Un pavillon en terre crue érigé à Saint-Gall

Yannick Claessens et Mattia Pretolani (de g. à d.) sont à l’origine du projet. © Jamani Caillet

Yannick Claessens et Mattia Pretolani (de g. à d.) sont à l’origine du projet. © Jamani Caillet

Série d'été. Une trentaine d’étudiants de master en architecture de l’EPFL et d’autres hautes écoles suisses construisent pendant deux semaines un pavillon-prototype en «pisé» sur un site saint-gallois dédié à l'art. Une exposition sur cette technique de construction s’ouvrira le 20 août en face du chantier. 

Equipés de casques et de bottes de chantier, des étudiants s’affaireront durant deux semaines autour du site du Sittertal, à Saint-Gall. Leur but? Réaliser un «mock-up» en terre crue, un bâtiment qui servira de prototype pour réaliser un Pavillon d’art en 2018. En provenance de quatre institutions, l’EPFL, l’ETH de Zurich, la Haute école du nord-ouest de la Suisse, basée à Bâle et la Bauhaus-Universität de Weimar, en Allemagne, ils seront en tout une trentaine à relever le défi. Le projet de cette «Summer School» a pris forme à l’EPFL après deux semestres de cours donnés par l’architecte zurichois Roger Boltshauser, professeur invité de la Section d’architecture: «J’ai demandé à mes étudiants de master de développer des projets de densification en terre crue adaptés au site post-industriel saint-gallois. Nous voyons un grand potentiel dans l’usage de constructions hybrides, mêlant la terre crue à d’autres matériaux, et dans l’usage de designs optimisés au niveau énergétique. C’est ce que nous avons développé durant le dernier semestre en partenariat avec l’industrie de la construction et des experts qualifiés», explique-t-il.

Le mock-up sera essentiellement composé de piliers réalisés en «pisé», une technique ancestrale qui consiste à construire un bâtiment avec de la terre crue compactée dans des coffrages. Le pavillon planifié en 2018 mesurera 23 mètres de long, 6 mètres de haut et 6 mètres de large. Il se présentera comme un bâtiment d’exposition ouvert. Par sa flexibilité, il pourra avoir d’autres usages. Plusieurs contraintes pragmatiques ont en effet été imposées par l’association Sitterwerk en charge du site, dont celle de pouvoir faire entrer des transpalettes dans le bâtiment pour le transformer, si nécessaire, en lieu de stockage. L’emploi de matériaux recyclés, notamment d’éléments en bois, et d’une toiture ondulée en métal, ont aussi été demandés. Des éléments en béton préfabriqués complèteront le bâtiment.

Entre tradition et modernité

Yannick Claessens et Mattia Pretolani, étudiants en architecture de première année de master, sont à l’origine du concept. Leur projet a été sélectionné en raison de son parti pris audacieux: leur pavillon mêlera en effet deux types de construction en pisé. Alors que la base du pavillon peut être édifié en pisé traditionnel, érigé et séché sur les fondations du bâtiment, la partie à l’étage supérieur du pavillon sera construite en même temps avec des blocs en pisé préfabriqués. Le tout permettra d’accélérer le temps de la construction de l’édifice. La terre nécessaire à la construction des piliers en pisé seront récoltés sur des chantiers saint-gallois et testés par des experts.

Les deux étudiants resteront marqués par la découverte du pisé: «Nous pensons qu’être intelligent, c’est utiliser les matériaux que nous avons à notre disposition et la terre, qui est à 100% recyclable, en fait partie», commente Yannick Claessens. «Dans notre projet, les murs en pisé sont porteurs, pas le béton. Nous inversons ainsi les codes habituels de la construction.» Même enthousiasme du côté de Mattia Pretolani: «Nous nous sommes sentis très libres dans la conception de ce projet car tout est à découvrir dans le pisé, qui n’a ni esthétique contemporaine, ni normes de construction approfondies.»

Système-pilote
Leur pavillon-prototype pourrait d’ailleurs figurer comme système-pilote d’une nouvelle technique, le «pisé précontraint»: des câbles d’acier, liés aux normes antisismiques, traverseront en effet les colonnes de terre de bas en haut, une nouveauté. Les ingénieurs épaulant les étudiants ont ainsi prévu de monitorer le système constructif après sa construction pour combler l’absence de normes.

La terre crue effraie encore de nombreux architectes qui lui reprochent un temps de construction lent et coûteux. Erigé en un mois, le pavillon de Saint-Gall pourrait changer les idées reçues, selon Roger Boltshauser: «En combinant des blocs préfabriqués en pisé avec d’autres éléments préfabriqués en béton, le pavillon montre ce que pourrait être le futur de la construction en terre. Il permet également de mesurer ce que cette technique représente en termes d’économie de moyens et d’énergie grise.»

Textile et pisé, une vieille histoire

Jusqu’au XIXème siècle, la vallée du Sittertal était un site industriel spécialisé dans la coloration des textiles. Situé entre la rivière Sitter et un canal, ses bâtiments, conservés et rénovés, sont aujourd’hui dédiés aux arts plastiques et à l’artisanat, mêlant résidences d’artiste, bibliothèque, archivages de matériaux et expositions. «Le savoir lié à la construction en terre crue s’est diffusé de la France à la Suisse à travers le commerce du lin dès le XVIIème siècle. Choisir de construire un bâtiment en pisé pour ce lieu anciennement consacré au textile est donc un clin d’œil à l’histoire», note Roger Boltshauser.

Une semaine après le début du chantier s’ouvrira l’exposition «Pisé - De Lyon à Saint-Gall», qui présente l’histoire de cette technique. L’espace Archizoom de l’EPFL a dévoilé une première fois son contenu au printemps 2017. A Saint-Gall, elle prendra ses quartiers dans la bibliothèque du site saint-gallois, juste en face du pavillon en construction des étudiants.
Exposition «Pisé - De Lyon à Saint-Gall», Sittertal, du 21 août au 15 octobre 2017. Vernissage: 20 août.

Construire en terre: vers un renouveau du «pisé», EPFL Actualités, 22.03.2017


Auteur: Sandrine Perroud

Source: EPFL


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© Atelier Boltshauser/EPFL
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Yannick Claessens et Mattia Pretolani (de g. à d.).  © Jamani Caillet
Yannick Claessens et Mattia Pretolani (de g. à d.). © Jamani Caillet
© Boltshauser/EPFL
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