Peignes de fréquence: l'intégration on-chip est en piste

Des micro-résonateurs en nitrure de silicium sur un puce reliés à une fibre optique © Victor Brasch/Erwan Lucas/EPFL

Des micro-résonateurs en nitrure de silicium sur un puce reliés à une fibre optique © Victor Brasch/Erwan Lucas/EPFL

Des scientifiques de l'EPFL ont trouvé le moyen de miniaturiser les peignes de fréquence, réalisant ainsi un pas supplémentaire dans la miniaturisation de tels outils. Leur dispositif a pu mesurer des oscillations lumineuses avec un précision de 12 chiffres.

Un outil compact et de haute précision pour compter et suivre les fréquences laser est susceptible d'améliorer les horloges atomiques et les appareils de transmission optique des données. Cependant, les ondes lumineuses oscillent des centaines de trillons de fois par seconde, une fréquence qu'il est impossible de mesurer directement. Les grosses sources de laser pulsé sont typiquement utilisées pour produire des «peignes de fréquence» qui peuvent relier le domaine optique aux fréquences radio et rendre ainsi possible de compter les oscillations de la lumière. Des scientifiques de l'EPFL ont trouvé le moyen de miniaturiser les peignes de fréquence, réalisant ainsi un pas supplémentaire dans la miniaturisation de tels outils. Leur dispositif a pu mesurer des oscillations lumineuses avec un précision de 12 chiffres. Ce travail est publié dans la revue Light: Science and Applications.

Le laboratoire de Tobias J. Kippenberg à l'EPFL, dans le cadre d'un projet conduit par Victor Brasch et Erwan Lucas, a créé ce qui s'appelle un «peigne de fréquence auto-référencé». Il s'agit essentiellement d'une série de lignes spectrales espacées de façon dense, et dont l'espacement est identique et connu. Et parce qu'ils sont si bien définis, les peignes de fréquence optique peuvent être utilisés comme une «règle» pour mesurer la fréquence – ou la couleur – de n'importe quel rayon laser. En comparant la couleur inconnue avec cette règle, il est possible de calculer sa fréquence. Toutefois, cela implique une étape critique nommée «auto-référencement», une méthode qui détermine la position exacte de chaque marque de la règle des fréquences, mais exige une très longue règle – une grande bande spectrale, comme disent les scientifiques – ce qui est difficile à obtenir.

Même si les peignes de fréquence optique ont valu à leurs inventeurs le Prix Nobel de physique en 2005, ils nécessitent toujours des dispositifs optiques volumineux. La laboratoire du Prof. Kippenberg a montré en 2007 que les peignes de fréquence pouvaient être créés au moyen de minuscules instruments appelés «micro-résonateurs optiques»: des structures microscopiques en forme d'anneau constituées de nitrure de silicium, d'un diamètre de quelques millimètres à quelques dizaines de microns. Ces structures sont capables de piéger une lumière laser continue et de la convertir en pulsations ultra-courtes – des solitons – grâce aux propriétés non-linéaires spéciales de l'instrument. Les solitons tournent 200 milliards de fois par seconde dans le micro-résonateur et la sortie pulsée du micro-résonateur crée le peigne de fréquences optique.

L'an passé, le groupe a résolu un défi de taille, en démontrant qu'un contrôle précis des paramètres du micro-résonateur permet de générer un spectre de fréquences très large directement sur la puce. A ce stade, les fréquences générées s'étendent sur deux tiers d'une octave par rapport à la fréquence du laser entrant (une octove se réfère soit au double, soit à la moitié de la fréquence). Combinée avec un système de transfert laser, fondé sur des cristaux non-linéaires, l'approche de l'équipe a permis l'auto-référencement, tout en supprimant le besoin de systèmes externes volumineux traditionnellement utilisés pour étendre les fréquences.

De cette manière, les chercheurs ont pu prouver que leur peigne de fréquence optique peut être utilisé dans les applications de mesure les plus précises: ils ont mesuré la fréquence d'un laser en utilisant leur technique en même temps qu'avec un système de peigne de fréquence traditionnel, et ils ont montré que les deux résultats concordaient au-delà de douze chiffres.

La technologie est susceptible de s'intégrer aussi bien avec des éléments photoniques qu'avec des microprocesseurs en silicium. Mettre en place des appareils qui offrent un lien entre fréquences radio et optique sur une puce peut ouvrir la voie à un grand nombre d'applications telles que des horloges atomiques intégrées et on-chip, et peut contribuer à rendre la métrologie de fréquence optique omniprésente.

Ce travail a reçu le soutien de la Marie Curie International Incoming Fellowship et de l'Intra-European Fellowship, du Fonds National Suisse, de l'Agence Spatiale Européenne, et du Defense Advanced Research Program Agency (QuASAR).

Référence

Victor Brasch, Erwan Lucas, John D Jost, Michael Geiselmann, Tobias J Kippenberg. Self-referenced photonic chip soliton Kerr frequency comb.Light: Science & Applications (2017) 6, e16202; 13 January 2017.DOI:10.1038/lsa.2016.202


Auteurs: Erwan Lucas, Tobias Kippenberg, EPFL - Faculté des Sciences de Base

Source: EPFL