Une exposition révèle la Riviera comme terreau fertile du modernisme

La maison-atelier d’Italo De Grandi a été construite en 1939 par Alberto Sartoris. © Johan Sauty

La maison-atelier d’Italo De Grandi a été construite en 1939 par Alberto Sartoris. © Johan Sauty

Les Archives de la construction moderne de l’EPFL ont mis en place une exposition montrant le rôle joué par la Riviera vaudoise dans le développement de l'architecture du 20ème siècle. A découvrir lors des Journées européennes du patrimoine. 

Les Archives de la construction moderne de l’EPFL (Acm) s’activent à faire mieux connaître l’importance du petit territoire romand dans l’architecture du 20ème siècle. Dans ce but, l’institution s’est associée à l’espace d’exposition Archizoom et au musée L’Atelier De Grandi, situé à Corseaux (VD), autour de l’exposition «Habiter la Modernité. Villas du style international sur la Riviera vaudoise».

Celle-ci vise à souligner l’influence dans l’histoire de l’architecture d’une constellation de villas vaudoises construites entre 1920 et 1940. Une partie de ces maisons sont le fruit d’expérimentations innovantes d’architectes tels que Le Corbusier, Henri-Robert Von der Mühll ou Alberto Sartoris. Leurs commanditaires, souvent aisés et cultivés, n’ont pas hésité à faire preuve d’audace à l’époque.

La maison-atelier De Grandi, qui accueille l’exposition, est elle-même un témoin remarquable du «style international» thématisé. La villa, construite en 1939 par l’architecte italien Alberto Sartoris, est une commande du peintre Italo De Grandi. Ses deux fils l’ont transformée en musée en 2017 dans le but d’exposer des artistes suisses ainsi que les peintures de leur père et de leur oncle, Italo et Vincent De Grandi.

L’exposition «Habiter la Modernité» se tiendra du 6 septembre au 29 novembre. Pour les Acm de l’EPFL, l’événement inaugure une nouvelle approche et de nouvelles investigations à la recherche du patrimoine architectural romand. Son directeur – et commissionnaire de l’exposition – Salvatore Aprea s’en explique.

Comment définiriez-vous l’architecture de «style international» présentée dans cette exposition?

J’ai choisi de recourir au concept d’architecture de style international en référence à l’historien américain Henry-Russell Hitchcock, à l’origine de cette appellation en 1929. L’adjectif «international» souligne qu’une nouvelle architecture s’est développée simultanément en Suisse, en France, en Italie, en Allemagne et dans d’autres pays dès les années 1920 avec des caractéristiques clairement identifiables: une recherche d’harmonie des volumes plutôt que celle d’une symétrie axiale, l’exaltation des surfaces enveloppant les volumes et l’absence de décoration rapportée – en opposition à l’éclectisme des styles qui caractérisait la plupart de l’architecture de la fin du 19ème siècle.

Pourquoi l’arc lémanique en est-il un témoin privilégié?

Entre les années 1920 et 1940, la région devient un terrain d’expérimentation pour quelques architectes soucieux d’offrir à des commanditaires issus de la bourgeoisie une villa qui réponde à de nouveaux besoins en termes de construction, de confort et d’esthétique, ceci en utilisant de nouveaux matériaux, tels que le béton et l’acier, et de nouvelles techniques de construction, ou en adaptant des matériaux traditionnels à de nouvelles formes et compositions spatiales. Ce vivier d’intellectuels constitué d’architectes, d’éditeurs, de peintres et d’écrivains contribuait à la modernisation de la société suisse romande par l’architecture et l’art, bien que certains d’entre eux aient été obligés de développer leur projet de villa dans des conditions «underground», en particulier les artistes. Il y a d’ailleurs eu plus de projets que de constructions, d’où l’intérêt dans cette exposition de présenter des archives qui montrent l’éclosion de ce style sur 20 ans. Pour l’exposition, nous avons choisi de nous concentrer sur le canton de Vaud, mais il y a d’autres exemples de villas de style international dans la région lémanique, notamment à Genève.

Comment se présente l’exposition?

De manière chronologique, en commençant par la villa «Le Lac» que Le Corbusier a construite en 1924 pour ses parents à Corseaux et qui est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2016. L’exposition se termine également à Corseaux avec la maison-atelier De Grandi, classée monument historique de niveau 2. Des dessins des architectes lausannois Henri Robert von der Mühll et Jacques Favarger montrent que le développement de la «nouvelle construction» démarre dès la fin des années 1920. A cet égard, un exemple très pertinent est le projet jamais réalisé de «villa standard» de Jacques Favarger et Charles Dubois qui visait à conjuguer la production industrielle standardisée avec la qualité architecturale. Au fil des années 1930, les efforts des architectes modernes se multiplient jusqu’à pousser l’architecte lausannois René Bonnard à ouvrir sa dernière réalisation au public en 1935, afin de permettre aux visiteurs de faire l’expérience de l’architecture moderne.

Que représente cet événement pour les Archives de la construction moderne que vous dirigez?

Cette exposition est une opportunité qui nous fait sortir des murs de l’EPFL. Elle inaugure également de nouvelles investigations autour de l’architecture moderne romande. Elle permet par exemple ici de montrer une autre facette de la Suisse durant l’entre-deux-guerres. Les architectes romands allaient se former à Paris ou Berlin et certains commanditaires faisaient appels à des architectes étrangers. C’était donc une période d’ouverture pour la Riviera vaudoise, ce qui va à l’encontre de l’image parfois trop fortement rurale et rétrograde que l’on donne à cette région durant cette période. Cet héritage culturel fait partie de l’identité suisse au même titre que d’autres aspects. C’est notre rôle de le rappeler et de souligner ainsi la valeur patrimoniale de ces constructions.

«Habiter la modernité. Villas du style international sur la Riviera vaudoise», exposition du 6 septembre au 29 novembre 2018, Musée L’Atelier De Grandi, Corseaux (VD).

Vernissage: sur invitation, le 5 septembre 2018. Ouverture spéciale durant les Journées européennes du patrimoine, les 1er et 2 septembre.
Groupe de projet: Salvatore Aprea (Directeur des Acm et commissaire de l’exposition), Pierre et François De Grandi et Cyril Veillon (Directeur d'Archizoom), Joëlle Neuenschwander Feihl, Barbara Galimberti, John-Alexandre Favre.

L’EPFL aux journées européennes du patrimoine 2018

Genève

Samedi 1er septembre
Les immeubles des Organisations internationales à Genève: un patrimoine d’exception, Conférence. Giulia Marino, architecte et chercheuse au Laboratoire de techniques et sauvegarde de l´architecture moderne, Pavillon Sicli, Route des Acacias 45, Genève, 19h.

Samedi 1er septembre
Angelo Mangiarotti, la tettonica dell’assemblaggio. Conférence. Franz Graf, architecte et chercheur au Laboratoire de techniques et sauvegarde de l´architecture moderne, co-commissionnaire de l’exposition, Pavillon Sicli, Route des Acacias 45, Genève, 16h.

Vaud

Samedi 1er et dimanche 2 septembre
Epesses, le Cercle de l’Ermitage (Alberto Sartoris). Visites commentées par Giulia Marino et Franz Graf, chercheurs au Laboratoire de techniques et sauvegarde de l´architecture moderne, Jean-Christophe Dunand, architecte en charge de la restauration, et Docomomo Switzerland, Route cantonale 31, Epesses, de 10h à 17h.

Samedi 1er et dimanche 2 septembre
L’Atelier de Grandi. Visites libres et commentées de l’exposition «Habiter la modernité. Villas du style international sur la Riviera vaudoise», par les Archives de la construction moderne de l’EPFL, Chemin d’Entre-Deux-Villes 7, Corseaux, de 10h à 17h.

Valais

Samedi 1er et dimanche 2 septembre
Val-d’Illiez, entre exception et tradition. Visite commentée par des étudiants en architecture de l’EPFL qui exposent leurs relevés et maquettes de maisons traditionnelles. Vernissage de l’exposition samedi 1er septembre à 14h30, Route du Bas 16, Val-d’Illiez, de 14h30 à 18h.

Fribourg

Samedi 1er et dimanche 2 septembre

L’ancien centre de recherche Geigy, un site industriel à reconvertir, Visites guidées par les étudiants en architecture de l’EPFL et des Services culturels du canton, Route de la Petite-Glâne 11, Saint-Aubin, de 10h à 17h.

Le programme complet