L'EPFL fait une découverte sur le fonctionnement des ruisseaux alpins

© SBER / EPFL

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Les scientifiques ont largement sous-estimé la vitesse des échanges gazeux qui se produisent entre les ruisseaux de montagne et l’atmosphère. Sur la base de recherches menées dans les cantons de Vaud et du Valais, des chercheurs de l’EPFL montrent sous un jour nouveau la contribution des ruisseaux de montagne aux émissions de gaz à effet de serre.

Une étude de l’EPFL remet en cause une approche standard qui servait jusqu’ici à calculer la vitesse des échanges gazeux entre les ruisseaux de montagne et l’atmosphère. Des tests effectués dans des ruisseaux vaudois et valaisans révèlent que la vitesse réelle de ces échanges a été sous-estimée par un facteur de 100 en moyenne. La raison? Jusqu’ici, des équations basées sur des ruisseaux de plaine servaient de référence.

Cette découverte, parue dans Nature Geoscience, permettra aux scientifiques d'élaborer des modèles plus précis sur le rôle que jouent les ruisseaux de montagne dans les flux biogéochimiques mondiaux. Considérant que plus de 30% de la surface de la Terre est recouverte de montagnes, les conséquences de cette découverte sont considérables. Le Laboratoire de recherche en biofilms et écosystèmes fluviaux (SBER) de l’EPFL, de la Faculté de l’Environnement naturel, architectural et construit (ENAC), est à l’origine de cette étude.

Plus de turbulence

Dans les écosystèmes aquatiques, comme les océans, les ruisseaux et les lacs, de nombreux organismes, allant des bactéries aux poissons, respirent de l'oxygène et expirent du CO2. Ces gaz doivent ainsi être continuellement «échangés» de l'atmosphère à l'eau et inversement. Comme les ruisseaux de montagne s'écoulent souvent sur des pentes abruptes et des terrains accidentés, beaucoup de turbulence et de bulles d'air sont emprisonnées dans l'eau.

A l’œil nu, l'eau paraît alors blanche. La présence de bulles accélère les échanges gazeux. Le même mécanisme est à l'œuvre lorsque des vagues blanches apparaissent à la surface d'une mer agitée. Jusqu'à présent, les scientifiques ont ignoré le cas singulier des ruisseaux de montagne et ont utilisé la même approche pour calculer les vitesses d'échange de gaz en montagne que dans les cours d'eau calmes de plaine.

Calcul plus exact

Le terrain accidenté des ruisseaux de montagne laissait pourtant croire que cette application était imprécise, mais aucune preuve n'avait été recueillie pour vérifier cette hypothèse avant 2016. Cette année-là l’EPFL a déployé dans un effort unique 130 capteurs environnementaux dans des torrents vaudois et valaisans pour étudier ces phénomènes physiques et les flux biogéochimiques associés.

Pour mesurer la vitesse d'échange de gaz aussi précisément que possible, les scientifiques du Laboratoire SBER, dont la première auteure de l'étude, Amber Ulseth, ont ajouté de petites quantités d'argon comme gaz traceur dans les courants. L'argon est un gaz naturel inoffensif pour les écosystèmes aquatiques.

En utilisant des méthodes analytiques de pointe en laboratoire, Amber Ulseth et ses collègues ont pu quantifier la perte d'argon de l'eau du ruisseau. Ensuite, ils ont modélisé la vitesse d'échange de gaz à partir de la perte en aval du gaz traceur dans le cours d'eau. Leurs résultats révèlent que la vitesse d'échange de gaz dans les ruisseaux de montagne est en moyenne 100 fois plus élevée que ce qui avait été calculé par les équations élaborées de manière similaire à partir de gaz traceurs dans des cours d'eau de basse altitude.

Implications majeures

«Nos conclusions ont des implications majeures. Elles suggèrent que nous avons sous-estimé les effets de tous les ruisseaux de montagne, petits mais abondants, dans nos modèles biogéochimiques. Cette étude ouvre ainsi un nouveau champ de recherche», déclare Tom Battin, directeur du SBER et auteur correspondant. Son laboratoire étudie déjà les répercussions de cette recherche, notamment la mise au point d'un nouveau modèle pour prédire les émissions de CO2 des torrents de montagne à l’échelle mondiale.

Financement

Fonds National Suisse: Metabolic regimes in stream networks; 200021_163015