Le laboratoire qui fait le pari du «low-tech»

© 2016 EPFL

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De la chapelle Saint-Loup, à Pompaples, au futur Pavillon du Théâtre de Vidy, le Laboratoire d’Yves Weinand innove en s’inspirant d’un matériel millénaire: le bois. Un ouvrage destiné aux chercheurs et aux acteurs du secteur en relate les découvertes les plus importantes.


Inspirées de l’origami, de la vannerie et de l’histoire de la charpente, les structures innovantes développées au Laboratoire de construction en bois (IBOIS) de l’EPFL associent le «low-tech» du bois à une conception architecturale durable, moderne, esthétique et non standardisée. Après plus de 10 ans de recherche à l’EPFL, Yves Weinand, son directeur, publie un ouvrage de bilan. Son but? Faire connaître les découvertes de son laboratoire et convaincre les acteurs du secteur que les technologies du bois ont encore un bel avenir devant elles.

Quelle a été votre priorité lors de votre arrivée à l’EPFL en 2005?

Afin d’accroître l’utilisation de bois pour la construction, nous avons cherché à associer ce matériau à une expression architecturale contemporaine. Nous souhaitions faire oublier l’image traditionnelle du chalet qui lui est souvent associée. Pour cela, il fallait séduire les architectes avec un design intéressant. Jusqu’en 2010, les premières thèses du laboratoire ont ainsi développé des outils informatiques de mise en forme couplés à des nouvelles méthodes de construction pour le bois. Ces outils ont permis d’élargir le champ d’application des nouveaux produits dérivés du bois. Ils sont apparus sur le marché il y a une vingtaine d’années et ont ouvert un nouveau champ de recherche dans la construction en bois.

Quelles sont les particularités de ces matériaux?

Il s’agit essentiellement de panneaux «croisés et contrecollés» (CLT) mais également de panneaux «multipli» (LVL), fabriqués à partir d’essences de résineux et, plus récemment, à partir de d’essences de feuillus. Ces panneaux inspirent les ingénieurs car leurs performances mécaniques sont impressionnantes et leur stabilité formelle est assurée. Dans la charpente classique, les éléments porteurs sont linéaires, à l’exemple des poutres. Avec ces panneaux, nous avons pu faire évoluer la charpente vers des structures qui portent dans leur surface, ce qui est une nouveauté. Pour développer ces technologies, notre laboratoire a accueilli dès le départ des doctorants aux profils variés: architectes, ingénieurs civils, informaticiens et mathématiciens ont travaillé dans une vraie interdisciplinarité. Par la suite, nos travaux ont attiré l’attention de nombreux architectes. Les premières thèses d’IBOIS ont ainsi débouché en 2008 sur la construction de la chapelle Saint-Loup, à Pompaples, dans le canton de Vaud.

Quels sont les sujets de recherche des doctorats les plus récents?

Ces cinq dernières années, nous nous sommes penchés davantage sur le développement d’outils de «mise en forme sous contrainte». Ces outils de calcul numérique nous permettent de résoudre les problèmes de découpe, de fabrication, d’assemblage des panneaux et d’évaluer les interactions entres les géométries globales et locales, notamment pour tester la résistance du bâtiment. La forme de nos constructions n’est jamais aléatoire, elle est au contraire définie par l’outil et le respect des contraintes. Il s’agit là aussi d’une nouvelle manière d’envisager l’architecture. Les assemblages ont aussi évolué pendant ces cinq dernières années. Les panneaux de la chapelle Saint-Loup et du toit du Parlement vaudois ont par exemple été assemblés à l’aide de jointures en métal, alors que le futur Pavillon du Théâtre de Vidy ne présentera que des assemblages en bois. En se passant des vis, le bâtiment devient encore plus durable car facilement démontable et recyclable. En plus, le coût du tri éventuel des matériaux lors du démontage disparaît.

Que représente pour votre laboratoire le Pavillon du Théâtre de Vidy qui sera inauguré en 2017?

C’est un projet-phare pour nous. Il montrera à travers une réalisation concrète les nouveaux principes de construction que nous défendons. Ce bâtiment constitue d’ailleurs le projet de référence d’un concept pédagogique que j’applique cette année dans un cours destiné aux étudiants en architecture, ici, à l’EPFL.

Quelles sont les perspectives de recherches pour IBOIS?

Les arches du Pavillon de Vidy ont une portée de 20 mètres. Notre prochain défi sera d’augmenter cette portée à une cinquantaine de mètres, ce qui implique la création d’un projet plus complexe mécaniquement et des développements de nos outils informatiques. Idem pour l’assemblage des panneaux en bois. Ainsi, la prochaine construction conceptualisée au laboratoire présentera 23 voûtes d’une portée de 52 mètres à double courbure. Nous travaillons également à développer des structures non plus assemblées manuellement mais à l’aide de robots. Nous allons d’ailleurs construire une halle industrielle sur ce principe.

Outre la robotisation, quelle serait l’étape la plus innovante de ces prochaines années?

A terme, nous avons l’ambition de nous passer de la phase de découpe des planches en bois et de partir directement de l’arbre. Pour cela, nous souhaitons construire un robot qui sélectionnerait dans une forêt définie les arbres les plus adaptés à notre projet de construction. Le robot découperait ensuite les éléments nécessaires à la construction du bâtiment directement dans l’arbre sélectionné. Cette technologie permettrait de rendre notre démarche encore plus cohérente et durable en minimisant les chutes de bois. Tous ces sujets feront l’objet de thèses à venir.

Yves Weinand, Advanced Timber Structures: Architectural Designs and Digital Dimensioning, Birkhäuser, 2016.

(Aussi disponible en allemand)


Auteur: Sandrine Perroud

Source: EPFL