L'EPFL modélise le vol des graines des pissenlits

Des chercheurs de l’EPFL, en collaboration avec l’Université de Twente et l’Université de Pise, ont étudié le lien entre le nombre de filaments blancs sur chaque graine de pissenlit et la capacité de ces graines à se disséminer sur plusieurs kilomètres, de manière stable. 

Si les avions sont construits pour voler à une vitesse de croisière constante et de manière stable, des objets présents dans la nature, comme les graines de pissenlits, sont capables de se déplacer ainsi naturellement, et ce sur plusieurs kilomètres.

En 2018, des chercheurs de l’Université d’Édimbourg s’étaient intéressés aux mécanismes permettant la dissémination des graines de pissenlits. Ces graines sont transportées grâce à une structure filamenteuse qui ressemble à un disque, appelée pappus, et qui se comporte comme un parachute. Les scientifiques avaient découvert que le long vol stable des graines est notamment possible grâce à la création d’une bulle d’air stable et détachée, un « anneau vortex », derrière les filaments blancs qui constituent le pappus. Leurs résultats avaient été publiés dans Nature.

Illustration de « l’anneau vortex » derrière les filaments, qui permet aux graines de se disséminer sur des kilomètres. ©Pier Giuseppe Ledda

Modéliser la dissémination des graines de pissenlits

Aujourd'hui, des chercheurs du laboratoire de mécanique des fluides et instabilités (LFMI) de l’EPFL, en collaboration avec des scientifiques de l’Université de Pise et l’Université de Twente, ont poursuivi cette recherche.

Ils ont tout d’abord proposé un modèle mathématique permettant de reproduire le comportement de l’écoulement de l’air autour des pappus en vol, et de recréer cet « anneau vortex ».

Une centaine de filaments est nécessaire pour un vol optimal

Les auteurs ont également étudié la stabilité du vol stationnaire face aux petites perturbations, et démontré l’importance du nombre de filaments. « Ce point joue un rôle central dans la stabilité du vol », explique Pier Giuseppe Ledda, doctorant au LFMI, à la Faculté des Sciences et Techniques de l’Ingénieur, et principal auteur de cet article. « Et remarquablement, le nombre maximum de filaments nécessaire pour un vol stable, c’est-à-dire environ cent, est proche de celui que les pissenlits possèdent naturellement. » Leurs résultats sont publiés dans le journal Physical Review Fluids.

Deux critères nécessaires pour assurer un long vol

« Pour qu’un objet puisse parcourir la plus grande distance possible, deux critères doivent notamment être réunis », souligne François Gallaire, Professeur au LFMI et co-auteur de cet article. « La trajectoire doit d’abord être la plus stable possible. Ensuite, la trainée, c’est-à-dire la force exercée par l’air sur l’objet et qui le freine, doit être la meilleure possible. Dans le cas d’un pappus supportant la graine, même un faible vent ascensionnel peut provoquer une trainée qui dépasse le poids et permettre son envol ».

Dans le cas des graines de pissenlits, les chercheurs ont observé que le nombre d’environ 100 filaments maximise ces critères. « Un plus grand nombre de filaments créé un très grand anneau vortex, ce qui assure une très bonne traînée, mais une mauvaise stabilité », indique Pier Giuseppe Ledda. « Au contraire, si le nombre de filaments n’est pas assez important, l’anneau vortex est petit. La stabilité est alors bonne, mais pas la traînée. »

Des applications inspirées de la nature

La modélisation de phénomènes inspirés de la nature trouve des applications dans le domaine de la biomimétique. « Notre étude peut être continuée dans l’esprit de réguler la propulsion et la stabilité des trajectoires en contrôlant la porosité de l’objet, ce qui peut avoir plusieurs applications dans différents domaines technologiques », précise Simone Camarri, Professeur au Département de Génie Civile et Industriel à l’Université de Pise. Ici, cette analyse pourrait s’appliquer aux objets conçus pour fonctionner comme parachute, notamment pour ceux d’une taille et d’un poids similaires à la graine de pissenlit.

Financement

Piere Giuseppe Ledda et François Gallaire remercient le Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique, bourse no. 200021_178971.

Références

P. G. Ledda, L. Siconolfi, F. Viola, S. Camarri, and F. Gallaire, Flow dynamics of a dandelion pappus: A linear stability approach. Phys. Rev. Fluids 4, 071901(R)

Article des chercheurs de l'Université d'Edimbourg mentionné: C. Cummins, M. Seale, A. Macente, D. Certini, E. Mastropaolo, I. M. Viola, and N. Nakayama, A separated vortex ring underlies the flight of the dandelion, Nature (London) 562, 414 (2018).


Auteur: Clara Marc

Source: EPFL