L'usure par adhérence génère des particules fines

© Ramin Aghababaei 2016

© Ramin Aghababaei 2016

Elle génère des particules fines dans l'atmosphère et dégrade les pièces mécaniques. L'usure par adhérence constitue un problème aussi important que mal compris. Grâce à leur simulation, des chercheurs de l'EPFL montrent ce qui arrive quand deux surfaces apparemment lisses se frottent l'une à l'autre.

L'usure par adhérence peut provoquer des pannes de machine, les particules de la pollution de l'air, et nombre d'autres méfaits sociétaux. Pourtant, malgré son impact sur l'économie et la santé, ce phénomène physique reste méconnu. Pour la première fois, une étude de l'EPFL a reproduit la production de particules de débris par usure par adhérence, à l'aide d'une simulation informatique reproduisant au niveau atomique les interactions entre deux surfaces. Leurs découvertes, publiées dans la revue Nature Communications le 6 juin, pourraient ouvrir la voie à une réduction des pertes d'énergie et de matériaux.

A moins que vous ne soyez un ingénieur en mécanique, l'usure a peu de chances de faire partie de vos préoccupations. Pourtant, le sujet nous concerne tous, insiste Ramin Aghababaei, chercheur au Computational Solid Mechanics Laboratory et auteur principal de l'étude. «Des chercheurs suisses ont récemment montré qu'on estime à 20% des particules nocives dans l'air celles qui proviennent des plaquettes de freins des véhicules, ou de l'usure de la surface des routes. De plus, n'importe quelle machine ayant des parties mobiles est sujette à l'usure d'adhérence, qui finalement réduit son espérance de vie», dit-il. Et lorsque dans votre cuisine, la pâte à gâteau colle au rouleau à pâte, vous vous heurtez également à l'usure par adhérence - à une échelle beaucoup plus grande.

Quelle que soit l'échelle, le processus est toujours le même: deux surfaces – les engrenages d'une montre, les plaquettes de freins contre leurs disques, une articulation artificielle contre son cotyle – frottent l'une contre l'autre. Des forces atomiques à courte portée agissant entre ces surfaces, connues sous le nom de forces de van der Waals, collent localement les surfaces l'une à l'autre. Si l'adhérence est suffisamment forte, de petits fragments peuvent être arrachés de l'une des surfaces, aboutissant finalement à la formation de minuscules particules de débris.

Des chercheurs ont développé d'innombrables modèles du processus d'usure d'adhérence et de la formation de débris. Mais dans les simulations par ordinateur, basées sur les forces inter-atomiques qui agissent entre les deux surfaces, les surfaces tendent à devenir plus lisses avec le frottement, et ne rendent comptent d'aucun débris significatif. Le défi consistait à réconcilier simulation et réalité.

«Notre simulation est la première à reproduire la production de particules de débris par l'usure d'adhérence, et nous sommes très emballés par le résultat», dit Aghababaei. Bien que les surfaces de contact puissent paraître parfaitement lisses, au niveau microscopique, elles sont couvertes de bosses microscopiques. «Ce que nous avons découvert, c'est que le débris se forme seulement lorsque le contact entre les aspérités microscopiques à la surface des matériaux dépasse une longueur critique. Lorsque le contact est plus petit, les matériaux deviennent plutôt plus lisse lorsqu'ils frottent l'un contre l'autre», dit-il.

Cette découverte a échappé longtemps aux chercheurs. Tout simplement à cause de l'ampleur de la simulation informatique nécessaire pour capturer des aspérités dépassant la longueur critique. Pour aller plus loin, les chercheurs ont dû effectuer leur simulation en tenant compte d'un modèle de matériau possédant des propriétés telles que la simulation puisse saisir l'échelle de longueur critique pour la formation de débris. «Nous espérons que notre découverte suscitera un regain d'activité dans la communauté expérimentale et dans les industries pour lesquelles l'usure est importante», conclut Jean-François Molinari, auteur principal de l'étude.

Cette recherche est une collaboration entre le Computational Solid Mechanics Laboratory de l'EPFL et la Cornell University (Professeur Derek Warner), financée par une ERC Starting Grant.


Auteur: Jan Overney

Source: EPFL