Un exosquelette de la main contrôlé par la pensée

© 2018 EPFL / Hillary Sanctuary

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Des chercheurs de l’EPFL développent un exosquelette de la main à la fois léger, portable, et contrôlable par les ondes cérébrales. L’appareil a la particularité d’améliorer la performance de l’interface cerveau-machine, un progrès qui pourrait aider à restituer chez certains handicapés moteur la capacité de saisir des objets.


Un exosquelette pour la main, léger, portable et qui aiderait les handicapés moteur dans la vie de tous les jours, tel est l’espoir de Luca Randazzo, chercheur à L’EPFL qui développe l’appareil au sein de la chaire de la fondation Defitech sur les interfaces cerveau-ordinateur dirigée par José Millán. Les derniers résultats sont publiés dans l’édition de janvier de la revue scientifique IEEE Robotics and Automation Letters.

Son laboratoire du Campus Biotech à Genève est déjà bien fourni en exosquelettes commerciaux, tapis roulants et machines d’assistance à la marche. Mais Luca Randazzo confie qu’à son arrivée, il a «commencé par apporter une machine à coudre, pour pouvoir développer des appareils à porter comme des vêtements.»

Un exosquelette léger, portable et adaptable

S’attachant à l’aide de bandes velcro au niveau des articulations, l’exosquelette se pose en quelques minutes sur la main d’un patient. Des câbles en métal servent de tendons sur le dessus de chaque doigt, sans obstruer la paume, afin de maximiser les sensations dans la main. Des moteurs installés dans un boîtier fixé sur la poitrine servent à tirer ou pousser chaque câble, suivant que l’on veuille tendre le doigt ou le plier.

L’exosquelette a également été conçu pour être adaptable, puisqu’on peut choisir l’interface de contrôle en fonction des capacités résiduelles du patient, comme par exemple la détection des mouvements de l’œil chez une personne fortement paralysée, ou encore l’interface vocale d’un smartphone, l’activité musculaire résiduelle du membre endommagé, et même la détection d’ondes cérébrales à l’aide d’un casque.

La détection d’une activité cérébrale inattendue permet un meilleur contrôle de l’exosquelette

Pour avancer la recherche sur le contrôle d’exosquelettes par ondes cérébrales, les scientifiques ont décidé de munir les utilisateurs d’un casque EEG afin de mesurer les signaux du cerveau lors du maniement de l’appareil. Ils ont découvert que les mouvements imposés par l’exosquelette sur la main génèrent des ondes cérébrales caractéristiques du mouvement d’un membre normal. Ils ont par contre été surpris de constater que, si les mouvements dictés par l’exosquelette sont combinés avec l’utilisation d’une interface cerveau-machine pilotée par l’utilisateur, des signaux très particuliers sont générés. Et ces ondes cérébrales inattendues facilitent peut-être le contrôle de l’exosquelette.

La zone du cerveau impliquée dans le contrôle des mouvements du corps s’appelle le cortex moteur, et elle est divisée entre un côté droit et un côté gauche. Le cortex moteur droit est principalement sollicité lors de la mobilisation de la main gauche, et vice versa. Ce contrôle dénommé controlatéral (c’est-à-dire de côté opposé) est une propriété du système nerveux.

Comme prévu, les scientifiques ont pu observer une activité cérébrale controlatérale chez les personnes qui subissaient passivement les mouvements de l’exosquelette. Par contre, chez les sujets invités à contrôler l’exosquelette à l’aide des ondes cérébrales, des signaux sont aussi apparus du même côté que la main sollicitée. En d’autres termes, lorsque les personnes pensaient à faire bouger l’exosquelette, la partie du cerveau normalement dédiée au contrôle de l’autre main se trouvait aussi activée.

D’après les chercheurs, cette activité cérébrale générée par l’association entre contrôle volontaire et retour d’information cohérent de l’appareil pourrait être exploitée afin d’améliorer le contrôle d’exosquelettes par ondes cérébrales.

«Cette amélioration du contrôle de l’exosquelette par les ondes cérébrales est probablement dû à la richesse du feedback sensoriel offert par notre exosquelette, explique José Millán. Cela permet un plus grand engagement de la part de l’utilisateur. Le feedback, ou retour d’information, résulte de la perception par l’utilisateur de la position et du mouvement de sa propre main, et cette proprioception est essentielle.»

L'exosquelette de la main a jusqu'à présent été testé sur des patients handicapés à la suite d'accidents vasculaires cérébraux ou de lésions de la moelle épinière. Les prochains efforts se concentrent sur l’amélioration du système pour assister les tâches quotidiennes à la maison, ou encore comme outil de rééducation.

Luca Randazzo ajoute qu’«à l’avenir, en combinant des appareils portables avec des interfaces homme-machines performantes, ce type de système pourrait offrir une aide pratique et salutaire au quotidien.»


Auteur: Hillary Sanctuary

Source: EPFL