Jamie Paik et ses robots à l'assaut de la conférence TED

© Marc Delachaux / 2019 EPFL

© Marc Delachaux / 2019 EPFL

Directrice du laboratoire de robotique reconfigurable à l’EPFL, Jamie Paik va présenter ses robots reconfigurables lors de la prestigieuse conférence TED, le 18 avril à Vancouver, Canada. Une consécration pour la chercheuse et ses petites machines, destinées à forger le quotidien de demain.

Et si nous étions assistés au quotidien par de petits robots mous, capables d’effectuer des tâches simples, mais aussi de se plaquer contre notre corps pour nous soutenir lors de mouvements difficiles ? Directrice du Laboratoire de robotique reconfigurable de l’EPFL, Jamie Paik, chercheuse à la vivacité et au dynamisme hors-norme, travaille à concrétiser ce scenario. Ses robots sont aux antipodes des robots que l’on trouve dans le monde de l’industrie et de la science-fiction. Ils sont mous, pliables et reconfigurables.

«Les robots rigides et puissants qu’utilise l’industrie sont parfaits pour travailler dans l’environnement préprogrammé des usines, et construire des smartphones ou des ordinateurs», explique Jamie Paik. «Mais pour la vie de tous les jours, nous avons besoin de robots flexibles qui s’adaptent aux changements, et interagissent avec nous en toute sécurité.» Ainsi, chaque foyer pourrait être doté dans le futur d’un assortiment de robots pouvant réaliser des tâches diverses, et ses habitants revêtir des vêtements robotiques.


La technologie bougera avec nous

Cette vision futuriste du monde et l’excellence du travail de Jamie Paik ont récemment attiré l’attention des organisateurs du prestigieux TED talk. «L’un d’ eux a assisté à l’une de mes conférences, et m’a proposé de participer au prochain TED, dont le thème est « bigger than us», se souvient Jamie Paik. « J’ai tout de suite accepté ! C’est une opportunité unique.»

La conférence TED, qui recrute des orateurs susceptibles d’avoir un impact sur l’humanité, a en effet déjà compté parmi ses participants plusieurs lauréats de prix Nobel, mais aussi des personnalités telles que Steve Jobs ou Michelle Obama.

Pour l’occasion, Jamie Paik y livrera sa vision d’un monde où les robots seront aussi familiers qu’un téléphone portable. «La différence, c’est que la technologie ne sera plus passive. Elle bougera avec nous, et on ne se rendra même plus compte de sa présence», prédit la chercheuse. «Les robots deviendront transparents.»

Une production massive de robots

Mais à quoi ressemblent-ils, justement, ces fameux robots ? Dans le laboratoire de Jamie Paik, il y a d’abord la famille des robots origamis, dotés de multiples joints et actuateurs. Plats comme une carte d’identité, ils sont capables de se plier pour former une variété de formes tridimensionnelles. Certains, comme les « tribots », peuvent communiquer entre eux, et se déplacer en sautant, ou en rampant. Comme il est possible de les fabriquer en deux dimensions, une production de masse est possible. «Au départ, ces robots sont constitués de parties rigides. Mais les joints sont si nombreux que l’ensemble est entièrement flexible, comme des mailles de laine.»

En parallèle, Jamie Paik a développé des robots « de gomme » de toutes tailles, mis en mouvement par des actuateurs pneumatiques. Ils imitent les muscles humains, se connectent entre eux, déplacent des objets et grimpent aux parois. «Placés dans des textiles, ces actuateurs pourrait signaler la réception de message directement par sensation tactile. Ils pourraient également soutenir les personnes convalescentes dans leurs exercices de réhabilitation.»

A l’avenir, les actions répétitives au jardin ou dans le foyer, qui ne demandent pas de grand effort cérébral, pourraient être déléguées aux robots. Mais pas seulement. Un projet vient de démarrer avec l’Agence spatiale européenne et le Swiss Space Center, afin d’étudier la possibilité d’envoyer ces robots dans l’espace. «Les astronautes perdent du temps pour réaliser certaines actions, et comme chaque gramme compte là-haut, les « soft » robots pourraient être une alternative.»

« Tout ce qu’un homme peut faire, une femme peut le faire également »

A Vancouver, lors de la conférence TED, Jamie Paik va présenter son minuscule joystick haptique, qui donne un feedback tactile à l’utilisateur. Un outil inédit pour des applications de réalité virtuelle. Inspiré des technologies origami, le joystick en fibre de carbone peut être plié lorsqu’il n’est pas utilisé, et devenir aussi plat qu’un bout de carton. Il est en phase de commercialisation par une spin-off du laboratoire, Foldaway-Haptics.

La préparation pour la conférence est intense. «Je travaille avec une coach qui sélectionne chaque mot en amont», explique la scientifique. «Bien sûr, cela génère du stress, mais c’est très stimulant.» La participation à la conférence TED à Vancouver revêt par ailleurs une importance toute particulière pour la scientifique. «Ma grand-mère de 94 ans, qui habite la ville, sera présente. C’est la première fois qu’elle me verra travailler», évoque la chercheuse. «Elle est ma plus grande supportrice. Elle m’a toujours dit : Tout ce que les garçons peuvent faire, les filles peuvent le faire aussi. Et toi, tu vas réussir mieux que tout le monde. », sourit-elle. «J’espère qu’elle avait raison. Comme c’était le cas d’habitude ».

Plus de vidéos: Reconfigurable Robotics Lab RRL

Courte bio
Née au Canada de père scientifique et de mère artiste-peintre, Jamie Paik a grandi à Séoul, Tokyo puis Vancouver. Elle obtient son certificat d’ingénieur et son master à l’Université de la Colombie-Britannique (Canada), puis effectue un doctorat à l’Université nationale de Séoul. Sur un mandat de Samsung Electronics, elle travaille sur le design mécanique d’un bras de robot humanoïde de seulement 3,7 kilos, un record à l’époque. Dans le cadre de son post-doctorat à l’Université Pierre et Marie Curie, à Paris, Jamie Paik construit ensuite un appareil de chirurgie endoscopique intuitif et simple. Appelé JAiMY et commercialisé en 2011, il sert à faire des sutures internes lors de laparoscopies. La chercheuse effectue un deuxième post-doctorat à l’Université Harvard, dans le laboratoire de microrobotique, où elle se familiarise avec la « soft robotique ». Depuis janvier 2012, elle dirige le Laboratoire de robotique reconfigurable de la faculté des Sciences et Techniques de l’Ingénieur (STI) de l’EPFL.


Auteur: Laure-Anne Pessina

Source: EPFL