Mieux évaluer la sécurité des bâtiments frappés par un séisme

Yves Reuland installe un capteur dans un bâtiment-test destiné à la démolition. ©A. Herzog/EPFL

Yves Reuland installe un capteur dans un bâtiment-test destiné à la démolition. ©A. Herzog/EPFL

Des chercheurs de l’EPFL proposent une nouvelle méthodologie pour aider les habitants d’une région à regagner rapidement leur logement après un tremblement de terre.

Evaluer l’habitabilité d’un immeuble après un séisme est un défi et une grande responsabilité pour les ingénieurs. Au-delà du risque d’effondrement, ces experts doivent prédire si le bâtiment déjà endommagé résistera à une réplique de même violence au même endroit. Et dans ce domaine, la recherche est encore en plein essor.

Des chercheurs du Laboratoire d'informatique et de mécanique appliquées à la construction (IMAC) de l’EPFL proposent une nouvelle méthodologie susceptible d’apporter plus de précision à cette évaluation. Leur approche, basée sur l’analyse des vibrations des bâtiments, vise à compléter les outils actuels et à accélérer le tri entre bâtiments habitables et à risque. Yves Reuland (premier auteur), Pierino Lestuzzi et Ian F.C. Smith ont publié leur étude dans l’édition de janvier de la revue Soil Dynamics and Earthquake Engineering.

«Dans cette article, nous montrons qu’il est possible de rassembler des technologies existantes qui n’ont pas été réunies jusqu’ici, soit l’interprétation de mesures utilisées habituellement pour juger l’état de ponts, que nous avons appliquée ici à l’évaluation d’immeubles endommagés par un séisme», explique Pierino Lestuzzi, maître d'enseignement et de recherche. «L’autre nouveauté de notre méthodologie est de ne pas avoir besoin de connaître l’état zéro d’un bâtiment pour dresser un constat». Le chercheur indique qu’il est encore rare qu’un bâtiment soit équipé de capteurs qui enregistrent en permanence son comportement. Après un séisme, les ingénieurs posent donc un diagnostic comme un médecin qui n’aurait pas accès à l’histoire médicale d’un patient.

Constat visuel

Ce diagnostic s’effectue par constat visuel en suivant un formulaire développé par des ingénieurs italiens. Ce document a prouvé sa pertinence après les deux forts séismes survenus en 2009 et 2016 au centre de l’Italie. Si la visite d’un bâtiment et le relevé des dégâts sont essentiels après un séisme, le procédé est long – il faut compter 2 à 3 heures par bâtiment –, relativement subjectif et complexe. Ce constat comporte en outre de fortes incertitudes quant à la résistance d’un bâtiment aux futures répliques. C’est là qu’entre en scène la méthodologie développée par le Laboratoire IMAC.

Concrètement, les ingénieurs procèdent à un enregistrement des vibrations ambiantes (engendrées par le vent et les activités humaines tel que le trafic routier) de chaque bâtiment à l’aide d’un sismographe portable. Ils placent à cet effet durant une demi-heure trois à quatre capteurs à différents endroits du bâtiment, comme un médecin ausculterait un patient à l’aide d’un stéthoscope.


Yves Reuland observe l’enregistrement des données par le sismographe. ©A. Herzog/EPFL

Informations chiffrées et tri facilité

Ces données sont ensuite nettoyées afin de distinguer les changements de comportement de la structure liés au séisme de ceux induits par la météo, le bruit ambiant ou l’âge du bâtiment. Enfin, les chercheurs entrent les paramètres obtenus dans des modèles physiques afin de prédire la résistance du bâtiment aux répliques. L’étude estime entre 50 et 100% le degré de fiabilité de cette prédiction. Ces résultats chiffrés complèteront les estimations effectuées par le constat visuel. «La combinaison de ces procédés réduira le degré d’incertitude quant à l’habitabilité d’un bâtiment, mais des développements de nos modèles sont bien sûr souhaitables avant qu’ils ne soient généralisés», relève Yves Reuland, post-doctorant.

Pierino Lestuzzi indique que la méthodologie du Laboratoire IMAC serait déjà utile pour dresser un bilan rapide des bâtiments situés dans la couronne externe d’un séisme afin de permettre à ses habitants de regagner rapidement leur logement.

Pour cette étude, les chercheurs du Laboratoire IMAC ont travaillé de manière théorique et de manière expérimentale en analysant la destruction d’un bâtiment (Villa Marguerite, sur le site de l’EPFL) et les essais expérimentaux effectués sur un bâtiment-test monté sur une table vibrante par le Laboratoire du génie parasismique et dynamique des structures (EESD) de l’EPFL, dirigé par Katrin Beyer.

Transfert régulier de connaissances
Le Laboratoire IMAC de l’EPFL délivre régulièrement des formations liées à ses recherches aux ingénieurs valaisans et bâlois qui opèrent dans les régions les plus sismiques de Suisse. Cette recherche fera également l’objet d’un transfert de connaissances auprès de ces acteurs. Yves Reuland teste actuellement l’application théorique des modèles du Laboratoire IMAC à l’échelle urbaine, notamment aux villes de Sion et de Martigny, et élabore des scénarios pour prédire le comportement du bâti en cas de séismes et de répliques. De son côté, le canton du Valais a adapté le formulaire de constat visuel développé par les experts italiens aux spécificités du bâti helvétique et mis sur pied des cours de formation pour ingénieurs spécialisés.


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© Alain Herzog / 2019 EPFL
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© Alain Herzog / 2019 EPFL
© Alain Herzog / 2019 EPFL
© Alain Herzog / 2019 EPFL
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