De l'intelligence artificielle pour sauver les abeilles

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En collaboration avec un apiculteur, des étudiants de l’EPFL, à travers le Laboratoire de traitement des signaux 5, ont développé une application permettant de comptabiliser automatiquement les varroas dans les ruches. Ce parasite, avec les pesticides, est la principale cause de disparition des abeilles. Or, connaître le niveau d’invasion des ruches permet de les traiter efficacement pour les sauver.


La disparition des abeilles est liée à plusieurs facteurs, dont les pesticides et un acarien : le varroa. Présent dans le monde entier sauf l’Australie, il s’installe sur les abeilles, les affaiblit et finit par les tuer. « En Suisse, il s’agit de la cause principale de leur disparition », indique Alain Bugnon, apiculteur à l’origine d’un projet en collaboration avec le Laboratoire de traitement des signaux 5 de l’EPFL. « Sans traitement, les ruches ne résistent pas une année. » Or, en connaissant le niveau d’invasion, les apiculteurs peuvent justement traiter leurs installations au bon moment, et éviter la mort des abeilles.

Actuellement, pour connaître le nombre de varroas, les apiculteurs glissent une planche sous les ruches et comptent le nombre de cadavres du parasite tombés. Mais cette technique est fastidieuse et peu précise : le parasite mesure un millimètre à peine, les cadavres sont mélangés à des déchets, et la mesure devient chronophage si l’apiculteur a plusieurs ruches.

Des étudiants du Laboratoire de traitement des signaux 5 du Professeur Jean-Philippe Thiran, de la Faculté des Sciences et Techniques de l’Ingénieur, ont développé une plateforme web et une application permettant de comptabiliser automatiquement et rapidement les cadavres de varroas sur les planches. Grâce à l’intelligence artificielle, les apiculteurs peuvent ainsi connaître le niveau d’invasion en tout temps, et gérer les traitements, qui sont compatibles avec l’agriculture biologique en Suisse.

Reconnaître les varroas grâce au Machine Learning

Avec ce dispositif, les apiculteurs continuent de placer une planche sous chaque ruche. Ils les photographient et téléchargent les images sur la plateforme web. L’ordinateur, entraîné au préalable à reconnaître des milliers d’exemples de varroas grâce au Machine Learning (ou apprentissage automatique), reconnaît le parasite sur les planches et compte les cadavres, en quelques secondes.

« La première étape a été de créer une base de données d’images du parasite pour les montrer à l’ordinateur, afin qu’il finisse par les reconnaître seul et sans se tromper », explique Maxime Bohnenblust, étudiant de Master travaillant sur ce projet depuis le lancement. Plusieurs apiculteurs ont ainsi régulièrement envoyé les photos de leurs planches au laboratoire, et donné leur retour sur les résultats, afin d’améliorer les algorithmes.

Les étudiants ont ensuite proposé une solution tenant compte de plusieurs difficultés : les photos prises avec un smartphone sont souvent de mauvaise qualité, les images réalisées en extérieur sont très lumineuses, et chaque planche doit être associée correctement à la ruche correspondante. Actuellement, l’application génère un QR-code propre à chaque ruche. L’apiculteur prend ensuite en photo la planche avec le QR-code, et envoie l’image sur la plateforme, où elle est instantanément analysée. Les résultats lui indiquent le nombre de varroas détecté et stockent les données, qui sont utilisées pour lui fournir des statistiques et un historique.

Trouver des abeilles résistantes

Ce système permettra également de réunir des données au niveau national, pour établir des statistiques, obtenir un panorama des invasions, et évaluer si des souches d’abeilles déjà résistantes existent. Une première, puisqu’aucun système similaire ni données standardisées ne sont disponibles actuellement. « Pour le moment, les associations d’apiculteurs fournissent des chiffres à l’Agroscope, le centre de compétences de la Confédération pour la recherche agricole, une seule fois par année, souligne Maxime Bohnenblust. Mais il n’existe aucune métrique commune aux apiculteurs, ni aucun standard ». Or pour agir efficacement, il faudrait pouvoir connaître les chiffres en tout temps. « Le traitement doit impérativement être fait au bon moment et selon le niveau d’invasion », souligne Jean-Philippe Thiran.

Finalement, les données collectées pourraient permettre de visualiser et de suivre les niveaux d’invasion du varroa en Suisse, afin d’éventuellement localiser des souches d’abeille qui y seraient naturellement résistantes.

Ce projet est réalisé par le Laboratoire de traitement des signaux 5, en collaboration avec l’apiculteur Alain Bugnon, fondateur de la start-up ApiZoom, qui continuera le développement et la distribution de ce système.

Contacts

EPFL – Laboratoire de traitement des signaux 5

Prof. Jean-Philippe Thiran, +41 21 693 46 23

Apiculteur

ApiZoom sarl, M. Alain Bugnon, [email protected]


Auteur: Clara Marc

Source: EPFL