Un pavillon nomade construit avec de vieux skis

© 2017 EPFL Jan Brütting

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Pourra-t-on demain faire de l’ingénierie à partir de matériaux récupérés? Pour tenter de répondre à cette question, des chercheurs ont utilisé plus de 200 skis usagés afin de construire un pavillon aisément remontable.


Y a-t-il une voie médiane entre développer un nouveau matériau et le recycler ? Le réutiliser ! La philosophie de ce projet un peu fou, développé au smart living lab de Fribourg, est de se pencher dans la benne à ordures et d’y trouver, qui sait, des réponses à la construction durable du futur. Dans cette optique les chercheurs ont rassemblé des centaines de skis usagés, dont ils ont utilisé les propriétés mécaniques, en l’état, pour construire un pavillon démontable.

«Quand on parle de technologie durable dans le bâtiment, on pense à l’isolation, à consommer moins d’énergie, aux matériaux, on parlera de recyclage ou de biodégradation, précise Corentin Fivet qui dirige le Laboratoire d’Xploration Structurale (SXL), mais recycler ça coûte cher et la biodégradation n’est pas toujours envisageable. L’autre option qui permettrait d’économiser de la matière et de dépenser moins d’énergie est la réutilisation des matériaux tels quels.»

Ce domaine, encore peu exploité, demande des recherches afin d’étudier sa faisabilité. Il peut être relié à d’autres courants comme la préfabrication ou l’architecture nomade, faite de systèmes porteurs censés pouvoir être démontés et remontés un certain nombre de fois. « Dans notre laboratoire, on s’intéresse particulièrement aux systèmes porteurs du bâtiment, qui composent la grande majorité des déchets produits, avec les fondations et la toiture.»

Elastic gridshell, une coquille en résille

Après avoir suivi quelques pistes moins fructueuses, comme une construction en cannes à pêche, qui outre leurs propriétés mécaniques posaient de vrais problèmes d’approvisionnement, le choix s’est porté sur les skis. Comme beaucoup d’autres équipements sportifs, les skis ont une haute valeur technologique. Pour Corentin Fivet :«même lorsqu’ils sont considérés comme déchets, ils restent le fruit d’améliorations techniques successives qui méritent une seconde vie».

Une partie de la recherche a été de s’assurer que le ski pouvait remplir son nouveau rôle structurel. Il devait être flexible dans une direction et rigide dans l’autre, tout en étant capable de résister aux charges appliquées et avoir un bon comportement dans le temps.

«On a testé tous les skis, descente, slalom, skis de fond, freeride, on les a positionnés à des places stratégiques du pavillon en fonction de leur comportement et on a découvert que le ski, doté d’un matériau high-tech, est presque plus adapté que le bois utilisé habituellement dans la construction de ce type de structure, explique Sofia Colabella.»

Sofia Colabella est une spécialiste des elastic gridshell, souples comme une résille métallique, ces treillis deviennent rigides comme une coque lorsqu’ils sont fixés. Le principe tient dans la disposition des éléments. Il s’agit d’une grille d’éléments que l’on organise dans deux directions et qui forment un réseau de rectangles très flexible. La grille est d’abord disposée à plat avant d’être courbée en rapprochant ses extrémités, tirant parti de la déformation élastique des modules. Une fois la courbure finale obtenue, cette géométrie est fixée avec d’autres éléments ponctuels placés en diagonale, elle gagne sa stabilité et sa grande rigidité de cette façon. Elle donne, en outre, la possibilité de couvrir une grande portée avec des petits éléments, sans outil complexe ni coffrage.

Le pavillon s’installera à Lyon cet été

210 skis auront été nécessaires à la réalisation de ce pavillon nomade, maintenus par quelque 300 boulons, dont moins d’une centaine, seulement, suffisent à son montage et démontage. Le projet sélectionné pour la Biennale de l’architecture de Lyon sera visible dès le mois de juin prochain. Les chercheurs espèrent pouvoir démonter et déplacer leur pavillon plusieurs fois pendant la manifestation, en différents lieux phares de la ville.

«Notre but n’est pas de construire de futurs bâtiments en skis, mais de montrer que l’on peut utiliser des éléments incontrôlés et incontrôlables, avec un niveau de confiance suffisant vis-à-vis de la sécurité et du comportement. C’est un exercice, un manifeste qui révèle que l’on peut faire des choses intéressantes dans ce domaine encore peu exploré», conclut Corentin Fivet.

Corentin Fivet (directeur de recherche), Sofia Colabella (conceptrice et chef de chantier), Bernardino D'Amico (consultant externe), Claude-Alain Jacot (construction), Jan Brütting (construction), Valeria Didonna (construction), Endrit Hoxha (analyse de cycle de vie)

http://sxl.epfl.ch

http://www.gridshell.it/

http://www.biennalearchitecturelyon.com/



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© 2017 EPFL
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