratiquement

Pour pouvoir appliquer toutes les règles et lignes directrices citées plus haut et en garantir l'indépendance du pouvoir politique, il est nécessaire que le protocole de la monnaie soit protégé par la loi et inscrit dans le marbre de la constitution.

Pour rappel : la pratique de l'usure est interdite ; la monnaie fondante est à hauteur de 2.6% et redistribuée aux plus nécessiteux ; enfin, la création monétaire est de 2.6% (de la masse monétaire initiale) et distribuée sous forme de dividende social (aux citoyens ou à l'État).

Un protocole monétaire protégé du pouvoir politique

Faut-il pour autant faire confiance à 100% à l'État dans la gestion de la monnaie ? Ne court-on pas le risque de voir des cupides reprendre le pouvoir et changer les règles de création monétaire ?

Montesquieu a théorisé la séparation des trois pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire). Les citoyens du XXIème siècle doivent inscrire dans le marbre de nos institutions la séparation du pouvoir monétaire, un pouvoir détenu aujourd’hui par des institutions privées.

Le pouvoir de création monétaire est puissant et les règles d'or citées plus haut doivent être appliquées de façon transparente et sécurisée. Le registre de la monnaie doit être un registre public qui appartient à tous.

La meilleure façon de construire la monnaie du futur est d'utiliser un protocole technologique qui assure la transparence des règles de gestion de la monnaie, du prélèvement de la monnaie fondante et de sa redistribution, de la création monétaire du dividende social et de sa redistribution...

Le protocole monétaire choisi doit garantir la sécurité des fonds et des transactions, être écologiquement soutenable, et être capable de gérer un grand nombre de transactions rapidement et en toute sécurité.

La France peut être un pionner dans ce domaine, si l'État se donne les moyens d'investir dans la recherche du meilleur protocole possible.

Dans le cadre d’un compte central unique, il serait aisé pour un pouvoir central d’abuser d’une position dominante pour couper l’accès à ce compte à un citoyen.

Il faut faire en sorte que l’accès au compte unique d’un citoyen soit un droit fondamental et inviolable. De la même manière, il faudrait protéger les citoyens de toute intrusion de la puissance publique dans les libertés individuelles, notamment la liberté de l’anonymat en ce qui concerne les transactions effectuées lorsqu’elles ne relèvent pas de faits graves (financement du crime ou du terrorisme).

Un compte central unique pour chaque citoyen

Le système préconisé nécessite une monnaie 100% digitale, mais aussi l'attribution à chaque citoyen d'un compte « central » unique.

Bien évidemment, ce compte doit être déclaré caduc une fois la personne décédée. C'est pour cette raison qu'une monnaie sous contrôle des citoyens semble être un gage de sécurité nécessaire. Le registre de la monnaie, doit être connecté au registre de l’État Civil.

De la même façon, le registre cadastral peut également être relié au registre de la monnaie pour s'assurer que les accumulateurs et les thésauriseurs n'investissent pas dans la pierre sans mettre leurs biens en location, afin de passer entre les mailles du filet de la taxe sur la monnaie fondante.

Enfin, dans un souci de transparence, tous les prêts/emprunts entre individus ou institutions privées doivent être enregistrés dans un registre des dettes. Ce registre de dette existe actuellement, mais il est monopolisé par les banques commerciales.

Un protocole monétaire contre l’évasion fiscale

Revenons un instant sur la monnaie fondante et sa redistribution aux plus nécessiteux. Cette fiscalité monétaire se fait en début de cycle économique, avant même que la monnaie soit même dépensée.

Personne ne peut y échapper puisqu’elle est inscrite dans le protocole même de la monnaie. Nulle évasion fiscale n’est de ce fait possible.

Cette taxe s’inscrit en faux contre les intérêts bancaires perçus de nos jours par le capital épargné. Là où cette taxe réduit les inégalités de richesse, les intérêts du capital les exacerbent en faisant en sorte qu’une partie significative des richesses tombe entre les mains d’une minorité jusqu’à atteindre des limites dangereuses pour les équilibres en place : la richesse accumulée va de pair avec une misère sociale, et se mue petit à petit en pouvoir politique (ploutocratie), jusqu’à construire un monde fait sur mesure pour les cupides.

À titre d’illustration, cette taxe vise bien plus les 300 milliards de dollars de cash accumulés par Apple en 2020 dans les paradis fiscaux que le bas de laine de la veuve de Carpentras.

Un système de taxe sur la consommation simplifiée

Dans le même esprit, il serait bon de profiter de cette monnaie digitale pour y inscrire la fiscalité au moment des transactions, et non en fin de cycle économique.

Elle prendra la forme d’une sorte de taxe appliquée à chaque transaction commerciale, en fonction de la nature de l’échange, de sa nocivité environnementale ou de son utilité pour l’intérêt commun.

De nos jours, une multinationale ayant une activité polluante peut faire appel aux meilleurs avocats-fiscalistes pour essayer d'éviter le plus possible l'impôt sur les sociétés, et le réduire de manière significative, tandis qu’une PME locale ne peut échapper au taux réglementaire.

La taxation au moment de la transaction peut aussi être un moyen de favoriser les circuits courts, et de pénaliser la multitude d’intermédiaires qui se servent à différentes étapes du cycle (de la production jusqu’au consommateur final).

Cette taxe sur les transactions constituera un facteur qui favorisera l’économie locale et sera un frein à la mondialisation néfaste.

On peut y ajouter différents niveaux de taxation : 20% pour toutes matières premières extraites des sous-sols ; 10% pour les matières premières extraites du sol ; et 5% pour toutes activités humaines qui y ajoutent une valeur ajoutée (l’agriculture active rentre dans cette catégorie, ainsi que toutes les autres activités commerciales).

Cette taxation unique et sur différents niveaux favorise les activités peu consommatrices des ressources naturelles, qui sont en adéquation avec une économie soutenable pour l’équilibre écologique.

Détaxer le fruit du travail

Quid de la taxation des revenus du travail ? Analysons cette question dans une perspective historique.

Le travail a été taxé pour la première fois en 1913 aux États-Unis, quasi simultanément avec la création de la FED (banque centrale américaine).

L’idée de départ consistait à créer une organisation privée et lui donner un nom officiel (Federal Reserve) pour financer un État défaillant sur la gestion des finances publiques. Pour rembourser les intérêts de la dette publique, il fallait introduire l’idée d’un impôt sur le revenu. C’est de la manière suivante qu’est né l’impôt sur le revenu (du travail et du capital).

Dans un monde assaini de l’usure, le travail ne doit pas être taxé. Le travail est une valeur noble qui doit être protégée de l’impôt. Cela avantagera les optimistes qui souhaitent travailler plus pour gagner plus.

Bien sûr, il faut des gardes fous pour ne pas autoriser les dérives sociales, grâce à une réglementation du travail adéquate, ce qui est déjà le cas aujourd’hui.

Se protéger des économies extérieures usuraires, anti-sociales, et antiécologiques

Toute la réflexion décrite dans ces notes est construite autour d’une monnaie opérant dans un circuit économique fermé.

Il est important qu’une économie construite sur les idées exposées ci-dessus ne soit pas polluée par des économies qui reposent sur l’usure, ou des lois antisociales et non écologiques.

C’est à l’État, sous la vigilance des citoyens, de contrôler les flux de monnaies pour protéger les règles économiques décrites dans ce texte, notamment en servant de tampon entre notre économie et toutes les économies étrangères nocives (droits de douanes, ségrégation dans des comptes monétaires dédiés aux économies étrangères, etc.).

Créer des ponts monétaires avec les économies extérieures non usuraires, respectueuses des valeurs sociales et écologiques

Il est aisément imaginable d’incorporer à ce système monétaire une autre économie qui en accepterait les règles. Les monnaies peuvent alors circuler d’une économie à l’autre, d’un compte monétaire à un autre. Seules les règles de solidarité (monnaie fondante) et de redistribution du dividende social (création monétaire annuelle) s’appliqueront au sous-groupe auquel les citoyens sont associés (l’État français en ce qui nous concerne).

Quid du rôle des banques commerciales ?

Dans une telle économie où il n’est nullement besoin de créer un compte en banque étant donné que chaque citoyen reçoit un compte monétaire unique à la naissance, l’activité conventionnelle des banques reste à définir.

La gestion pratique des comptes et du suivi des paiements peut être proposée par des sociétés innovantes via des applications (fintechs).

Les banques peuvent se reconvertir en créant des pôles d’investissements pour mettre en relation l’épargne passive avec les États, les collectivités, ainsi que les sociétés et les individus ayant besoin de monnaie pour leurs activités.

La participation peut se faire sous forme de prêt sans intérêt (seul la banque toucherait une commission pour la mise en relation entre l’épargnant et l’entité emprunteuse).

D’aucuns peuvent se poser la question de l’intérêt de prêter à taux nul. Cela permettrait en réalité d’éviter de payer la taxe issue de la monnaie fondante (soit un gain de 2.6% annuellement), étant donné que le prêteur, en se délestant de son excès monétaire lors du prêt, se décharge de sa responsabilité de faire circuler la monnaie.

La participation à l’activité peut se faire aussi sous forme d’actionnariat, et rien n’empêche alors l’épargnant de toucher des dividendes qui résulteraient d’une activité florissante.

Ainsi, le rôle des banques privées ou publiques est important. Elles seront alors les intermédiaires entre les épargnants et ceux qui prennent des risques économiques. La décision finale d’investissement revient à l’épargnant et non à la banque. En échange de leurs services, les banques touchent des frais.

Dans une économie telle que préconisée ici, tout reste à réinventer. C'est notamment le cas des sociétés d’investissements immobiliers qui pourraient soit aider les primo-accédants à accéder au logement par des contrats de location-vente, soit permettre aux plus prévoyants d’investir leur épargne dans un parc immobilier locatif et capitaliser en vue de leur retraite.

Dans le système préconisé ici, l'épargne thésaurisée est pénalisée, sauf si elle est prêtée à des individus ayant des projets dans la vie. Le but est de croiser ces deux agents économiques, l'optimiste et l'épargnant, par un prêt à taux nul qui avantage les deux parties.

Le premier profite d'un capital gratuit, le second évite la taxe de la monnaie fondante en transférant son capital (considéré dans ce système comme une responsabilité et non un privilège).

Le modèle de l’assurance conventionnelle rentre dans le cadre de l’usure car, par définition, parier sur un futur incertain est une des composantes de la pratique usuraire. Le modèle de l’assurance doit alors se tourner vers celui de la mutualisation des risques. Chaque cotisation ne doit servir que les mutualistes. Seuls des frais de fonctionnements sont ponctionnés.

Comment passer de notre économie usuraire au modèle décrit ci-dessus ?  La phase transitoire, le jubilé en douceur

La dialyse monétaire

Reste à aborder le point le plus important et le plus difficile : celui de la transition.

Il faut pour cela commencer par l'aspect purement technique : créer le protocole de la monnaie et la mise en place des comptes monétaires dans un registre central.

De nombreux pays sont en avance dans ce domaine, notamment la Chine et les États-Unis, qui sont en train de mettre en place leur propre crypto-monnaie de banque centrale (Central Bank Digital Coin) et d’ouvrir des comptes uniques auprès de la banque centrale pour chacun de leurs citoyens.

Il faut décider de la masse de monnaie centrale et libre de dette à créer annuellement et à mettre en circulation dans l'économie réelle.

Une façon de le faire, serait de créer sur une année cette monnaie pour subventionner le budget de l’État à hauteur de 2.6% de la masse monétaire, afin de diminuer le poids de la dette et des impôts à prélever sur les classes moyennes.

En contrepartie, l’État s’engagerait à avoir un budget équilibré et à ne plus recourir aux marchés financiers.

Le jubilé de la dette

Par ailleurs, il faut également aborder la question de la dette qui est actuellement insoutenable. Le jubilé de la dette est une suppression de toutes les dettes.

Dans l'Ancien Testament, tous les 50 ans, le jubilé permettait la libération des serviteurs des riches, qui ayant contracté des dettes, n’avaient pu s'en acquitter.

Dans ces temps troubles, il est urgent de sortir d'une économie du tout-crédit et de desserrer l'étau de la dette sur l'État et les ménages.

Est-ce que la suppression de la dette est une bonne chose ? Bien sûr ! Mais la finance est un monstre mondialisé et les dettes se croisent dans tous les sens.

Un pays (Chine ou Japon), un groupe de personnes (retraités US), risquent d'y perdre énormément.

La suppression de la dette peut même être source de guerres. Et pourtant la cocotte-minute de la dette est au bord de l'explosion : 300 000 milliards $ au niveau mondial.

Cette situation est intenable tant au niveau des États, des entreprises et des ménages. Il faudrait une dépressurisation progressive de la cocotte de la dette par des petits pas soutenables.

La solution consiste à desserrer l'étau du tout-dette sur les États, en remplaçant le déficit annuel de 3% du PIB par une subvention de 2.6% de la masse monétaire, grâce à une injection de monnaie libre de toute dette.

Cette monnaie centrale libre de toute dette, permet d'introduire un euro qui ne dépend pas du crédit, sachant que 95% des euros en circulation sont créés par la SG, la BNP, etc, lors de l'octroi d'un crédit.

Cette nouvelle monnaie centrale doit être assujettie à la fonte. Cette légère taxe de 2.6% annuellement peut se justifier aisément : cette monnaie centrale ne dépend pas de la santé financière des banques commerciales, contrairement aux euros-SG ou euros-BNP qui ne sont en réalité qu’une reconnaissance de dette de la SG ou de la BNP envers les déposants. La fonte est en quelque sorte le prix à payer pour la garantie de ses avoirs monétaires.

Quand la création de crédit est à l'arrêt, notre économie actuelle montre ses limites comme ce fut le cas durant les confinements liés au coronavirus ! Cette introduction d'euros centraux libres de dette peut être considérée comme une dialyse qui assainit notre système monétaire du 100% crédit. Une image pas si choquante si on considère comme le prix Nobel d'économie Maurice Allais que la création monétaire par le crédit est le cancer qui ronge notre économie.

Un contrôle du crédit bancaire pour expurger l’économie du cancer de la monnaie-dette

Pour éviter une inflation néfaste, il faut contrebalancer la création annuelle de la monnaie libre de dette en réduisant la création monétaire par le crédit des banques commerciales.

60% de l’encours des crédits est le fait d'un crédit immobilier ! Dans cette période transitoire il suffit de limiter le crédit immobilier à la résidence principale. Il n'est pas choquant ni violent de prendre une telle décision qui permettrait en plus de faire atterrir en douceur les prix de l'immobilier.

En résumé, la transition préconisée ici est douce, elle permet de desserrer l'étau de la dette sur l'État, et par ricochet d’alléger l’effort fiscal demandé aux ménages au bord de l'implosion sociale.

Les montants de monnaie créée sont raisonnables, et permettent à l’État et aux citoyens de respirer.

L'introduction d'une monnaie libre de dette permet de stabiliser un système économique en surchauffe qui repose trop sur le crédit. Le rythme de la monnaie-crédit est infernal pour les Hommes et la planète.

Dans la phase transitoire, ces deux monnaies, monnaie-libre et monnaie-dette, doivent être acceptées indifféremment par l'État pour le paiement des impôts, ou par les commerçants, pour le paiement de leurs biens et services.

Cependant, la monnaie émise par le crédit des banques doit être de plus en plus encadrée à mesure que la monnaie libre prend de la place dans la société.

Cette régulation du crédit est la variable d'ajustement pour contrôler l'inflation.

Une fois la phase de transition achevée, libre à la société de décider démocratiquement comment répartir ce dividende social entre l'État ou les individus.

La guerre des deux monnaies

Une fois la phase de transition finie, les deux monnaies doivent devenir indépendantes l’une de l’autre. L'État ne doit plus accepter le paiement des impôts par la monnaie dette.

Les acteurs privés (ménages et entreprises) doivent prendre leurs responsabilités par rapport aux dettes émises dans le secteur privé, que ce soit avec un établissement de crédits ou une entreprise commerciale.

Ainsi la responsabilité de défaut n'est supportée que par ceux qui contractent ensemble des dettes, et non par toute la société comme c'est le cas aujourd'hui.

Le mot de la fin

Le système monétaire préconisé dans ce texte peut se définir ainsi : la monnaie est un outil qui permet la juste mesure de tout bien et service, sa circulation dans l’économie réelle est favorisée, sa thésaurisation pénalisée grâce à un impôt de solidarité, l’usure est interdite, et les acteurs économiques responsabilisés peuvent organiser leur commerce grâce à une confiance mutuelle, dans le respect humain et environnemental.

Un système où nul n'est lésé par les excès des autres agents économiques, que ce soit par le désir d’accumulation à l’infini, par l’aliénation via la dette et l'usure, par la prolifération monétaire illimitée, ou par la socialisation des pertes des investisseurs.

Un système où règne l’harmonie, plutôt que le chaos…

Anice Lajnef
Mars 2020, édité en Février 2023

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.