Mecanique 1

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Presses polytechniques et universitaires romandes Editeur scientifique et technique

Les essentiels de la physique

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Newton, 1642-1727

« D`es 1661, Newton, avec le soutien de son oncle, poursuivit des ´etudes de math´ematiques au Trinity College de l’Universit´e de Cambridge. Pendant une ´epid´emie de peste en 1665, il se retira pour sa protection `a Woolsthorpe ; cette ann´ee-l` a et surtout l’ann´ee qui suivit, 1666, fut d´eclar´ee annus mirabilis. A 24 ans seulement, pendant cette courte p´eriode, Newton con¸cut les bases de la loi binomiale, du calcul diff´erentiel, de la th´eorie des couleurs, la force centrip`ete, les lois du mouvement et la th´eorie de la gravitation. » [1]



Chapitre 1

Les fondements de la m´ ecanique 1.1

La formation scientifique « La m´ecanique est le fondement sur lequel tout l’´edifice de la physique th´eorique se construit, la racine d’o` u pousse toute autre branche de la science ». L. Boltzmann [2]

L’objectif d’un cours de m´ecanique est de savoir mettre sous forme math´ematique une situation physique. Les exp´eriences d´ecrites ainsi font partie de la vie courante : chute sur un plan inclin´e, toupies, ressorts, pendules, etc. Grˆace `a cette familiarit´e avec les ph´enom`enes `a d´ecrire, toute l’attention peut se porter sur l’effort de math´ematisation. Une formation scientifique doit permettre aux ´etudiants de se familiariser avec l’emploi des math´ematiques en tant que langage de l’ing´enieur et du physicien. Selon le philosophe et historien des sciences Alexandre Koyr´e [3] : « La physique d’Aristote, et plus encore celle des nominalistes parisiens (xive si`ecle) [. . .] ´etait beaucoup plus proche de l’exp´erience du sens commun que celle de Galil´ee et de Descartes. Ce n’est pas “l’exp´erience”, mais “l’exp´erimentation” qui joua – plus tard seulement – un rˆole positif consid´erable. L’exp´erimentation consiste ` a interroger m´ethodiquement la nature ; cette interrogation pr´esuppose et implique un langage dans lequel formuler les questions, ainsi qu’un dictionnaire nous permettant de lire et d’interpr´eter les r´eponses. » On peut s’imaginer Galil´ee proclamant que la « philosophie » est ´ecrite dans ce grand livre, la nature, qui se tient continuellement ouvert `a notre regard. « Mais ce livre ne peut pas ˆetre compris `a moins qu’on apprenne le langage et l’alphabet avec lequel il est compos´e. Il est ´ecrit dans le langage des math´ematiques, et ses caract`eres sont les triangles, les cercles ou toute autre forme g´eom´etrique, sans lesquelles il est humainement impossible de comprendre un seul de ses mots ; sans ces ´el´ements, on erre dans un labyrinthe obscur. » [4] La science ne r´epond pas `a la question « pourquoi ? », mais `a « comment ? » [5]. L’´etude de la m´ecanique le d´emontre. On y apprend en effet `a utiliser un formalisme math´ematique pour d´eduire des cons´equences physiques.


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Les fondements de la m´ ecanique

C’est le cas par exemple avec la description du mouvement d’une toupie : « pourquoi ne tombe-t-elle pas ? » demande-t-on `a la l´eg`ere. Le traitement formel du probl`eme du gyroscope remplace la question « pourquoi ? » par une description qui fait appel ` a des lois et des mod`eles. L’´etudiant, au niveau universitaire, se doit de passer de l’´etat d’utilisateur servile de quelques formules ` a celui d’acteur sachant g´en´erer des r´esultats dans un contexte nouveau et juger les limites d’applicabilit´e des sch´emas th´eoriques qu’il invoque. L’´etude de la m´ecanique contribue `a d´evelopper cet esprit scientifique. La m´ecanique du point mat´eriel met en sc`ene le statut de loi physique et le caract`ere op´eratoire des mod`eles. La m´ecanique du solide ind´eformable illustre une am´elioration notoire du mod`ele du point mat´eriel. La m´ethode de Lagrange sugg`ere la possibilit´e de principes f´ed´erateurs plus fondamentaux. La relativit´e restreinte montre que les pr´esuppos´es les plus ´evidents peuvent un jour ˆetre remis en cause. Il faut savoir appr´ecier le long chemin parcouru depuis l’Antiquit´e, qui aboutit ` a ces formidables d´eveloppements des temps modernes. Applications

Alors que ce chapitre constitue en quelque sorte une « th´eorie de la m´ecanique », le chapitre 2 rassemble des applications typiques de cette th´eorie (sect. 2.1). Comme il s’agit de d´evelopper un savoir-faire, il est tr`es important d’examiner ces applications progressivement au fur et `a mesure que les outils math´ematiques sont d´evelopp´es dans le pr´esent chapitre.

1.2 2.1

Cin´ematique du point mat´eriel

La cin´ ematique est cette partie primordiale de la m´ecanique qui exprime sous forme math´ematique le mouvement des corps. Cette discipline se distingue de la dynamique qui cherche `a mettre en place une description des causes du mouvement. Ici, la cin´ematique du point mat´eriel est pr´esent´ee. Plus loin dans ce trait´e, quand on abordera la m´ecanique du solide ind´eformable, il faudra se poser la question de savoir comment d´ecrire la position et la vitesse de tout point d’un solide. Une pr´eoccupation semblable apparaˆıtra en m´ecanique des milieux continus d´eformables et en hydrodynamique. Lorsqu’on traite, dans un cours ´el´ementaire, des probl`emes de balistique (sect. 2.3) ou d’oscillateurs harmoniques (sect. 2.5), les concepts de vitesse et d’acc´el´eration ont une allure d’´evidence, car on travaille en coordonn´ees cart´esiennes. Il suffit alors d’invoquer la notion intuitive selon laquelle une vitesse est une d´eriv´ee premi`ere par rapport au temps des coordonn´ees cart´esiennes. L’usage de coordonn´ees g´en´eralis´ees permet (sect. 1.7) d’aborder des probl`emes plus complexes et illustre le sens profond des notions de cin´ematique. R´ef´erentiel, vitesse, acc´el´eration Pour commencer ` a discuter du mouvement de tout corps, il faut pr´eciser ce par rapport ` a quoi le mouvement sera mesur´e. Les vitesses et les acc´el´erations sont d´efinies ou mesur´ees par rapport `a un r´ef´erentiel qu’on se doit de sp´ecifier. Pratiquement, un r´ef´erentiel peut ˆetre par exemple :


Cin´ ematique du point mat´ eriel

le laboratoire,

le centre du Soleil et 3 ´etoiles fixes,

un carrousel,

un syst`eme d’axes cart´esiens arbitrairement choisi.

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Formellement, on appelle r´ ef´ erentiel un ensemble de N points (N ≥ 4) non coplanaires, immobiles les uns par rapport aux autres. Par extension, on appelle aussi r´ef´erentiel l’ensemble de tous les points immobiles par rapport aux N points consid´er´es. La question du changement de r´ef´erentiel (sect. 1.15) est essentielle en physique. Elle conduira `a la th´eorie de la relativit´e (sect. 1.221.24). Il arrive souvent qu’on puisse d´ecrire le mouvement d’un objet, et mˆeme pr´edire correctement son mouvement par les lois de la dynamique, en associant l’objet ` a un point g´eom´etrique auquel on attribue la masse de l’objet. C’est ce qu’on appelle un point mat´ eriel . La physique g´en`ere des repr´esentations des ph´enom`enes de la Nature par l’usage de lois et de mod`eles. La m´ecanique donne une occasion simple de voir en op´eration la notion de mod`ele. C’est dans cette optique de mod´elisation qu’il faut comprendre que les objets suivants puissent ˆetre consid´er´es comme des « points » : •

une locomotive en ligne droite,

un homme qui se jette d’un pont attach´e `a un ´elastique,

une sph`ere d’acier au bout d’un fil tr`es long.

Il s’agit d’un mod`ele ! C’est-`a-dire que cela ne peut ˆetre qu’une approximation. On verra les limites de ce mod`ele quand on ´etudiera la m´ecanique du corps solide ind´eformable. Par exemple, si on consid`ere une sph`ere au bout d’un fil, le mod`ele du point mat´eriel doit ˆetre abandonn´e quand la longueur du fil est de l’ordre de grandeur du diam`etre de la sph`ere ou quand la pr´ecision de la pr´ediction est pouss´ee assez loin. L’erreur introduite par le mod`ele du point mat´eriel peut ˆetre qualitative au lieu d’ˆetre simplement quantitative. C’est le cas du mouvement de la boule de billard. On appelle trajectoire le lieu g´eom´etrique des points du r´ef´erentiel occup´es par un point mat´eriel au cours du temps. Soit O un point particulier du r´ef´erentiel. Soit P la position du point mat´eriel. Notons r le vecteur OP . La fonction r(t) donne la position d’un point mat´eriel en tout temps t. On l’appelle l’´ equation horaire. Pr´edire r(t) est au fond le but ultime de la m´ecanique. L’´equation horaire est l’´equation param´etrique de la trajectoire, o` u le param`etre est le temps. Elle donne plus d’information que la trajectoire : elle dit a quel moment le point mat´eriel atteint un point de la trajectoire ! ` La vitesse vectorielle instantan´ ee se d´efinit tr`es naturellement par une d´eriv´ee vectorielle : v(t) = lim

∆t→0

dr r(t + ∆t) − r(t) = ∆t dt

(1.1)


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Les fondements de la m´ ecanique

L’interpr´etation g´eom´etrique de cette limite sugg`ere que le vecteur vitesse est (1) tangent ` a la trajectoire (fig. 1.1) . Souvent, on s’autorise en physique `a se contenter d’une telle intuition mat´erielle des choses. Parfois, il faudra se m´efier de telles ´evidences. Mais ici, il n’y a pas de probl`eme tant que le mouvement est r´egulier, qu’il n’y a pas de choc notamment. x3 r(t+dt)–r(t) r(t)

r(t+dt) O

x2

x1

Fig. 1.1 Accroissement infinit´esimal de r(t).

Par analogie avec la d´efinition de la vitesse, l’acc´ el´ eration vectorielle est donn´ee naturellement par dv a= dt Cependant, il faut faire attention : l’acc´el´eration ne se visualise pas aussi bien que la notion de vitesse) ! Comme la figure 1.2 le sugg`ere, quand une vitesse x3 v(t)

r(t)

a(t)dt v(t+dt)

r(t+dt) O

x2

x1

Fig. 1.2 Accroissement a(t) dt de v(t).

(1)

La cin´ ematique utilise la g´ eom´ etrie analytique. Cependant, il est suppos´ e ici que l’´ etudiant n’a pas encore re¸cu ce bagage math´ ematique. Son intuition est sollicit´ ee pour ´ eviter une surcharge.


7

Les lois de Newton

change de direction, il y a acc´el´eration, mˆeme si la vitesse ne change pas de module. Plus loin, on l’exprimera de fa¸con math´ematique (sect. 1.6). Unit´es

Il est bon, en particulier dans la manipulation d’expressions alg´ebriques repr´esentant des grandeurs physiques, de veiller `a garder la coh´erence des unit´es. On se souviendra que la vitesse a les unit´es d’une longueur divis´ee par un temps, l’acc´el´eration celles d’une longueur divis´ee par le carr´e d’un temps. Une conf´erence internationale r´eunit `a Paris, tous les quatre ans, les d´el´egu´es des Etats membres d’une association appel´ee « La convention du M`etre ». La norme internationale ISO 1000 (ICS 01 060) d´efinit les unit´es du Syst`eme international (SI) et stipule les recommandations pour l’emploi de multiples des unit´es de base. Dans le syst`eme international d’unit´es : vitesse

m s m [a] = 2 s

[v] =

acc´el´eration

m s−1 m s−2

Applications

Pratiquement, on calcule les composantes de la vitesse et de l’acc´el´eration sur un syst`eme d’axes cart´esiens de coordonn´ees. Pour obtenir formellement les composantes d’une grandeur vectorielle, on utilise un rep`ere, d´efini `a la section 2.2. On r´esume au paragraphe 2.2.1 les r`egles de calcul vectoriel qui seront les plus utilis´ees en m´ecanique. La projection d’un vecteur sur un axe de coordonn´ee peut se faire par inspection d’un dessin ou par calcul (§ 2.2.2). Le cas particulier du mouvement rectiligne est examin´e au paragraphe 2.2.3. Le mouvement rectiligne uniforme (MRU) est important du point de vue conceptuel, comme on le verra avec la premi`ere loi de Newton. Le mouvement rectiligne uniform´ement acc´el´er´e (MRUA) est important du point de vue pratique puisqu’il intervient dans la chute des corps dans le champ de la pesanteur.

1.3

Les lois de Newton

La cin´ematique peut aller tr`es loin dans la d´emarche qui consiste `a interroger la Nature dans un langage math´ematique. Cependant, le but ultime de la m´ecanique est de pr´edire le mouvement de corps soumis `a certaines forces, ou d’´etudier ces forces en analysant le comportement d’objets qui y sont soumis [6]. Trois lois physiques, ´enonc´ees par Newton [7] dans ses Principia (fig. 1.3), fournissent les bases de ce programme qu’on appelle la dynamique. La mise en forme syst´ematique, logique et d´eductive de la m´ecanique par Newton constitue un moment charni`ere du d´eveloppement de la science moderne. Newton commence par un commentaire sur le temps et l’espace (sect. 3.3). Ensuite, Newton introduit deux d´efinitions. La premi`ere, celle de

3.1


8

Les fondements de la m´ ecanique

Fig. 1.3 Les Principia de Newton.

la quantit´e de mati`ere, peut paraˆıtre triviale. Mais elle permet de mieux faire comprendre la deuxi`eme : la quantit´e de mouvement. La quantit´e de mati`ere : masse d’inertie

La masse repr´esente la quantit´e de mati`ere. On dit que c’est une grandeur extensive. Cela veut dire que la valeur de cette grandeur pour un syst`eme form´e de deux sous-syst`emes est la somme des valeurs de cette grandeur dans chaque sous-syst`eme. Dans le cadre de la m´ecanique newtonienne, la masse est aussi une grandeur conserv´ ee. La perte ou le gain de masse d’un syst`eme est ´egal ` a la quantit´e de masse qui quitte le syst`eme ou qui y entre, respectivement. De plus, la masse d’un syst`eme qui n’´echange pas de masse avec l’ext´erieur est une constante, qui ne d´epend ni de l’´etat du syst`eme, ni du r´ef´erentiel. Le syst`eme international utilise le kilogramme comme unit´e de masse. La masse ´etalon d´efinissant le kilogramme est un barreau de platine iridi´e gard´e au Bureau International des Poids et Mesures, `a S`evres, pr`es de Paris. Il faut convenir d’une m´ethode pour comparer un object quelconque et l’´etalon. Pour le pr´esent expos´e de principe, la m´ethode doit ˆetre conceptuellement claire, sa r´ealisation pratique importe peu. On utilise souvent en physique le terme de « Gedankenexperiment » pour se r´ef´erer `a une telle exp´erience « virtuelle », mais conceptuellement importante. La m´ethode [8] invoqu´ee ici (fig. 1.4) d´efinit ce que l’on appelle plus pr´ecis´ement la masse d’inertie. On dispose d’un banc ` a air qui rend les effets de frottement n´egligeables. On cherche ` a v´erifier l’´egalit´e de la masse d’un plot quelconque `a celle d’une copie de l’´etalon de masse. Un ressort relie les deux plots. On admet que les masses sont ´egales si le milieu du ressort reste immobile quand le syst`eme des deux masses oscille apr`es avoir laiss´e le ressort se d´etendre d’une position comprim´ee au repos par rapport au rail (fig. 1.4). Dans le cas d’une distribution continue de masses, on peut d´efinir la densit´e de masse ` a la position x : ρ(x) = lim

∆v→O

∆M (x) ∆v(x)


Les lois de Newton

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Fig. 1.4 Exp´erience avec le rail a ` air. On imagine qu’un dispositif plac´e entre deux plots du rail a ` air g´en`ere une d´etente qui lib`ere les deux plots en les poussant loin l’un de l’autre.

La quantit´e de mouvement

Une grande id´ee, attribu´ee `a Newton, est celle d’associer au mouvement une grandeur vectorielle extensive qui caract´erise l’´etat du mouvement. On (2) appelle cette grandeur quantit´ e de mouvement . Il est impossible, `a ce stade, de r´ealiser pleinement la validit´e de cette d´emarche. La notion de quantit´e de mouvement persistera, en effet, en m´ecanique relativiste et en m´ecanique quantique ! Dans le cadre de la m´ecanique classique, newtonienne, le bien-fond´e de la notion apparaˆıtra bientˆ ot, lorsqu’on verra que la quantit´e de mouvement d’un syst`eme isol´e est conserv´ee. On verra alors, dans des exp´eriences de chocs par exemple, qu’un objet peut transf´erer tout ou partie de sa quantit´e de mouvement ` a un autre. 1.3.1

Premi`ere loi de Newton et r´ef´erentiel d’inertie

La cin´ematique commence par la d´efinition d’un mouvement par rapport ` un r´ef´erentiel. La question se pose naturellement de savoir si n’importe quel a r´ef´erentiel peut ˆetre choisi. La premi`ere loi de Newton, dite loi d’inertie, r´epond a cette question. En effet, elle stipule : ` « Tout corps pers´ev`ere dans l’´etat de repos ou de mouvement uniforme en ligne droite ` a moins que quelque force n’agisse sur lui et ne le contraigne `a changer d’´etat. » On note que pour Newton, l’absence de force est un concept ´evident. La notion de mouvement uniforme d´epend du r´ef´erentiel choisi. Par d´efinition, on appellera r´ ef´ erentiel d’inertie tout r´ef´erentiel par rapport auquel le principe d’inertie est v´erifi´e. En ce sens, la premi`ere loi est en fait une d´efinition du r´ef´erentiel d’inertie. La nature de l’exp´erience consid´er´ee ou le degr´e de pr´ecision des observations entre en jeu dans l’´evaluation du r´ef´erentiel en tant que r´ef´erentiel d’inertie. Par exemple, si nous voulons d´ecrire un objet lanc´e `a quelques m`etres (2)

En anglais : linear momentum.


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Les fondements de la m´ ecanique

dans le champ de la pesanteur, il suffit de consid´erer la Terre comme un r´ef´erentiel d’inertie. En revanche, si nous voulons d´ecrire le pendule de Foucault (§ 2.16.2), il est imm´ediatement manifeste que la Terre ne satisfait pas le principe d’inertie. On peut aussi conduire des mesures extrˆemement pr´ecises de la chute des corps et constater l`a ´egalement une d´eviation par rapport `a la pr´ediction qui pr´esuppose que la Terre est un r´ef´erentiel d’inertie. La notion de force

Newton pose la d´efinition suivante : une force imprim´ee est une action exerc´ee sur un corps, afin de lui modifier son ´etat, que ce soit un ´etat de repos ou de mouvement rectiligne uniforme. Si des actions diff´erentes ont le mˆeme effet sur un point mat´eriel, on dira que la mˆeme force agit. On conviendra ici d’une mesure de la force. Si un point mat´eriel est sujet `a une force donn´ee, on admet qu’on peut la mesurer avec un dynamom`etre reli´e par un fil au point mat´eriel, le point mat´eriel ´etant maintenu immobile par l’action du dynamom`etre. La direction du fil donne la direction de la force et la valeur lue sur le dynamom`etre, son intensit´e. 1.3.2

Deuxi`eme loi de Newton pour le point mat´eriel

Selon Newton : « Les changements de mouvement sont proportionnels `a la force motrice, et se font dans la ligne droite dans laquelle cette force est imprim´ee ` a l’objet. » Dans le langage moderne, il faut comprendre que si F est la force appliqu´ee, F ∆t est la « force motrice » invoqu´ee par Newton, ∆t ´etant le temps pendant lequel F agit. Comme Newton a d´ecid´e d’introduire l’´etat du mouvement donn´e par la quantit´e de mouvement du syst`eme, le « changement du mouvement » est a comprendre comme le changement de la quantit´e de mouvement du syst`eme. ` Dans le formalisme vectoriel moderne, cette loi s’exprime par dp =F dt

(1.2)

o` u F est la somme des forces appliqu´ees sur le point mat´eriel. On se souvient qu’on a d´ej` a sp´ecifi´e le r´ef´erentiel (par la premi`ere loi). Pour compl´eter la description de la dynamique, il faut encore ´etablir le lien entre la quantit´e de mouvement et la vitesse. Dans le cadre de la m´ecanique newtonienne, on pose simplement p = mv. On est guid´e en cela par deux consid´erations. D’une part, il semble raisonnable que la quantit´e de mouvement d´epende de la quantit´e de mati`ere : p = p(m). Comme ces deux grandeurs sont extensives, on doit avoir pour k masses m de mˆeme vitesse : p(km) = kp(m). En d´erivant cette expression par rapport `a k, on a m

∂p(km) = p(m) ∂(km)

et, avec k = 1, on obtient que p est proportionnel `a m.


Action et r´ eaction

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D’autre part, on consid`ere des exp´eriences avec des collisions sur un banc ` air, entre des plots qui restent assembl´es quand ils se percutent. Dans la dia rection du banc, il n’y a pas de force ext´erieure appliqu´ee au syst`eme form´e des deux plots. On doit donc supposer que la quantit´e de mouvement du syst`eme total ne change pas. C’est une propri´et´e g´en´erale qui sera formellement introduite avec la troisi`eme loi de Newton. Consid´erons alors une exp´erience o` u deux plots de mˆeme masse sont lanc´es l’un contre l’autre avec des vitesses ´egales et oppos´ees. On admet que dans cette configuration, on doit avoir une quantit´e de mouvement totale nulle. Un dispositif garde les deux plots ensemble apr`es leur collision. Si l’ensemble ne bouge plus, on v´erifie qu’on avait bien des quantit´es de mouvement ´egales et oppos´ees. Dans une deuxi`eme exp´erience, on diminue de moiti´e la masse d’un des plots. On observe qu’il faut le lancer avec une vitesse deux fois plus grande pour que le syst`eme coupl´e apr`es le choc soit immobile. Ainsi, par la consid´eration d’exp´eriences de cette nature, on admettra que dans le cadre de la m´ecanique newtonienne, on a p = mv. Lorsque p = mv et m est constante, la deuxi`eme loi donne la formule bien connue : F = ma

(1.3)

Newton pouvait, ` a l’aide d’un dynamom`etre par exemple, appliquer une force constante ` a un objet assimilable `a un point mat´eriel et en mesurer l’acc´el´eration. Il observait que le rapport de la force sur l’acc´el´eration ´etait tr`es pr´ecis´ement ´egal ` a la masse. La deuxi`eme loi de Newton est plus g´en´erale que sa formule famili`ere F = ma, puisqu’elle permet de traiter le cas d’une masse qui d´ependrait du temps (§ 2.17.2). On note qu’elle ne pr´esuppose pas la relation p = mv. La relativit´e restreinte mettra en question cette relation entre p et v (§ 1.24.2), mais pas la deuxi`eme loi de Newton dans son expression en termes de quantit´e de mouvement. Application

A la section 2.3 on applique les lois de Newton `a l’analyse du mouvement d’un point mat´eriel dans le champ de la pesanteur : la balistique.

1.4

Action et r´eaction

Selon Newton : « “A toute action, il y a toujours une r´eaction ´egale qui lui est oppos´ee”; autrement dit, les actions mutuelles de deux corps l’un sur l’autre sont toujours ´egales et oppos´ees. » Dans sa version moderne, la troisi`eme loi ´evoque une propri´et´e g´en´erale des forces [9]. Les forces ´el´ementaires entre deux particules sont ´egales, oppos´ees et, de plus, elles sont parall`eles au segment port´e par les deux particules. L’expression math´ematique de cette propri´et´e est ´etablie dans la section sur

4.1


12

Les fondements de la m´ ecanique

les lois de conservation (§ 1.17.4). Quand Newton dit « A toute action, il y a toujours une r´eaction ´egale qui lui est oppos´ee », il pense `a des situations physiques simples comme un doigt qui s’appuierait contre une table ou une pierre tir´ee par une corde. La figure 1.5 illustre une telle situation. Le syst`eme est virtuellement d´ecompos´e en deux parties, la partie ˆot´ee est remplac´ee par la force qu’elle exer¸cait sur la premi`ere. Cette force est appel´ee une contrainte ou force int´erieure.

1

1

2

F 2 →1

F 1→ 2

2

Fig. 1.5 Forces d’interaction entre deux poids.

D´ecomposons ce syst`eme en deux sous-syst`emes s´epar´es ´equivalents, en rempla¸cant l’effet de l’autre sous-syst`eme par les forces F 2→1 et F 1→2 . La troisi`eme loi dit : F 1→2 + F 2→1 = 0 Si un tel syst`eme compos´e de deux sous-syst`emes en interaction est isol´e, alors la r´esultante des forces est nulle. On d´eduit alors de la deuxi`eme loi de Newton (1.2) la conservation de la quantit´ e de mouvement. Une application de ce principe de conservation sera vue `a la section 2.12. La g´en´eralisation a un syst`eme de points mat´eriels sera ´etudi´ee `a la section 2.17. ` Composition des forces

Newton pose aussi la r`egle d’addition des forces exerc´ees sur un point. Elle (3) avait ´et´e ´etablie exp´erimentalement par les exp´eriences de Stevin (fig. 1.6). Les dynamom`etres A et B ont la mˆeme action que le dynamom`etre C. On ob(3)

Simon Stevin (1548-1620). C’est lui, qui, vingt ans plus a ˆg´ e que Galil´ ee, avait fait l’exp´ erience de la chute des corps, d´ emontrant que le temps de chute est ind´ ependant de la masse. Les objets lˆ ach´ es simultan´ ement d’une hauteur de 30 pieds tombaient sur une planche. Le son permettait de d´ etecter l’instant de la chute.


13

Objectifs de la dynamique

A

C

B

P

P

Fig. 1.6 L’exp´erience de Stevin constitue une mesure de la composition de deux forces : la somme des trois forces en P doit ˆetre nulle, l’action de la force C est donc ´egale a ` l’action des forces A et B.

serve que la force donn´ee par C peut s’´evaluer par la r`egle d’addition vectorielle (fig. 1.7). A chaque dynamom`etre on associe un vecteur dans la direction de la force, dont le module vaut la valeur lue sur le dynamom`etre. Quand les forces sont imm´ediatement associ´ees `a des vecteurs, comme cela vient naturellement a l’esprit ` ` a notre ´epoque, la loi d’addition des forces paraˆıt triviale. Mais ce n’´etait pas le cas au temps de Galil´ee !

a p

c b

Fig. 1.7 Repr´esentation vectorielle de la composition des forces.

Apr`es des si`ecles de pratique, on dit « les forces sont des vecteurs ». Bien sˆ ur les forces ne sont pas des vecteurs, ce sont des forces. Leur repr´esentation en vecteur est parfaitement valable car elle est pr´edictive. En fait, il faudra attendre J. W. Gibbs et O. Heaviside au xixe si`ecle pour avoir une description de la m´ecanique en termes de calcul vectoriel [9] ! « En science, r´eput´ee ˆetre la fille de la logique et de la raison pure, on remarque, peut-ˆetre avec surprise, que la sage-femme doit y accomplir un acte de cr´eation. » [10] Application

Fort de la loi de composition des forces, on peut analyser comment les forces de frottement modifie la balistique (sect. 2.4).

1.5

Objectifs de la dynamique 5.1

Le choix d’un r´ef´erentiel, d’un syst`eme de coordonn´ees, d’un rep`ere pour projeter toutes les grandeurs vectorielles, et l’application des lois de la dyna-


14

Les fondements de la m´ ecanique

mique permettent de pr´edire l’´evolution du syst`eme m´ecanique. On convient d’appeler ´ equations du mouvement les ´equations d’´evolution d’un syst`eme m´ecanique donn´e quand celles-ci sont dans leur forme finale, c’est-`a-dire qu’aucune substitution suppl´ementaire n’est n´ecessaire, aucune contrainte sur les variables ne reste ` a imposer, en d’autres termes quand elles sont prˆetes `a une int´egration num´erique, par exemple. Il est important de r´ealiser que les ´equations du mouvement seules g´en`erent une famille de mouvements possibles. La situation est ´evidente en balistique : on peut avoir un mouvement vertical ou bien une parabole. Le type de mouvement qu’on obtient peut varier, non pas parce que la dynamique change (de nouvelles forces ne sont pas introduites), mais parce que des conditions initiales particuli`eres sont choisies. Ces conditions initiales sont donn´ees en sp´ecifiant, a un instant donn´e (pas forc´ement t = 0), la vitesse et la position du point ` mat´eriel. On appelle ´ equation horaire du point mat´eriel la donn´ee de sa position en fonction du temps, comme en (2.4) `a la section 2.3. La trajectoire d’un point mat´eriel est le lieu g´eom´etrique des points du r´ef´erentiel par lequel le point a pass´e lors de son mouvement. On peut voir l’´equation horaire comme une ´ equation param´ etrique de la trajectoire, o` u le temps t joue le rˆ ole du param`etre. La marche `a suivre

La m´ecanique est l’occasion d’apprendre `a aborder un probl`eme de physique de fa¸con rationnelle et syst´ematique. Cette d´emarche, illustr´ee plus loin `a la section 2.3 peut ˆetre d´ecompos´ee en quelques ´etapes essentielles : 1) 2) 3) 4) 5) 6)

choix du r´ef´erentiel, choix du syst`eme de coordonn´ees, mod`ele de force, loi de la dynamique, ´equations du mouvement, int´egration des ´equations du mouvement.

Application

Cette mˆeme approche est adopt´ee `a la section 2.5 pour pr´esenter un syst`eme m´ecanique d’une importance fondamentale : l’oscillateur harmonique.

1.6

Acc´el´eration normale et tangentielle

6.1

Deux vecteurs unit´es jouent un rˆole particulier en cin´ematique du point. Ils sont li´es au point mat´eriel et d´ependent de son mouvement. Pour les d´efinir, on doit introduire une mesure du chemin parcouru sur la trajectoire. On consid`ere une trajectoire sur laquelle on d´efinit une origine O et une orientation. On


Acc´ el´ eration normale et tangentielle

15

appelle abscisse curviligne s du point mat´eriel P la distance mesur´ee le long de la trajectoire, ` a partir du point O, avec le signe positif ou n´egatif suivant que P est atteint dans le sens de l’orientation ou son oppos´e (fig. 1.8).

O

s

Fig. 1.8 Abscisse curviligne s.

La vitesse scalaire est ds ee par l’odom`etre dt = v. C’est la vitesse indiqu´ d’une voiture. Si la trajectoire est donn´ee de fa¸con param´etrique comme une fonction de s, r = r(s) avec s = s(t), alors la vitesse vectorielle peut s’´ecrire v=

dr dr ds dr = =v dt ds dt ds

Posons τˆ = dr ˆ est un vecteur unit´e. En effet, par inspection ds . Le vecteur τ du dessin (fig. 1.9) il apparaˆıt `a la limite dt → 0 : |dr| = |ds| donc

dr |dr|

=

ds |ds| = 1 ds dr

r(t)

r(t+dt)

Fig. 1.9 El´ement d’arc ds et accroissement dr.

Pour l’acc´el´eration, la d´erivation fait apparaˆıtre deux termes : a=

dv d dˆ τ v τˆ = τˆ + v dt dt dt

Le premier terme est l’acc´ el´ eration tangentielle : dv ˆ. Le deuxi`eme terme dt τ dˆ τ v dt est appel´e l’acc´ el´ eration normale. Elle est normale `a la tangente `a la trajectoire. En effet, puisque τˆ · τˆ = 1, on a d dˆ τ τˆ · τˆ = 0 = 2ˆ τ· dt dt τ C’est dire que dˆ ` τˆ. Cette analyse aboutit `a la notion dt est perpendiculaire a suivante : quand une vitesse change de direction sans changer d’amplitude


16

Les fondements de la m´ ecanique

(vitesse scalaire constante), il y a acc´el´eration. La cons´equence en dynamique sera cruciale car cela voudra dire qu’une force agit ! En traitant τˆ comme une fonction de s, on peut ´ecrire dˆ τ dˆ τ ds dˆ τ =v = v2 dt ds dt ds La g´eom´etrique analytique fournit le r´esultat :

τ = 1

ds R v

2

o` u R est le rayon de courbure. Donc, l’acc´el´eration normale vaut vR . On peut comprendre le sens de cette formule par l’argument suivant. Il faut d’abord se convaincre de l’approximation d’une courbe infinit´esimale par un arc de cercle. C’est une approximation du deuxi`eme ordre. Sur ce cercle, le vecteur tangent subit une rotation d’angle dθ entre t et t + dt (fig. 1.10) : dθ dˆτ τˆ(t)

ˆτ(t+dt)

Fig. 1.10 Accroissement infinit´esimal dˆ τ = τˆ(t + dt) − τˆ(t).

L’´el´ement d’arc vaut ds = R dθ et dˆ τ = 1 dθ. Il vient ainsi :

τ dθ 1 1

τ = dˆ = =

ds

|ds| R dθ R τ On note n ˆ le vecteur unit´e parall`ele `a dˆ e τˆ et n ˆ, dt . Avec les deux vecteurs unit´ on peut rendre explicite les deux contributions `a l’acc´el´eration vectorielle ainsi obtenue : dv v2 a= τˆ + n ˆ (1.4) dt R

Application

Un mouvement important en m´ecanique est le mouvement circulaire uniforme. On le d´ecrit ` a la section 2.6 en coordonn´ees cart´esiennes, ce qui fait apparaˆıtre un nouvel exemple de mouvement harmonique.

7.1

1.7

Coordonn´ees cylindriques et sph´eriques

Il se peut que les coordonn´ees cart´esiennes ne soient pas les plus commodes pour d´ecrire la position d’un point mat´eriel. C’est notamment le cas lorsqu’on veut d´ecrire un mouvement sur une sph`ere ou un cylindre.


17

Coordonn´ ees cylindriques et sph´ eriques

Les coordonn´ ees cylindriques sont ρ, φ, z d´efinies dans la figure 1.11. La relation entre coordonn´ees cart´esiennes et cylindriques s’obtient imm´ediatement par inspection de la figure 1.11. x1 = ρ cos φ x2 = ρ sin φ x3 = z Utiliser les coordonn´ees cylindriques pour d´ecrire le mouvement d’un point mat´eriel signifie que l’´equation horaire est donn´ee par ρ = ρ(t) φ = φ(t) z = z(t) x3

x3

point matériel

r

z O φ

θ O

x2

x2

φ

ρ

x1

x1

Fig. 1.11 Coordonn´ees cylindriques.

Fig. 1.12 Coordonn´ees sph´eriques.

La position d’un point mat´eriel peut ˆetre donn´ee alternativement par les coordonn´ ees sph´ eriques (r, θ, φ) d´efinies par la figure 1.12. La relation entre les coordonn´ees cart´esiennes et sph´eriques est donn´ee par x1 = r sin θ cos φ x2 = r sin θ sin φ x3 = r cos θ Le mouvement du point mat´eriel en coordonn´ees sph´eriques est donn´e par r = r(t) θ = θ(t) φ = φ(t) On va maintenant d´efinir un rep`ere li´e au point mat´eriel. Il sera alors bien clair que ce rep`ere n’est pas notre r´ef´erentiel ! L’orientation de ce rep`ere est donn´ee par les lignes de coordonn´ees. Une ligne de coordonn´ ee est le lieu g´eom´etrique des points qui ont deux coordonn´ees de valeurs fixes. Cette ligne de coordonn´ee est orient´ee dans le sens

7.4


18

Les fondements de la m´ ecanique

x3 x3

(q,f)

(r,f)

(q,r)

(r,z)

(r,f) (z,f) O

q

x2

O

f

x2

f x1

x1

Fig. 1.13 Lignes de coordonn´ees pour les coordonn´ees cylindriques.

Fig. 1.14 Lignes de coordonn´ees pour les coordonn´ees sph´eriques.

des valeurs croissantes de la coordonn´ee variable. Les lignes de coordonn´ees des coordonn´ees cylindriques et sph´eriques sont indiqu´ees dans les figures 1.13 et 1.14. Des consid´erations g´eom´etriques simples suffisent `a montrer que les vecteurs tangents ` a chaque ligne de coordonn´ees sont orthogonaux. Il suffit alors de prendre des vecteurs tangents de norme 1 pour former le rep` ere associ´ e au syst` eme de coordonn´ ees choisi (fig. 1.15). x3

x3

ez

er eφ

eφ eρ O φ

x1

θ O

x2

x2

φ

ρ x1

Fig. 1.15 Rep`eres associ´es aux coordonn´ees cylindriques et sph´eriques.

Application

On verra qu’il est souvent b´en´efique d’utiliser les coordonn´ees cylindriques ou sph´eriques, notamment pour tirer profit des sym´etries du syst`eme consid´er´e et simplifier les ´equations. Dans ce cas, il faudra connaˆıtre les composantes de


Rotations

19

la vitesse et de l’acc´el´eration dans le rep`ere associ´e `a ces coordonn´ees, qui sont donn´ees ` a la section 2.7.

1.8

Rotations

On fait ici appel ` a la notion ´el´ementaire de rotation comme la transformation g´eom´etrique d´efinie par un axe et un angle. En invoquant le mouvement du tire-bouchon correspondant `a sa rotation dans le sens croissant de l’angle, on d´efinit une orientation ` a l’axe de rotation. Cette notion de rotation, bien que famili`ere `a tous, demeure difficile `a manipuler quand elle est exprim´ee sous forme math´ematique. Et pourtant, elle est centrale en m´ecanique. On peut bien s’imaginer que le mouvement d’un solide n´ecessite une description des rotations. En fait, la notion de rotation intervient aussi en cin´ematique du point mat´eriel, pour la raison suivante. L’expression d’un probl`eme de m´ecanique est souvent simplifi´ee si le rep`ere choisi est en mouvement. C’est le cas notamment lorsqu’on travaille avec des coordonn´ees cylindriques ou sph´eriques. Or, le th´eor`eme d’Euler affirme que tout changement d’orientation d’un rep`ere dont l’origine est fixe est une rotation (probl`eme 5.1). Rotations infinit´esimales En m´ecanique, nous aurons affaire `a des rep`eres qui ´evoluent au cours du temps. Pour le calcul des d´eriv´ees temporelles, il faudra consid´erer le rep`ere `a l’instant t et t + dt. Entre t et t + dt, le rep`ere aura subit une rotation infinit´esimale, c’est-` a-dire que l’angle de rotation sera infiniment petit (probl`eme 5.3). D’une mani`ere g´en´erale, une matrice de rotation infinit´esimale doit avoir la forme 1 + ε o` u 1 d´esigne la matrice identit´e   1 0 0 0 1 0 0 0 1 La matrice ε n’a que des ´el´ements infiniment petits ou nuls. En g´en´eral, la composition des rotations se calcule comme le produit des matrices des rotations correspondantes (probl`eme 5.2). Dans le cas de rotations infinit´esimales, nous avons le r´esultat simple suivant : (1 + ε1 )(1 + ε2 ) = 1 + ε1 + ε2

(1.5)

On a n´eglig´e les termes sup´erieurs au premier ordre. Par cons´equent, `a la composition des rotations infinit´esimales correspond l’addition des matrices ε correspondantes. Ce r´esultat implique que la transformation inverse est imm´ediate : (1 + ε)−1 = 1 − ε. En effet, au premier ordre, on a (1 + ε)(1 − ε) = 1 + ε − ε = 1.

8.1


20

Les fondements de la m´ ecanique

Formules de Poisson Dans le cadre de la cin´ematique, on s’int´eresse `a l’´evolution temporelle des vecteurs unit´es d’un rep`ere. Consid´erons un rep`ere A, e ˆ1 , e ˆ2 , e ˆ3 avec A fixe. Soit 1 + ε la matrice qui d´ecrit la rotation de ce rep`ere entre un temps t et t + dt. On a e ˆi (t + dt) = (1 + ε) e ˆi (t) e ˆi (t + dt) − e ˆi (t) = ε e ˆi (t) Les ´el´ements de matrice de ε sont nuls ou proportionnels `a dt. On peut donc ´ecrire ε = dt E o` u les ´el´ements de E sont finis. Il vient alors : e ˆi (t + dt) − e ˆi (t) = dt E e ˆi (t) Par cons´equent, la d´eriv´ee des vecteurs unit´es peut s’´ecrire X X dˆ ei T = Ee ˆi = Eji e ˆj = Eij e ˆj dt j j La matrice E doit avoir des propri´et´es particuli`eres, du fait qu’elle est directement li´ee ` a une rotation. Le fait que la norme des vecteurs unit´es soit conserv´ee et que les angles entre les vecteurs unit´es soient aussi constants implique : d 0= e ˆi · e ˆj = e ˆi · E e ˆj + e ˆj · E e ˆi = Eij + Eji dt Ainsi la matrice E T doit avoir la forme   0 E12 E13 0 E23  E T = −E12 −E13 −E23 0 Il n’y a que trois coefficients qui d´eterminent cette transformation. Par convention, ces trois coefficients sont not´es comme suit :   0 ω3 −ω2 0 ω1  E T = −ω3 ω2 −ω1 0 C’est cette convention qui impose qu’on ne travaille qu’avec des rep`eres orthonorm´es directs. On consid`ere maintenant l’´evolution d’un vecteur r = AP rigidement li´e au rep`ere A, e ˆ1 , e ˆ2 , e ˆ3 . Parce qu’il est rigidement li´e, ses composantes (r1 , r2 , r3 ) sont ind´ependantes du temps. L’´evolution temporelle de r est donc donn´ee par X X dr d = r1 e ˆ1 + r2 e ˆ2 + r3 e ˆ3 = ri Eji e ˆj dt dt i j      0 −ω3 ω2 r1 −ω3 r2 + ω2 r3 dr  ω3 0 −ω1  r2  =  ω3 r1 − ω1 r3  = dt −ω2 ω1 0 r3 −ω2 r1 + ω1 r2


21

Rotations

On reconnaˆıt ici un produit vectoriel pour autant qu’on pose l’existence d’un vecteur :   ω1 ω = ω2  (1.6) ω3 On a ainsi pour tout vecteur li´e au rep`ere en rotation : dr =ω∧r dt

(1.7)

En prenant pour r dans (1.7) chacun des vecteurs unit´es du rep`ere, on arrive ` a la proposition suivante. Proposition 1.1 Formules de Poisson. Soit un rep`ere A, e ˆ1 , e ˆ2 , e ˆ3 qui change son orientation dans le temps. Il existe un vecteur ω tel que dˆ ei =ω∧e ˆi dt

(i = 1, 2, 3)

(1.8)

On appelle ces relations les formules de Poisson (fig. 1.16). On va s’y r´ef´erer tr`es souvent. On appelle ω le vecteur de vitesse angulaire (d’autres auteurs utilisent le terme vecteur instantan´e de rotation) [9].

Fig. 1.16 Sim´eon Denis Poisson (1781-1840), physicien math´ematicien, professeur a ` l’Ecole Polytechnique, Paris.

Application

Dans la pratique, on a une rotation donn´ee et le vecteur de vitesse angulaire s’obtient imm´ediatement, comme indiqu´e `a la section 2.8. La description du mouvement circulaire uniforme peut se faire sous forme vectorielle (exemple 2.3, p. 103).


22

Les fondements de la m´ ecanique

1.9 9.1

Contraintes g´eom´etriques

Forces de liaison La cin´ematique en coordonn´ees cylindriques et sph´eriques (sect. 1.8) permet d’aborder des probl`emes de m´ecanique `a trois dimensions pour des points mat´eriels dont le mouvement est soumis `a des liaisons, aussi appel´ees contraintes. Il peut s’agir d’un point mat´eriel astreint `a se d´eplacer sur un cylindre ou sur un cˆ one, par exemple. On peut voir le mouvement d’un pendule oscillant dans un plan vertical comme celui d’un point mat´eriel astreint `a se d´eplacer sur un cercle dans un plan vertical. Ces probl`emes de points mat´eriels soumis `a des contraintes g´eom´etriques permettent de voir l’appareillage cin´ematique (sect. 1.2) se mettre en place pour arriver aux ´equations diff´erentielles du mouvement avec des coordonn´ees autres que les coordonn´ees cart´esiennes. On analyse ainsi par exemple les oscillations des pendules que Galil´ee avait ´etudi´ees exp´erimentalement (sect. 2.9). On voit ainsi que l’isochronicit´e dont se r´eclamait Galil´ee n’est vraie que dans la limite des petites oscillations. On voit aussi formellement que l’observation de Galil´ee, selon laquelle la p´eriode est ind´ependante de la masse, implique que la pesanteur est proportionnelle ` a la masse. Ces liaisons sont donc des contraintes g´eom´etriques. Il faut y voir une mod´elisation qui ´evacue les d´etails techniques d’une r´ealisation physique particuli`ere du dispositif mod´elis´e. Par exemple, pour un point mat´eriel pesant, astreint `a se d´eplacer sur un cylindre d’axe horizontal, on ignore la question de savoir si le point mat´eriel est pos´e sur ou dans le cylindre. On suppose simplement qu’il y a un m´ecanisme id´eal qui permet au point mat´eriel de glisser sans frottement sur la surface.

9.3

Fig. 1.17 Mesure de la force de tension de la corde d’un pendule.


23

Energie, puissance, travail

Cependant, ` a toute liaison est associ´ee une force dite force de liaison. Les forces de liaison ´evoluent au cours du temps de fa¸con `a maintenir le mouvement compatible avec les liaisons impos´ees. Ces forces de liaison correspondent aux forces qui mat´erialisent cette contrainte. Par exemple, en montant un dynamom`etre au point de suspension d’un pendule (fig. 1.17), l’´evolution temporelle de la force de liaison, exerc´ee par le fil, apparaˆıt clairement. Si un point est astreint a se d´eplacer sur une surface, la force de liaison est normale `a la surface. Une ` composante tangentielle repr´esenterait une force de frottement, ce qui est autre chose. Application

L’appareillage cin´ematique d´evelopper jusqu’ici permet d’aborder toute une classe de probl`emes caract´eris´es par la pr´esence d’une contrainte. On traite `a titre d’exemple le pendule math´ematique `a la section 2.9.

1.10

Energie, puissance, travail

On consid`ere un point mat´eriel, de vitesse v soumis `a une force F . On appelle puissance instantan´ ee de la force F la grandeur P =F ·v

(1.9)

On consid`ere connue l’´equation horaire r(t) d’un point mat´eriel qui subit une force F (fig. 1.18). Le travail de la force F pendant l’intervalle de temps [t1 , t2 ] est d´efini par Zt2 W12 =

Zt2 P (t) dt =

t1

F (t) · v dt t1

1 r (t) r (t + Dt)

2

Fig. 1.18 Trajectoire entre deux points marqu´es 1 et 2, et deux positions interm´ediaires sur la trajectoire.

10.1


24

Les fondements de la m´ ecanique

On consid`ere maintenant le cas particulier d’une force qui d´epend de la position. On peut la d´ecrire par la fonction F (r). R Dans ce cas, l’int´egrale qui fournit le travail de F peut ˆetre ´ecrite : W = Γ F (r) · dr, o` u Γ d´esigne la trajectoire. On sous-entend ici que l’int´egrale est effectu´ee pour le chemin que parcourt le point mat´eriel. C’est une int´egrale dite « curviligne ». La mani`ere d’effectuer une telle int´egrale appartient `a un cours de math´ematiques. Son sens physique, lui, est intuitif. Elle exprime une somme de travaux de la force dans des d´eplacements infinit´esimaux le long de cette trajectoire. On les notera δW . Cette notation ne veut pas dire qu’il s’agisse d’une op´eration math´ematique sur une fonction W ! Ce travail infinit´esimal vaut δW = F · dr. Le produit scalaire F · dr implique que la composante de la force normale `a la trajectoire ne travaille pas. C’est la projection de F (fig. 1.19) sur la tangente a la trajectoire qui travaille : ` δW = F · dr = |F | |dr| cos θ

F q r (t)

trajectoire

F cos q

r (t + dt)

Fig. 1.19 Force appliqu´ee en un point r(t) et sa projection sur la trajectoire.

Le travail fourni par la force pour aller d’un point r 1 `a un point r 2 sur la trajectoire s’obtient naturellement en sommant les contributions δW de chaque d´eplacement dr le long de la trajectoire. En prenant la limite, on a une int´egrale le long de la trajectoire. Soit un point mat´eriel de masse m, de vitesse v. On appelle ´ energie cin´ etique de ce point mat´eriel la grandeur T =

1 mv 2 2

Proposition 1.2 Th´eor`eme de l’´energie cin´etique. Soit F la somme des forces exerc´ees sur un point mat´eriel. Le travail des forces quand le point mat´eriel va d’un point r(t1 ) ` a l’autre r(t2 ) de la trajectoire est ´egal au changement de l’´energie cin´etique du point mat´eriel entre ces deux temps : Zt2 T2 − T1 =

F · v dt = W12 t1

Avec la deuxi`eme loi de Newton, on a

´monstration. De Zt2

Zt2 F · v dt =

t1

Zt2 ma · v dt =

t1

m t1

dv · v dt dt

(1.10)


Potentiel d’un force et ´ energie potentielle

Or

Zt2

dv m v dt = dt

t1

Zt2

d dt

t1

25

2

1 1 mv 2 dt = mv 2

= T2 − T1 2 2 1

Remarque. Il est bon ` a ce point de r´esumer les unit´es des grandeurs physiques introduites en m´ecanique et leurs noms usuels : longueur vitesse acc´el´eration force travail, ´energie puissance

m m s−1 m s−2 kg m s−2 kg m2 s−2 kg m2 s−3

newton joule watt

On prendra note que le « kilowattheure » utilis´e en technique, est une unit´e d’´energie. Il est bon de v´erifier souvent que les unit´es des expressions sont coh´erentes, car c’est une excellente mani`ere de s’assurer qu’une faute n’a pas ´et´e introduite lors de manipulations alg´ebriques. Application

On a vu deux impl´ementation du mod`ele de l’oscillateur harmonique : la masse au bout d’un ressort et le pendule math´ematique dans la limite des petites oscillations. On peut changer notoirement l’´energie de ces syst`emes en appliquant une force oscillante dans le temps, pour autant que sa fr´equence soit proche de celle de l’oscillateur libre. C’est le ph´enom`ene de r´esonance, d´ecrit `a la section 2.10.

1.11

Potentiel d’un force et ´energie potentielle

Si la force d´epend de la position, on peut se demander si on peut d´efinir une fonction de la position, V (r) associ´ee `a la force F telle que : Z2 W12 =

F · dr = V (r 1 ) − V (r 2 ) 1

Si c’est le cas, cette fonction est appel´ee potentiel associ´e `a la force. En d’autres termes, on aimerait savoir si on peut d´efinir une fonction de la position seulement, V (r), et d’une position de r´ef´erence r s , avec Zrs V (r) =

F · dr r

11.1


26

Les fondements de la m´ ecanique

Proposition 1.3 Crit`ere d’existence du potentiel. La condition n´ecessaire et suffisante pour qu’il existe un potentiel associ´e a ` une force F donn´ee est que le travail sur tout chemin ferm´e (une boucle) est nul : I F · dr = 0 ´monstration. Comme V (r) est d´efini comme un travail pour aller de r De a une position de r´ef´erence, il faut que le travail de la force pour aller d’un point ` a un autre ne d´epende pas du chemin, mais seulement des point de d´epart et ` d’arriv´ee. Si l’int´egrale sur toute boucle est nulle, toutes les variantes dans le calcul du travail de la force pour aller d’un point `a un autre donnent le mˆeme (4) r´esultat . Le travail ne d´epend effectivement que des deux positions donn´ees. Dans les situations simples discut´ees dans une introduction `a la m´ecanique, l’intuition suffit ` a se convaincre de l’existence du potentiel ou pas. Il est facile de voir par exemple que la pesanteur satisfait cette condition. Ce n’est pas le cas d’une force de frottement, bien ´evidemment. Si le potentiel existe, il suffit d’op´erer une int´egration sur un chemin particulier pour trouver le potentiel, connaissant la force. On appelle force conservative une force pour laquelle un tel potentiel existe. Proposition 1.4 Conservation de l’´energie. Si toutes les forces sont conservatives, la grandeur E =T +V (1.11) est une constante du mouvement. ´monstration. De Z2 W12 =

F · dr = 1

Z2

Zrs F · dr + 1

F · dr = V1 − V2 rs

et le th´eor`eme de l’´energie cin´etique donne T2 − T1 = V1 − V2 d’o` u T2 + V2 = T1 + V1 . On conviendra d’appeler ´ energie m´ ecanique totale la quantit´e E = T + V . Cela pr´esuppose bien sˆ ur que V soit d´efini ! On appelle ´ energie potentielle la contribution V `a l’´energie du point mat´eriel. (4)

A titre indicatif, on notera que les math´ ematiques fournissent une condition ´ equivalente : rot F = ∇ ∧ F = 0.


27

Collisions

Proposition 1.5 Calcul de la force ` a partir de son potentiel. Si V (r) existe, alors les projections de la force sur un rep`ere cart´esien du r´ef´erentiel sont donn´ees par X ∂V F = − ei ∂xi i ´monstration. L’´el´ement de travail F · dr est celui d’un chemin infinit´eDe simal allant d’un point en r a` un point en r + dr : F · dr = −V (r + dr) + V (r). Prenons dr = ∆`ei o` u ei est un vecteur unit´e port´e par l’axe cart´esien de la coordonn´ee xi : F · dr = ∆`F · ei = Fi ∆` = −V (r + ∆`ei ) + V (r) = −

∂V ∆` ∂xi

La derni`ere ´egalit´e applique la d´efinition de la d´eriv´ee partielle. On note F = − grad V ou F = −∇V cette op´eration de d´erivation par (5) rapport aux coordonn´ees cart´esiennes . Exemple 1.1 Mouvement rectiligne On consid`ere un point mat´eriel astreint `a se d´eplacer sur une droite et soumis ` a la force F (x). F (x) s’obtient imm´ediatement par d´erivation du potentiel. En effet, de Zx V (x) = −

F x0 dx0

xs

on tire F (x) = − dV dx . Application

L’´energie d’un oscillateur harmonique amorti est ´etudi´ee `a titre d’exemple a la section 2.11. `

1.12

Collisions

On dit qu’il y a collision quand deux ou plusieurs objets se rapprochent et subissent une interaction mutuelle. En r`egle g´en´erale, on pr´esume que les forces d’interaction sont n´egligeables quand les objets sont suffisamment ´eloign´es. On peut donc distinguer un « avant » et un « apr`es » la collision. Contrairement `a l’usage courant du terme, « collision » ici n’implique pas forc´ement qu’il y ait

(5)

La d´ efinition de cet op´ erateur diff´ erentiel pour tout syst` eme de coordonn´ ees n’est pas n´ ecessaire pour les exemples trait´ es dans ce livre.

12.1


28

Les fondements de la m´ ecanique

Fig. 1.20 Deux boules de diam`etres identiques, une pleine, une creuse. Quand on laisse tomber les deux boules en mˆeme temps, la lourde au-dessous de la l´eg`ere, alors la l´eg`ere rebondit tr`es haut.

un impact. Ainsi, le probl`eme d’une com`ete qui passerait au voisinage du Soleil est vu comme une collision. On appelle collision ´ elastique une collision o` u l’´energie cin´etique est conserv´ee. Si elle ne l’est pas, la collision est dite in´ elastique. Il faut bien prendre note que seules des conditions tr`es particuli`eres impliquent une collision ´elastique. Un syst`eme m´ecanique peut avoir des degr´es internes de libert´e. Imaginons deux plots sur un rail ` a air. L’un d’eux est muni d’un ressort butoir (fig. 1.4). Quand le ressort se comprime, un crochet l’empˆeche de se d´etendre `a nouveau. Quand les deux plots se percutent, le ressort se comprime. De l’´energie est emmagasin´ee sous forme d’´energie ´elastique (celle du ressort). L’´energie cin´etique n’est pas conserv´ee. Il en est ainsi pour toute collision qui produit un accouplement des deux objets (fig. 1.21).

12.3

Fig. 1.21 Deux plots, l’un muni d’une pointe, l’autre d’un butoir en pˆ ate a ` modeler. Les plots restent joints apr`es la collision.

Exemple 1.2 Choc totalement in´elastique On consid`ere un choc de deux objets sur un banc `a air qui restent li´es apr`es le choc (fig. 1.22).


29

Collisions

initial

v

v=0

m

m

vf m

final

m

Fig. 1.22 Un plot sur le banc a ` air est immobile. Un autre entre en collision avec le premier. Ensuite les deux plots sont accroch´es l’un a ` l’autre.

On n´eglige les frottements sur le banc `a air. Par cons´equent on peut consid´erer que la quantit´e de mouvement totale des plots est conserv´ee. On consid`ere la quantit´e de mouvement du syst`eme avant et apr`es la collision : • avant : P = mv + 0 ; • apr` es : P = (m + m)v f . Par cons´equent : vf =

1 v 2

Si l’´energie cin´etique n’est pas toujours conserv´ee, la quantit´e de mouvement d’une collision entre deux objets isol´es l’est n´ecessairement. En effet, la conservation de la quantit´e de mouvement d’un syst`eme isol´e d´ecoule des grands principes fondamentaux de la m´ecanique. La loi de conservation s’´etend aux syst`emes non isol´es mais comportant un plan ou une direction fixe de l’espace dans lesquels les forces peuvent ˆetre n´eglig´ees. C’est le cas notamment d’une table ` a air parfaitement horizontale. Le syst`eme n’est pas isol´e au sens strict, mais on peut en g´en´eral n´egliger les frottements pour d´ecrire des impacts entre plots. Finalement, il faut signaler encore que dans le cas d’un impact, c’est-`a-dire lors d’un choc dont la dur´ee est tr`es courte, il est possible d’invoquer la conservation de la quantit´e de mouvement « juste » `a l’impact. Plus formellement, l’argument peut se d´evelopper de la mani`ere suivante. On part de la loi g´en´eext rale pour un syst`eme de point mat´eriel dP . On int`egre cette loi sur un dt = F intervalle de dur´ee 2ε autour du temps t de l’impact : Zt+ε t−ε

dP dt = Pfinal − Pinit = dt

Zt+ε F ext dt t−ε

Un cas typique est une collision avec impact entre deux objets dans le champ de la pesanteur. Si F ext varie peu pendant le choc, on peut estimer l’int´egration


30

Les fondements de la m´ ecanique

par : Zt+ε F ext dt = 2εF ext t−ε

Dans la mesure o` u le choc a lieu dans un temps tr`es court, on peut faire tendre ε vers z´ero et on a la conservation de la quantit´e de mouvement pour un tel impact : P final = P init . On ne peut bien sˆ ur pas faire cette approximation pour les forces de contraintes et les forces de percussion, c’est-`a-dire les forces telles R t+ε que t−ε F ext dt 6= 0, mˆeme si ε → 0. Application

L’analyse d´etaill´ee d’une collision ´elastique est conduite `a la section 2.12.

1.13 13.1

Moment cin´etique et moment de force

Soient O un point du r´ef´erentiel et un point mat´eriel en P (fig. 1.23). On appelle moment cin´ etique L0 en O la grandeur L0 = OP ∧ p o` u p = mv est la quantit´e de mouvement du point mat´eriel. On appelle moment de la force F en O, la grandeur M 0 = OP ∧ F Il faut faire attention de toujours sp´ecifier le point de r´ef´erence du moment cin´etique et du moment de force, car ces deux grandeurs en d´ependent ! x3 L0

O

x1

x2

p

P

Fig. 1.23 Point mat´eriel en P , quantit´e de mouvement et moment cin´etique par rapport ` a un point O du r´ef´erentiel.

Le moment cin´etique et le moment de force sont li´es par une relation qui deviendra tr`es importante quand on consid´erera la m´ecanique d’un syst`eme de points mat´eriels, en particulier la m´ecanique du solide ind´eformable.


Autres forces

31

Proposition 1.6 Th´eor`eme du moment cin´etique pour un point mat´eriel. dL0 = M0 dt

(1.12)

o` u O appartient au r´ef´erentiel.

´monstration. De

d d ˙ ∧ p) + (OP ∧ p) L0 = (OP ∧ p) = (OP ˙ = OP ∧ F . dt dt

Application

Avec l’introduction de la notion de moment cin´etique pour un point mat´eriel, on peut aborder l’analyse des lois de Kepler (sect. 3.12) et du mouvement elliptique des plan`etes autour du Soleil, pour en d´eduire, comme Newton l’a ´etabli, la loi de la gravitation (sect. 2.13).

1.14 1.14.1

Autres forces

Les forces en ´electromagn´etisme

14.1

Les lois de forces ´el´ementaires de l’´electromagn´etisme sont donn´ees ici pour enrichir la palette des forces qu’on peut ´evoquer dans des probl`emes de m´ecanique. Leur description d´etaill´ee sera trait´ee dans le cadre du volume d’´electromagn´etisme de ce mˆeme trait´e. Force de Coulomb Une charge ´electrique q1 immobile exerce sur une charge ´electrique q2 immobile une force F donn´ee par F =

q1 q2 r 4πε0 r2 r

(1.13)

avec 1/(4πε0 ) = 8,988 × 109 Nm2 /C2 , r la distance entre les charges et r le vecteur d’origine ` a la position de q1 et d’extr´emit´e `a celle de q2 . Ainsi, si q1 et q2 sont de mˆeme signe, cette force est r´epulsive. Les forces ´electrostatiques sont typiquement tr`es sup´erieures aux forces gravitationnelles. En effet, consid´erons deux ´electrons. La charge de l’´electron vaut environ 1,6 × 10−19 C. Le coefficient de r/r3 dans (1.13) vaut donc 2 × 10−28 Nm2 . La force d’attraction gravitationnelle (2.50) entre les deux ´electrons est aussi proportionnelle `a r/r3 . Comme la masse de l’´electron est de 9 × 10−31 kg, le coefficient de proportionnalit´e pour la gravitation vaut 5 × 10−71 Nm2 . La diff´erence entre ces deux forces est ´enorme !


32

Les fondements de la m´ ecanique

Champ ´electrique La notion de champ ´electrique peut ˆetre comprise par analogie avec le champ de la gravitation (´eq. 3.7, sect. 3.13) et la force gravitationnelle (3.8). Un ensemble de charges produit un champ ´electrique E tel que la somme des forces de Coulomb entre une charge test q et toutes les autres vaut F = qE On peut cr´eer un champ E approximativement uniforme en chargeant les plaques d’un condensateur plan (fig. 1.24). La dynamique d’une charge dans un champ uniforme est analogue `a la chute d’un corps dans le champ de la pesanteur. En particulier, la trajectoire est parabolique. –V

14.3

+V

Fig. 1.24 La d´eflexion d’un faisceau d’´electrons dans un champ ´electrique. Le faisceau d’´electron rase une plaque phosphorescente. Les deux pi`eces m´etalliques en haut et en bas de l’image sont polaris´ees a ` 3 kV pour produire le champ ´electrique d´eviant le faisceau.

Contexte

Ce n’est qu’au d´ebut du xxe si`ecle qu’une exp´erience conduite sous la direction de Rutherford permit de comprendre que l’atome comportait un noyau charg´e positivement. Pour analyser son exp´erience, Rutherford dut estimer le potentiel r´epulsif entre les atomes de la cible et la charge incidente (sect. 3.15). Force de Lorentz Dans un champ d’induction B, une particule de charge q, de vitesse v, subit une force F = qv ∧ B (1.14) On note que la force est perpendiculaire `a la vitesse. Par cons´equent, la force de Lorentz ne travaille pas et l’´energie cin´etique de la particule est constante (´eq. 1.10). Application

Au paragraphe 2.14.1 on analyse le mouvement d’une particule charg´ee dans un champ d’induction magn´etique uniforme.


33

Autres forces

1.14.2

Mod`eles de forces de frottement

Dans un grand nombre de situations, les forces en pr´esence n’ont pas d’expressions simples. C’est tout particuli`erement le cas des forces de frottement pour lesquelles il n’y a pas de lois dont l’expression math´ematique serait pure comme celles pour la force de la gravitation ou la loi de Coulomb. Il faut alors accepter de travailler avec des mod`eles approximatifs. Ci-dessous, on pr´esente deux mod`eles courants de forces de frottement. Les frottements secs Ch. A. Coulomb ´etudia l’action d’une surface sur un solide. Depuis ces travaux (1785), on comprend qu’on doit distinguer la friction statique de la friction avec glissement (fig. 1.25).

14.3

Fig. 1.25 Une plaque de bois glisse sur une surface lisse et s`eche. Des poids sont pos´es sur la plaque de bois. On mesure la force maximale de traction sans glissement, puis la force de traction quand il y a glissement, en fonction du lest.

Friction statique On consid`ere d’abord le solide immobile sur une surface (fig. 1.25). Il subit une force de r´eaction N (fig. 1.26). On suppose qu’on applique au solide une force de traction tangente ` a la surface T , mais sans que le solide ne glisse. N

T

F

Fig. 1.26 Le frottement F s’ajuste pour compenser exactement T .

Alors le solide subit aussi une force de frottement tangente `a la surface, F . La force F s’ajuste pour qu’il n’y ait pas de glissement. Cette situation est maintenue jusqu’au point o` u la force F atteint la valeur maximale de son module. Au-del` a de cette valeur, il y a d´ecrochement et glissement. Cette force maximale est donn´ee par Fmax = µs N (1.15) µs est appel´e coefficient de frottement statique. La valeur de µs d´epend des mat´eriaux en contact, de leur ´etat de surface et de la pr´esence d’humidit´e, notamment. Une valeur de l’ordre de 1,0 est souvent observ´ee.


34

Les fondements de la m´ ecanique

Frottement avec glissement Pour un solide sur une surface, subissant une force de r´eaction de la surface N , glissant ` a une vitesse v mesur´ee par rapport `a la surface, la force de frottement est donn´ee par v F = −µc |N | (1.16) |v| µc est appel´e coefficient de frottement cin´ etique. Dans ce mod`ele, on suppose que µ est ind´ependant de la vitesse. Pour raffiner ce mod`ele, on pourrait par exemple consulter des donn´ees exp´erimentales [11]. Le coefficient de frottement cin´etique est toujours plus petit que le coefficient statique. On en fait l’exp´erience par exemple lorsqu’on fait glisser une armoire sur un sol lisse. En r´esum´e, la force F d´epend de la traction T comme indiqu´e sur la figure 1.27. F ms N mc N T

Fig. 1.27 A basse valeur de la traction T , la force de frottement F = T et l’objet est immobile sur son support. A une valeur limite, il y a d´ecrochement et au-del` a de celleci, la force de frottement est constante, plus petite que la valeur au d´ecrochement, et ind´ependante de la traction T .

Les frottements visqueux Dans les fluides ` a tr`es basses vitesses, la force de frottement subie par un solide se d´epla¸cant ` a la vitesse v par rapport au fluide peut ˆetre estim´ee par F = −kηv

(1.17)

o` u le coefficient η est la viscosit´e, k un facteur g´eom´etrique (k = 6πR pour une sph`ere de rayon R). A plus grande vitesse, le frottement devient proportionnel au carr´e de la vitesse : v 1 F = −Cx ρfl v 2 S (1.18) 2 v ρfl est la densit´e du fluide, S l’aire de la projection du solide sur le plan normal a la vitesse. Cx est appel´e coefficient de traˆın´ee. Cx vaut 1,3 pour un disque ` dont l’axe est dans la direction du mouvement. Cx vaut 0,45 pour une sph`ere, 0,03 pour une demi-sph`ere prolong´ee par un cˆone, et typiquement 0,03 pour une aile d’avion. Application

Au paragraphe 2.14.2 on analyse quelques exp´eriences dans lesquelles le frottement sec statique ou cin´etique joue un rˆole d´eterminant.


R´ ef´ erentiels acc´ el´ er´ es

1.15

35

R´ef´erentiels acc´el´er´es

La deuxi`eme loi de Newton s’applique quand on travaille avec un r´ef´erentiel d’inertie. Il y a toutefois des situations, comme l’´etude de la dynamique `a la surface de la Terre (sect. 1.16), dans lesquelles on souhaite travailler avec un r´ef´erentiel qui n’est pas d’inertie. Dans cette section, on ´etablit des ´equations du mouvement pour des r´ef´erentiels qui sont en rotation ou en acc´el´eration uniforme par rapport ` a un r´ef´erentiel d’inertie (fig. 1.28).

15.1

caméra

15.3 jet d’eau

Fig. 1.28 Le mouvement radial de gouttes d’eau sortant d’une buse horizontale en rotation uniforme. Quand le mouvement est observ´e par une cam´era en rotation uniforme avec la buse, les gouttes apparaissent toutes sur un jet courb´e unique !

1.15.1

Cin´ematique

Il est commode, dans le cadre de cette approche, d’appeler le r´ef´erentiel d’inertie le r´ ef´ erentiel absolu et, l’autre, le r´ ef´ erentiel relatif . On consid`ere un r´ef´erentiel absolu mat´erialis´e par un syst`eme d’axes cart´esiens Ox1 x2 x3 , un r´ef´erentiel relatif qu’on repr´esentera par un syst`eme d’axes cart´esiens Ay1 y2 y3 (fig. 1.29). On veut ´etablir les relations entre les vitesses et acc´el´erations absolues, mesur´ees par rapport ` a Ox1 x2 x3 et les vitesses et acc´el´erations relatives, mesur´ees par rapport ` a Ay1 y2 y3 . Pour ce faire, on va d´eriver par rapport au temps la relation : OP = OA+AP . On introduit le rep`ere A, y ˆ1 , y ˆ2 , y ˆ3 ) li´e au syst`eme d’axes Ay1 y2 y3 . L’´evolution temporelle des vecteurs unit´es y ˆ1 , y ˆ2 , y ˆ3 , est d´ecrite par la vitesse angulaire Ω. Les formules de Poisson (1.8) sp´ecifient cette ´evolution : dˆ yi =Ω∧y ˆi (i = 1, 2, 3) (1.19) dt On pose AP =

X i

yi y ˆi


36

Les fondements de la m´ ecanique

y3 y2

x3

P

y1

A

O

x2

x1

Fig. 1.29 Ox1 x2 x3 : r´ef´erentiel absolu, P : un point mat´eriel quelconque ; Ay1 y2 y3 : r´ef´erentiel relatif.

Les yi sont les composantes de AP dans le r´ef´erentiel relatif. Par cons´equent, la vitesse de P , v r (P ), mesur´ee dans le r´ef´erentiel relatif, est donn´ee par X v r (P ) = y˙ i y ˆi (1.20) i

L’acc´el´eration relative de P, ar (P ) est donn´ee par X ar (P ) = y¨i y ˆi

(1.21)

i

Proposition 1.7 Vitesse relative et absolue. v a (P ) = v a (A) + v r (P ) + Ω ∧ AP ´monstration. De

La vitesse absolue v a (P ) =

d dt OP

d d d v a (P ) = (OA) + (AP ) = v a (A) + dt dt dt X X = v a (A) + y˙ i y ˆi + yi y ˆ˙ i i

= v a (A) + v r (P ) +

(1.22)

vaut ! X

yi y ˆi

i

i

X

yi Ω ∧ y ˆi

i

Proposition 1.8 Ω.

Ω est ind´ependant du choix de A.

´monstration. De la relation (1.22) :

Soit B un point quelconque du solide. On applique `a B v a (B) = v a (A) + Ω ∧ AB

(1.23)


37

R´ ef´ erentiels acc´ el´ er´ es

Par cons´equent v a (P ) = v a (A) + v r (P ) + Ω ∧ AP = v a (B) + v r (P ) − Ω ∧ AB + Ω ∧ AP = v a (B) + v r (P ) + Ω ∧ BP On obtient donc la formule (1.22) avec B `a la place de A sans changer Ω. Proposition 1.9 Acc´el´eration relative et absolue. ˙ ∧ AP aa (P ) = aa (A) + ar (P ) + 2Ω ∧ v r (P ) + Ω ∧ (Ω ∧ AP ) + Ω ´monstration. De rapport au temps : aa (P ) =

Pour trouver l’acc´el´eration, d´erivons la vitesse absolue par dv a (P ) dv a (A) dv r (P ) d = + + (Ω ∧ AP ) dt dt dt dt

(1.24)

En d´eveloppant la vitesse relative en termes des composantes (1.20) et en utilisant les relations (1.19), il vient les termes annonc´es. La contribution 2Ω ∧ v r (P ) est appel´ee acc´ el´ eration de Coriolis. Le terme Ω∧(Ω∧AP ) est appel´e acc´ el´ eration centrip` ete. Le groupe de termes ˙ ∧ AP est appel´e acc´ aa (A) + Ω ∧ (Ω ∧ AP ) + Ω el´ eration d’entraˆınement. C’est l’acc´el´eration du point du r´ef´erentiel Ay1 y2 y3 co¨ıncidant avec P `a l’instant consid´er´e. Pour d´evelopper un sens physique de l’acc´el´eration de Coriolis et de l’acc´el´eration centrip`ete qui interviennent dans le mouvement relatif `a un r´ef´erentiel en rotation, il est bon de consid´erer quelques situations simples (probl`emes 5.6, 5.7, 5.8).

1.15.2

Dynamique

Quand on consid`ere le jet d’eau (fig. 1.28) depuis le r´ef´erentiel en rotation avec la plate-forme, on voit que la trajectoire du jet d’eau, telle qu’elle est vue par la cam´era, n’est pas rectiligne.

Exemple 1.3 On observe la mˆeme courbure de la trajectoire quand on marque avec un feutre la trajectoire d’un plot qui glisse sur une plaque de verre en rotation (fig. 1.30). Dans cette exp´erience, on peut n´egliger le frottement. Le plot, quand il est relˆ ach´e, part en ligne droite ; la droite est tangente au cercle qu’il d´ecrivait quand il ´etait retenu. La trace sur le verre est une courbe marquant un ´eloignement du cercle que d´ecrivait le plot quand il ´etait retenu. C’est cet ´eloignement per¸cu dans le r´ef´erentiel en rotation qui fait h´esiter les


38

Les fondements de la m´ ecanique

´etudiants ` a qui on demande o` u va une masse qui tournoie quand on lˆache le fil qui la maintenait sur une trajectoire circulaire.

feutre

15.3

Fig. 1.30 Quand le feutre est relˆ ach´e, il suit une ligne droite dans l’auditoire et il marque la trajectoire telle qu’elle est per¸cue dans le r´ef´erentiel de la table tournante.

Avec ce genre d’exp´erience, il devient clair qu’on ne peut pas appliquer la deuxi`eme loi de Newton dans un r´ef´erentiel en rotation en invoquant les mˆemes forces que si l’on se tient dans un r´ef´erentiel d’inertie. En effet, suivant Newton, on applique sa deuxi`eme loi en faisant usage du r´ef´erentiel d’inertie. Ainsi, on ´ecrit F = maa (P ) Il est entendu que F repr´esente la somme des forces appliqu´ees (pesanteur, gravitation, liaison, frottement, etc.). Si on veut les ´equations du mouvement en termes des vitesses et des acc´el´erations mesur´ees dans le r´ef´erentiel relatif, il faut alors ´ecrire ˙ ∧ AP + mΩ ∧ Ω ∧ AP F = maa (A) + mar (P ) + mΩ + 2mΩ ∧ v r (P ) On voit qu’on peut g´en´eraliser l’approche de Newton en admettant que les forces, tout comme les vitesses et les acc´el´erations, d´ependent du r´ef´erentiel. En effet, on peut ´ecrire ˙ ∧ AP − 2mΩ ∧ v r (P ) mar (P ) = F − maa (A) − mω ∧ Ω ∧ AP − mΩ Quand la deuxi`eme loi de Newton est ´ecrite de cette mani`ere, le terme d’acc´el´eration de Coriolis, par exemple, apparaˆıt comme une force. De mˆeme, le terme d’acc´el´eration centrip`ete devient une force centrifuge. Ces « forces » sont en fait des effets de r´ef´erentiels acc´el´er´es. On les appelle forces d’inertie. Application

On peut se convaincre sur la base de quelques exemples simples (sect. 2.15) qu’il est toujours possible de passer d’un r´ef´erentiel d’inertie `a un r´ef´erentiel acc´el´er´e et obtenir la mˆeme description physique, comme il se doit.


39

Dynamique terrestre

1.16

Dynamique terrestre

On consid`ere ici l’approche du « mouvement relatif » (sect. 1.15) dans son application ` a la description de mouvements `a la surface de la Terre, quand la Terre ne peut plus ˆetre consid´er´ee comme un r´ef´erentiel d’inertie. On peut vouloir consid´erer une exp´erience banale comme la chute libre, mais la faire avec une mesure si pr´ecise qu’on observe une d´eviation qui ne devrait pas avoir lieu si la Terre ´etait un r´ef´erentiel d’inertie (§ 2.16.1). Il se peut au contraire que l’exp´erience soit subtile, comme celle du pendule de Foucault (§ 2.16.2) avec laquelle une grosse d´eviation est observ´ee par rapport `a la pr´ediction qu’on fait si on consid`ere la Terre comme un r´ef´erentiel d’inertie. Pour rendre compte de la situation physique `a la surface de la Terre, il y a lieu de consid´erer l’ordre de grandeur des dimensions et des temps caract´eristiques des exp´eriences. La vitesse angulaire de rotation de la Terre est de l’ordre de ω = 7,3 × 10−5 s−1 et son rayon vaut r = 6,35 × 106 m. Le d´eplacement vertical typique ` a la surface de la Terre est tr`es petit en comparaison du rayon de la Terre et le temps caract´eristique des mouvements consid´er´es est bien plus court que la p´eriode de rotation de la Terre. Il faudra exprimer ces ordres de grandeurs dans nos calculs en faisant des approximations. On va utiliser la Terre comme r´ef´erentiel relatif et prendre pour r´ef´erentiel absolu un syst`eme d’axes cart´esiens Ox1 x2 x3 centr´e sur la Terre mais dont les axes pointent vers des ´etoiles lointaines. On n´eglige donc le mouvement orbital de la Terre autour du Soleil. Un dessin (fig. 1.31) pr´ecise le choix des r´ef´erentiels. Le r´ef´erentiel relatif sera le syst`eme d’axes Ay1 y2 y3 avec A `a la surface de la Terre. y3 y2 A

l x3 x1

O

x2

y1

Fig. 1.31 R´ef´erentiel absolu : Ox1 x2 x3 , li´e a ` des ´etoiles, r´ef´erentiel relatif : Ay1 y2 y3 , li´e a ` la Terre, A a ` sa surface.

Comme ω˙ = 0, la formule de l’acc´el´eration en mouvement relatif donne m ar (P ) + aa (A) + ω ∧ (ω ∧ AP ) + 2ω ∧ v r = mg + F On consid`ere ici une force appliqu´ee F et la pesanteur. Comme A suit un mouvement circulaire uniforme, aa (A) = ω ∧ (ω ∧ OA). Par cons´equent, mar (P ) = mg + F − mω ∧ ω ∧ (OA + AP ) − 2mω ∧ v r (P )

16.1


40

Les fondements de la m´ ecanique

Pour des exp´eriences typiques `a la surface de la Terre, les d´eplacements `a la surface de la Terre sont toujours n´egligeables compar´es au rayon de la Terre. Cela veut dire que nous pouvons n´egliger AP devant OA : mar (P ) = mg − mω ∧ (ω ∧ OA) + F − 2mω ∧ v r (P )

(1.25)

Comme le deuxi`eme terme est constant, il peut ˆetre en quelque sorte «absorb´e» dans le premier, en d´efinissant un g effectif. Pour rendre l’argument plus intuitif, on consid`ere l’exp´erience du fil `a plomb.

T

mg

Fig. 1.32 Fil a ` plomb et forces exerc´ees.

On consid`ere une masse immobile (vu de la Terre), suspendue au bout d’un fil (fig. 1.32). Il s’agit d’une exp´erience statique dans le r´ef´erentiel de la Terre, donc ar (P ) = 0 v r (P ) = 0 Les ´equations du mouvement (1.25) fournissent la force de r´eaction du fil : T = − mg − mω ∧ (ω ∧ OA) T peut ˆetre consid´er´ee comme une mesure d’un g eff avec (fig. 1.33) : g eff = g − ω ∧ (ω ∧ OA) Aux pˆ oles, ω est parall`ele ` a OA, donc l’effet de la rotation de la Terre est nul, bien ´evidemment. Ailleurs, ω ∧ (ω ∧ OA) = ω 2 r sin λ L’angle λ d´esigne la co-latitude (fig. 1.31). L’ordre de grandeur de cette correction est donn´e par ω 2 r = 0,03 m s−2 . L’importance relative de cette correction vaut tout au plus : ω2 r = 0,3 % g Ainsi, dor´enavant, g sera entendu comme ´etant red´efini avec cette correction. Les ´equations du mouvement de la dynamique terrestre ont alors la forme : ar (P ) = g +

F − 2ω ∧ v r (P ) m

(1.26)


41

Syst` emes de point mat´ eriels, lois de conservation

plan méridien N

w w Ù OA ^ plan méridien A O

-w Ù (w Ù OA)

l

A

-w Ù (w Ù OA)

O

S

Fig. 1.33 Effet de la rotation de la Terre sur le g apparent. Application

On analyse dans la section 2.16 le mouvement vertical et le mouvement horizontal ` a la surface de la Terre. Une m´ethode de calcul dite « de perturbation » est introduite ` a cette occasion. Les r´esultats sur le mouvement horizontal permettent de rendre compte qualitativement du comportement du pendule de Foucault. L’usage du formalisme du mouvement relatif et de coordonn´ees g´en´eralis´ees fournit les ´equations du mouvement du pendule de Foulcault (probl`eme 5.9).

1.17 1.17.1

Syst`emes de point mat´eriels, lois de conservation 17.1

R´ef´erentiel du centre de masse

De nombreux syst`emes m´ecaniques peuvent ˆetre mod´elis´es par un ensemble de points mat´eriels. On convient de la notation suivante pour un tel syst`eme : les points mat´eriels sont de masse mα situ´es au point Pα . L’indice α les num´erote. Centre de masse

Soit un r´ef´erentiel R comprenant un point O. Soit un syst`eme de points mat´eriels mα aux points Pα . Le centre de masse G du syst`eme de points mat´eriels est d´efini par la moyenne des positions des points Pα pond´er´ee par leur masse : 1 X OG = mα OPα (1.27) M α P avec M = α mα , la masse totale du syst`eme de points mat´eriels. Proposition 1.10 G ind´ependant de O. d´epend pas du choix du point O.

La d´efinition du centre de masse ne

´monstration. Soit un autre point du r´ef´erentiel O0 pour lequel la d´efiDe nition du centre de masse fournirait la position G0 du centre de masse. On a 1 X 1 X 1 X O 0 G0 = mα O 0 P α = mα O 0 O + mα OPα M α M α M α = O 0 O + OG = O 0 G


42

Les fondements de la m´ ecanique

C’est dire que G et G0 sont confondus. Le r´ef´erentiel li´e au centre de masse du syst`eme de points mat´eriels, en translation par rapport au r´ef´erentiel d’inertie R, est appel´e le r´ ef´ erentiel centre de masse. On notera v α les vitesses des points mat´eriels Pα mesur´ees par rapport au r´ef´erentiel d’inertie et v 0α leurs vitesses mesur´ees dans le r´ef´erentiel centre de masse. Deux propri´et´es du r´ef´erentiel centre de masse sont utilis´ees par la suite. Proposition 1.11 Positions et vitesses dans le r´ef´erentiel centre de masse. X mα GPα = 0 (1.28) α

X

mα v 0α = 0

(1.29)

α

T =

X1 1 M V 2G + mα v 02 α 2 2 α

(1.30)

De la d´efinition de G, on peut ´ecrire : 1 X 1 X OG = mα OPα = mα (OG + GPα ) M α M α 1 X = OG + mα GPα M α

´monstration. De

Du premier et du dernier terme vient la premi`ere propri´et´e annonc´ee. De OPα = OG + GPα , on tire par d´erivation par rapport au temps : v α = V G + (v α − V G ) = V G + v 0α

(1.31)

car v α −V G est la vitesse mesur´ee dans le r´ef´erentiel centre de masse (§ 1.15.1). Par cons´equent : 1 X 1 X VG = mα v α = mα V G + v 0α M α M α 1 X = VG + mα v 0α M α Du premier et du dernier terme vient la deuxi`eme propri´et´e annonc´ee. La troisi`eme propri´et´e en d´ecoule, compte tenu de la d´efinition X1 T = mα v 2α 2 α et de (1.31). Pour un syst`eme de points mat´eriels, on d´efinit : •

la quantit´e de mouvement totale : X P = pα , α

o` u pα = mα v α


Syst` emes de point mat´ eriels, lois de conservation

43

le moment cin´etique total par rapport `a O : X L0 = L0,α o` u L0,α = OPα ∧ pα α

Le th´eor`eme du moment cin´etique et la deuxi`eme loi de Newton s’appliquent a chaque masse : ` dpα dL0,α = Fα = M 0,α dt dt o` u F α est la r´esultante de toutes les forces agissant sur mα et o` u M 0,α = OPα ∧ F α

1.17.2

Enonc´e g´en´eral de la troisi`eme loi de Newton

Pour un syst`eme mat´eriel, il convient de distinguer deux contributions aux forces F α exerc´ees sur le points Pα : • •

les forces int´ erieures F int α , les forces ext´ erieures F ext α .

On appelle forces int´erieures celles qui sont dues uniquement `a des interactions ` a l’int´erieur du syst`eme. Elles ne d´ependent que des positions et des vitesses des points mat´eriels du syst`eme. Les forces ext´erieures sont typiquement des forces appliqu´ees au syst`eme. Elles ont une cause enti`erement, ou en partie, ext´erieure au syst`eme. On consid`ere les forces d’interactions mutuelles entre deux points mat´eriels P1 et P2 du syst`eme. La troisi`eme loi implique F 2→1 + F 1→2 = 0

(1.32)

On va faire l’hypoth`ese suppl´ementaire que ces forces sont parall`eles au segment P1 P2 . Ceci implique OP1 ∧ F 2→1 + OP2 ∧ F 1→2 = 0

(1.33)

En effet, on a 0 = P1 P2 ∧ F 1→2 = OP2 ∧ F 1→2 − OP1 ∧ F 1→2 = OP2 ∧ F 1→2 + OP1 ∧ F 2→1

(1.34)

Pour ´etendre ce r´esultat ` a un syst`eme de plus de deux points mat´eriels, on fait l’hypoth`ese suppl´ementaire sur la nature des forces dans un syst`eme de plusieurs points mat´eriels : le principe de superposition des forces. Cela revient `a faire l’hypoth`ese raisonnable selon laquelle la force F α vaut la somme des forces d’interactions deux ` a deux du point mat´eriel au point Pα et des points mat´eriels Pβ , β 6= α, jouissant de la propri´et´e du parall´elisme des forces d’interaction et


44

Les fondements de la m´ ecanique

du segment d´efini par chaque paire de points mat´eriels. Dans ce cas, la troisi`eme loi de Newton implique X XX X X F int F β→α = F α→β + F β→α = 0 α = α

α β6=α

1≤α<β≤N

De plus, on a X OPα ∧ F int = α α

X

β

OPα ∧ F β→α + OPβ ∧ F α→β

1≤α<β≤N

X

=

(OPβ − OPα ) ∧ F α→β

1≤α<β≤N

X

=

Pα Pβ ∧ F α→β = 0

1≤α<β≤N

On conviendra ainsi que la troisi`eme loi de Newton pour un syst`eme de points mat´eriels s’exprime de la mani`ere suivante : X X F int OPα ∧ F int (1.35) α = 0, α =0 α

α

On verra que cette forme de la troisi`eme loi implique les principes de conservations de la quantit´e de mouvement et du moment cin´etique. Il s’av`ere que ces r´esultats-l` a sont plus g´en´eraux que les expressions (1.35). On peut les obtenir a partir de sym´etries fondamentales (propositions 4.5 et 4.6, sect. 4.3). ` On adoptera la notation suivante pour les sommes des forces et des moments de forces : X ext F ext α =F α

X

ext OPα ∧ F ext α = M0

α

Il s’agit d’une simplification des ´ecritures. Toutefois, il est essentiel de consid´erer les points d’applications des forces dans l’analyse de tout probl`eme de m´ecanique de syst`emes de points mat´eriels ! 1.17.3

Lois de la dynamique pour un syst`eme de points mat´eriels

La troisi`eme loi de Newton g´en´eralis´ee fournit deux lois tr`es importantes qui d´eterminent l’´evolution d’un syst`eme de points mat´eriels. Proposition 1.12 Th´eor`eme de la quantit´e de mouvement. dP = F ext dt

(1.36)

Proposition 1.13 Th´eor`eme du moment cin´etique. dL0 = M ext 0 dt

(1.37)


Syst` emes de point mat´ eriels, lois de conservation

45

´monstration. Il suffit de sommer les expressions du th´eor`eme du moDe ment cin´etique et de la deuxi`eme loi de Newton appliqu´ees `a chaque point mat´eriel. La troisi`eme loi de Newton implique X X X X Fα = F ext et OPα ∧ F α = OPα ∧ F ext α α α

α

α

α

Ces deux th´eor`emes jouent un rˆole central en m´ecanique. En dynamique du solide ind´eformable, en particulier, ces deux th´eor`emes constituent la base th´eorique qui fournira les ´equations du mouvement. La quantit´e de mouvement totale s’exprime tr`es simplement en fonction de la vitesse de son centre de masse, not´e V G . Proposition 1.14 Quantit´e de mouvement totale. MVG = P ´monstration. De

(1.38)

En d´erivant par rapport au temps (1.27), il vient : MVG =

X α

mα v α =

X

pα = P

α

Proposition 1.15 Th´eor`eme du centre de masse. M

X dV G = F ext α dt α

´monstration. Ce r´esultat s’obtient en d´erivant par rapport au temps De (1.38) et en invoquant (1.36). Le centre de masse apparaˆıt alors comme un point mat´eriel de masse M auquel toutes les forces ext´erieures exerc´ees sur le syst`eme (en diff´erents points du syst`eme) lui seraient appliqu´ees (directement). Le th´eor`eme du centre de masse est tr`es utilis´e en m´ecanique, en particulier pour le cas du solide ind´eformable. Toutefois, on verra avec la m´ecanique du solide ind´eformable, qu’il ne signifie pas que le solide se comporte comme si toutes les forces sont appliqu´ees au centre de masse. Le point d’application de la force importe dans la dynamique du solide ! 1.17.4

Principes de conservation

La g´en´eralisation de la troisi`eme loi de Newton permet d’annoncer les deux principes de conservation suivants. Proposition 1.16 Un syst`eme isol´e, c’est-` a-dire libre de forces ext´erieures, poss`ede une quantit´e de mouvement totale et un moment cin´etique total constants.


46

´monstration. De

Les fondements de la m´ ecanique

Si F ext = 0 et M ext 0 = 0, alors (1.36) et (1.37) impliquent P constant

(1.39)

L0 constant

(1.40)

et On dit que les grandeurs sont conserv´ees. Ces lois de conservation sont valables mˆeme en relativit´e restreinte et en m´ecanique quantique ! Elles peuvent ˆetre d´eriv´ees de notions plus fondamentales de sym´etrie, libres des hypoth`eses faites ici sur la nature des forces. On appliquera souvent ces principes de conservation, car ils permettent de simplifier l’analyse d’un syst`eme physique. Quand un syst`eme n’est pas isol´e, il se peut qu’on puisse invoquer la conservation d’une composante de la quantit´e de mouvement totale, ou du moment cin´etique total parce qu’aucune force ou aucun moment cin´etique ne s’exerce dans une direction du r´ef´erentiel d’inertie. On peut par exemple consid´erer un syst`eme m´ecanique sur une table a air horizontale. Les plots sur la table `a air ne sont pas isol´es. Ils subissent la ` sustentation de la table ` a air. Cependant, pour un grand nombre d’exp´eriences, on peut n´egliger toutes les forces horizontales. On en d´eduit que la quantit´e de mouvement totale dans le plan horizontal est conserv´ee. Formellement, soit u ˆ une direction fixe par rapport au r´ef´erentiel d’inertie, dans laquelle u ˆ · F ext = 0. Alors P · u ˆ est une grandeur conserv´ee. De mˆeme, si u ˆ · M ext = 0, alors L · u ˆ est conserv´ ee. 0 0 Application

Le principe de la conservation de la quantit´e de mouvement totale permet de rendre compte de la pouss´ee d’une fus´ee ou du recul d’un canon (§ 2.17.1). Le principe de la conservation du moment cin´etique permet d’expliquer le changement de vitesse angulaire d’une patineuse qui sert ses bras contre son corps (§ 2.17.3) .

1.18 18.1

Cin´ematique du solide

Tr`es tˆ ot dans l’analyse des syst`emes m´ecaniques, on a invoqu´e le mod`ele du point mat´eriel. Il faut se demander dans quelle mesure ce mod`ele peut rendre compte du mouvement d’un objet r´eel. Nous avons d´ej`a un ´el´ement de r´eponse par le th´eor`eme du centre de masse qui met en jeu un point mat´eriel (au centre de masse) pour tout syst`eme mat´eriel. On va maintenant porter l’attention sur un mod`ele plus ´evolu´e : celui du solide ind´eformable. On appelle solide ind´ eformable un ensemble de points dont les distances mutuelles sont constantes. En particulier, un r´ef´erentiel est un solide ind´eformable. Dans ce qui suit, quand on dira « solide », il s’agira toujours d’un solide ind´eformable. Cette d´efinition est celle d’un syst`eme id´eal. Un perfectionnement de cette mod´elisation serait de consid´erer les d´eformations d’un solide


Cin´ ematique du solide

47

(sect. 3.18). On entrerait alors dans le domaine de la r´esistance des mat´eriaux. Enfin, si on allait jusqu’` a consid´erer les tr`es grandes d´eformations, comme celle d’un fluide, on s’engagerait dans l’´etude de l’hydrodynamique. 1.18.1

Coordonn´ees ind´ependantes

On veut d’abord sp´ecifier la position d’un solide par rapport `a un r´ef´erentiel. Combien de coordonn´ees ind´ependantes faut-il se donner, en g´en´eral ? Proposition 1.17 Nombre de coordonn´ees. Il suffit de sp´ecifier au plus 6 coordonn´ees pour d´efinir la position de tout point d’un solide ind´eformable de forme donn´ee. ´monstration. On r´ealise d’abord qu’il suffit de connaˆıtre la position de De trois points non colin´eaires du solide pour connaˆıtre la position de n’importe quel autre de ses points. Il nous faut les coordonn´ees suivantes pour sp´ecifier les positions de ces trois points : •

Premier point : 3 coordonn´ees ;

Deuxi`eme point : en toute g´en´eralit´e 3 coordonn´ees, mais ici il y a une contrainte, le deuxi`eme point est sur une sph`ere centr´ee au premier point. Il ne faut donc que 2 coordonn´ees ind´ependantes pour situer le deuxi`eme point sur cette sph`ere, typiquement deux angles ;

Troisi`eme point : une fois les positions des deux premiers points fix´ees, le troisi`eme point ne peut faire qu’une rotation autour de l’axe passant par les deux premiers points. Donc ce troisi`eme point est rep´er´e par 1 coordonn´ee ind´ependante, typiquement un angle.

Au total il faut donc 6 coordonn´ees ind´ependantes pour d´efinir la position d’un solide dans l’espace. Au lieu de donner les coordonn´ees de trois points non colin´eaires du solide, on peut aussi donner les trois coordonn´ees d’un point du solide, et trois angles qui sp´ecifient l’orientation du solide. Il est souvent commode d’utiliser les angles d’Euler, d´efinis ci-dessous (sect. 3.16). 1.18.2

Vitesse et acc´el´eration d’un point du solide

On consid`ere un r´ef´erentiel R0 mat´erialis´e par un syst`eme d’axes cart´esiens Ox1 x2 x3 et un solide comprenant un point A de vitesse V (A) (fig. 1.34). L’´evolution dans le temps de l’orientation du solide est d´ecrite par la vitesse angulaire ω. P d´esignera toujours dans ce qui suit un point quelconque du solide. Proposition 1.18 Vitesse d’un point du solide. V (P ) = V (A) + ω ∧ AP

(1.41)


48

Les fondements de la m´ ecanique

y3 y2

P

x3 A

O

y1

x2

x1

Fig. 1.34 R´ef´erentiel absolu Ox1 x2 x3 , ; Ay1 y2 y3 li´e au solide, P quelconque.

´monstration. On a la relation vectorielle : OP = OA + AP . Pour De d calculer la vitesse de tout point P du solide, on exprime : V (P ) = dt OP , donc V (P ) =

d d OA + AP dt dt

On prend note que le vecteur y = AP appartient au solide, il est fixe dans le solide. Le vecteur y ne d´epend du temps que par son orientation par rapport au r´ef´erentiel. Il ne change pas de module puisqu’il appartient au solide et que celui-ci est d´eclar´e ind´eformable. Pour la d´eriv´ee de y = AP , on ´ecrit explicitement ses composantes sur le rep`ere A y ˆ1 , y ˆ2 , y ˆ3 li´e au solide et on applique les relations de Poisson : ! X dˆ d X y V (P ) = V (A) + yi y ˆi = V (A) + yi i dt dt i i X X = V (A) + yi ω ∧ y ˆi = V (A) + ω ∧ yi y ˆi i

i

Remarque. Comme la cin´ematique de tout point du solide est celle de tout point d’un r´ef´erentiel li´e ` a ce solide, les trois propri´et´es suivantes du vecteur de vitesse angulaire ω ont d´ej`a ´et´e obtenues dans la description du mouvement relatif : •

ω est le mˆeme pour tout point P du solide.

ω est ind´ependant du choix de A.

ω est ind´ependant du choix des axes et des angles.

Proposition 1.19 Acc´el´eration d’un point du solide. a(P ) = a(A) + ω ˙ ∧ AP + ω ∧ ω ∧ AP

(1.42)


Dynamique du solide

´monstration. De

49

Par d´erivation de l’expression de la vitesse, on a

dAP a(P ) = V˙ (P ) = V˙ (A) + ω ˙ ∧ AP + ω ∧ dt On conclut en appliquant ` a nouveau au solide.

dy dt

= ω ∧ y, vrai pour tout y appartenant

Application

La cin´ematique du solide ind´eformable est consid´erablement plus complexe que celle du point mat´eriel. Pour un solide, on peut d´efinir une translation, restreindre le mouvement ` a des d´eplacements parall`eles `a un plan ou imposer une rotation avec un roulement sans glissement sur le support (sect. 2.18).

1.19 1.19.1

Dynamique du solide 19.1

Lois fondamentales

Les r´esultats obtenus pour un syst`eme de points mat´eriels (§ 1.17.3) d´eterminent l’essentiel de notre compr´ehension de la dynamique du solide ind´eformable. Il faudra seulement imposer `a la cin´ematique le fait que le syst`eme est un solide ind´eformable. On a obtenu pour le moment cin´etique total : dLO = M ext O dt

(1.43)

o` u le point O appartient au r´ef´erentiel. Pour la quantit´e de mouvement totale, on a le th´eor`eme du centre de masse : X dV G M = F ext (1.44) α dt α Ces deux r´esultats ensemble suffisent `a l’´etude de la dynamique d’un solide ind´eformable. En effet, on a ´etabli qu’il faut 6 coordonn´ees pour sp´ecifier la position du solide. Les ´equations (1.43) et (1.44) fournissent chacune 3 ´equations du mouvement. Il faut prendre garde de ne pas faire dire au th´eor`eme du centre de masse ce qu’il ne dit pas. La surinterpr´etation d’un mod`ele est un danger fr´equent et le th´eor`eme du centre de masse en est un cas notoire. L’exp´erience montre que nombre d’´etudiants concluent que le mouvement du centre de masse du solide est d´etermin´e par ce th´eor`eme seulement. L’exp´erience du pendule en rotation (probl`eme 5.40), par exemple, montre qu’un solide et un point mat´eriel situ´e ` a l’endroit du centre de masse du solide ont des mouvements distincts. Exemple 1.4 On peut se convaincre que le solide n’est pas simplement un point mat´eriel en lan¸cant une balle ´elastique pour qu’elle rebondisse sous une table. S’il


50

Les fondements de la m´ ecanique

s’agissait d’un point mat´eriel, elle rebondirait sous la table `a la mani`ere d’un rayon lumineux entre deux miroirs parall`eles : elle ressortirait `a l’autre bout de la table. Mais il n’en est rien ! On observe que la balle revient vers le lanceur. C’est la rotation de la balle sur elle-mˆeme qui produit cet effet (probl`eme 5.37). Au lieu de travailler avec le moment cin´etique en un point O du r´ef´erentiel, il est souvent plus commode d’utiliser le moment cin´etique en G, le centre de masse. L’´equation d’´evolution pour le moment cin´etique en G a la forme tr`es simple stipul´ee par la proposition suivante.

Proposition 1.20 selon l’´equation

Le moment cin´etique en G du solide ind´eformable ´evolue dLG = MGext dt

(1.45)

o` u MGext est le moment en G des forces ext´erieures MGext =

X

{GPα ∧ F ext α }

(1.46)

α

et LG =

X

GPα ∧ mα (ω ∧ GP α )

(1.47)

α

´monstration. On exprime la vitesse de chaque point du solide ind´eforDe mable selon (1.41) dans la d´efinition du moment cin´etique LO =

X mα OP α ∧ V G + (ω ∧ GP α )

(1.48)

α

Vu la d´efinition du centre de masse (1.27), on a ainsi LO = M OG ∧ V G + LG

(1.49)

On d´erive par rapport au temps, en tenant compte du th´eor`eme du centre de masse (1.44) X dLO dLG = OG ∧ F ext (1.50) α + dt dt α On conclut en notant que M ext O =

X X ext ext (OG + GP ext = OG ∧ F ext α ) ∧ Fα α + MG α

α

(1.51)


51

Dynamique du solide

1.19.2

Tenseur d’inertie

« Il s’av`ere qu’avec les sujets de physique de plus en plus avanc´es, les choses se d´eduisent math´ematiquement beaucoup plus vite qu’elles ne peuvent ˆetre comprises en termes simples ou avec des concepts fondamentaux. » [11, sect. I-20-6] On d´eveloppe ici l’appareillage math´ematique qui nous permet de calculer le moment cin´etique d’un solide ´etant donn´e sa vitesse angulaire. On verra que le moment cin´etique n’est en g´en´eral pas parall`ele `a la vitesse angulaire. Cela implique la pr´esence de moments de forces exerc´es sur l’axe de rotation (§ 1.21.2). Ces moments ne peuvent pas ˆetre obtenus par une description limit´ee a l’´evolution de la projection du moment cin´etique sur l’axe de rotation. ` Soit ω la vitesse angulaire d’un solide ind´eformable, de centre de masse G, consid´er´e comme un syst`eme de points mat´eriels de masse mα aux points Pα . On choisit un syst`eme d’axes cart´esiens Gy1 y2 y3 li´e au solide. Proposition 1.21 Tenseur d’inertie. Les composantes du moment cin´etique LG , LG,i (i = 1, 2, 3), sont donn´ees en termes des composantes ωj (j = 1, 2, 3) de ω par X LG,i = IGij ωj (1.52) j

avec IGij =

X

mα GPα2 δij − GPα,j GPα,i

(1.53)

α

´monstration. On part de la d´efinition du moment cin´etique par rapport De au centre de masse (1.47) qu’on ´ecrit grˆace `a la relation vectorielle (2.1) : X LG = mα (GPα · GPα )ω − (GPα · ω)GPα α

On ´ecrit les composantes des vecteurs dans le syst`eme d’axes Gy1 y2 y3 :   X X LG,i = mα GPα2 ωi − GPα,j ωj GPα,i  α

j

 =

X α

mα GPα2

 X j

δij ωj −

X

GPα,j ωj GPα,i 

j

On reconnaˆıt dans la somme (1.52) le produit d’une matrice et du vecteur de vitesse angulaire. On notera symboliquement LG = I G ω. On appelle I G (6) le tenseur d’inertie au point G . Ses composantes en coordonn´ees cart´esiennes sont IGij . (6)

On voit ` a la section 3.21 la n´ ecessit´ e d’introduire une autre grandeur tensorielle, le tenseur des contraintes.


52

Les fondements de la m´ ecanique

Remarque. La quantit´e de mouvement et le moment cin´etique sont deux grandeurs physiques qu’on exprime chacune comme le produit d’une grandeur qui ne d´epend pas du mouvement du solide, et de grandeurs pr´ecisant la vitesse du solide. En effet, pour le solide comme pour tout syst`eme de point mat´eriel, sa quantit´e de mouvement vaut P = Mtotal V G et le calcul du moment cin´etique du solide se r´eduit ` a LG = I G ω. Le concept de tenseur reste `a d´ecouvrir. Il permet une grande simplification dans le calcul du moment cin´etique, grˆace au r´esultat suivant. Proposition 1.22 Rep`ere d’inertie. Il existe un rep`ere (G, e1 , e2 , e3 ), li´e au solide, tel que    IG1 0 0 ω1 IG2 0  ω2  IG ω =  0 0 0 IG2 ω3 Ce rep`ere est appel´e rep` ere d’inertie. Les axes passant par G et parall`eles aux vecteurs unit´es du rep`ere d’inertie sont appel´es axes principaux d’inertie. ´monstration. Le tenseur d’inertie (1.53) est une matrice r´eelle et sym´eDe trique. Un r´esultat d’alg`ebre lin´eaire implique qu’une telle matrice est diagonalisable. Le rep`ere qui diagonalise I G est un rep`ere de vecteurs propres de I G . Proposition 1.23 Orientation de LG et de ω. Le moment cin´etique LG et la vitesse angulaire ω sont align´es si et seulement si ω est parall`ele ` a un axe d’inertie. ´monstration. Si LG est parall`ele `a ω, on peut ´ecrire I G ω = λω, c’estDe a-dire, ω est un vecteur propre de I G . Invers´ement, si (G, e1 , e2 , e3 ) est un ` rep`ere d’inertie et ωk 6= 0, ωi = 0 (i 6= k), alors on a simplement : LG = I G ω = Ikk ωk e ˆk = Ikk ω Remarque. Quand les solides sont des sph`eres, des cylindres ou des tubes, (7) les axes principaux d’inertie sont les axes de sym´etrie de ces objets . On peut trouver les axes principaux d’inertie au point G en cherchant les vecteurs propres de I G (´eq. 3.15). Les ´el´ements diagonaux du tenseur d’inertie sont appel´es les moments d’inertie du solide. Un moment d’inertie a toujours la forme d’une somme de masses fois des distances au carr´e. Pour le voir, on consid`ere l’´el´ement IG33 : X IG33 = mα GPα2 − GPα,3 GPα,3 α

=

X

mα [GPα,1 GPα,1 + GPα,2 GPα,2 ]

α (7)

Voir la section 3.20 pour plus de d´ etails sur les propri´ et´ es de sym´ etrie d’un objet et de son tenseur d’inertie.


53

Dynamique du solide

On peut ´ecrire IG33 =

X

mα d2α

avec d2α = GPα,1 GPα,1 + GPα,2 GPα,2

α

d2α

est le carr´e de la distance `a l’axe 3 (fig. 1.35). y3

GPα

G dα

y2

y1

Fig. 1.35 Distance d’un point Pα a ` l’axe 3.

1.19.3

Energie cin´etique de rotation

Souvent dans la pratique, on a besoin de calculer l’´energie cin´etique d’un solide en rotation autour d’un axe fixe. La proposition suivante fournit le r´esultat. Proposition 1.24 L’´energie cin´etique d’un solide en rotation ` a la vitesse angulaire ω autour d’un axe fixe du solide est donn´ee par 1 E cin = I∆ ω 2 (1.54) 2 o` u I∆ est le moment d’inertie du solide pour cet axe, donn´e par X I∆ = mα d2α (1.55) α

Les dα sont les distances des masses mα `a l’axe (fig. 1.35). ´monstration. Pour une rotation d’axe fixe, chaque masse mα suit un De mouvement circulaire de rayon dα `a la vitesse angulaire ω. Donc sa vitesse scalaire vaut dα ω. L’´energie cin´etique s’obtient en sommant les ´energies cin´etiques de chaque masse mα , ce qui donne le r´esultat annonc´e. L’´energie cin´etique de rotation d’un solide peut prendre des valeurs ´enormes, ce qui est mis ` a profit techniquement (sect. 3.11). Il est possible d’exprimer l’´energie cin´etique d’un solide dans un mouvement quelconque en termes de son tenseur d’inertie, sa vitesse angulaire et la vitesse d’un point A du solide (voir probl`eme 5.32). E cin =

1 1 M V A2 + M V A · (ω ∧ AG) + ω · I A ω 2 2


54

Les fondements de la m´ ecanique

Applications

La dynamique du solide ind´eformable fait intervenir de fa¸con syst´ematique son moment cin´etique. Or, ce dernier peut ˆetre d´efini en un point de l’espace qu’on choisit. Par cons´equent, il est important de clarifier comment le moment cin´etique et les lois d’´evolution sont modifi´es quand on change ce point de r´ef´erence, ce qui est fait en d´etail `a la section 2.19.

1.20 20.1

1.20.1

Solide avec un axe fixe

Moment d’inertie par rapport `a un axe

On consid`ere le cas particulier o` u un point C est soit un point fixe du solide ou le centre de masse G. Soit ω la vitesse angulaire du solide. On se propose de ne prendre en compte ici que la projection du moment cin´etique du solide sur l’axe ∆ d´efini par ω. En appliquant la d´efinition du moment cin´etique en un tel point C qui est ` a la fois un point du r´ef´erentiel et un point du solide, on peut ´ecrire compte tenu de la formule (2.1) X LC = mα CPα ∧ (ω ∧ CPα ) α

=

X

mα (CPα · CPα )ω − (CPα · ω)CPα

α

La projection se calcule par produit scalaire de LC avec le vecteur unit´e Il vient ainsi X ω ω 2 LC · = ω mα CPα · CPα − CPα · ω ω α

ω ω.

On reconnaˆıt dans la somme le carr´e de la distance dα du point mat´eriel Pα `a l’axe ∆ (fig. 1.36). On a ω LC · = IC∆ ω (1.56) ω o` u la grandeur IC∆ est appel´ee le moment d’inertie du solide par rapport `a l’axe ∆ contenant C, avec X IC∆ = mα d2α (1.57) α

axe D w –– w C

da Pa

Fig. 1.36 Distance a ` l’axe d’un point Pα .


55

Solide avec un axe fixe

1.20.2

Equation d’´evolution pour les projections sur un axe fixe

On consid`ere ici des probl`emes pour lesquels un axe est d’orientation fixe et on ne s’int´eresse dans un premier temps qu’`a exploiter la projection du th´eor`eme du moment cin´etique sur cet axe. Soit u ˆ le vecteur unit´e port´e par l’axe. On a vu que la projection du moment cin´etique sur un axe de rotation avait une expression simple : ! X 2 LO · u ˆ= mα dα ω = IO∆ ω α

La formule de Steiner (2.82) nous donnait le moment d’inertie par rapport `a un axe passant par O, en fonction du moment par rapport `a un axe parall`ele passant par G : IO∆ = M d2G + IG∆ . Il ne reste plus qu’` a consid´erer maintenant la projection des moments ext´erieurs : X u ˆ · M ext ˆ OPα ∧ F α . O =u α k F⊥ α +F α

F⊥ α

Ecrivons F α = o` u est dans le plan normal `a l’axe et F kα , parall`ele ⊥ a l’axe (fig. 1.37). Seul ` `a la projection du moment selon l’axe. P F α contribue ⊥ Alors u ˆ · M ext = u ˆ · OP ∧ F . De plus, on d´ecompose le vecteur OPα = α O α α OPα0 + Pα0 Pα . Seul Pα0 Pα contribue `a la projection du moment sur l’axe si on prend pour Pα0 la projection du point Pα sur l’axe. Il reste : X X 0 ⊥ ⊥ 0 ⊥ u ˆ · M ext = u ˆ · P P ∧ F = F d sin angle P P , F α O α α α α α α α α

α

o` u dα d´enote la distance entre le point d’application de la force et l’axe. L’´equation du mouvement pour la vitesse angulaire instantan´ee est donc X ⊥ 0 F ⊥ IO∆ ω˙ = d sin angle F , P P (1.58) α α α α α α

D Pa' Pa 0

||

Fa

^

Fa

Fig. 1.37 D´ecomposition de force F α exerc´ee en Pα , faisant apparaˆıtre l’effet de manivelle bien connu.


56

Les fondements de la m´ ecanique

Exemple 1.5 Le pendule physique Un objet de forme quelconque, pesant, de masse M , oscille autour d’un axe horizontal (fig. 1.38). Soit O un point de l’objet qui est sur l’axe et G le centre de masse ` a une distance ` de O. θ (dessin´e comme ayant une valeur positive) d´ecrit l’oscillation du pendule. O

^ z

θ  G Vα

mα g

Fig. 1.38 Choix des axes et des coordonn´ees pour le pendule physique.

Prenons l’axe Oz sur l’axe du pendule, avec une direction positive donn´ee ˆ vers l’arri`ere de la figure. Alors, une composante positive de ω corpar z ˙ Le th´eor`eme du moment cin´etique projet´e respond ` a θ˙ < 0 donc ω = −θ. sur l’axe fixe devient −I∆ θ¨ = M g` sin θ Le mod`ele du pendule math´ematique revient `a poser que le solide au bout du fil est si petit que l’on peut faire l’approximation I∆ ≈ M `2 , et l’´equation du mouvement dans cette limite est bien celle du pendule math´ematique.

Exemple 1.6 Le treuil L’axe d’un treuil est fixe. On suppose que le centre de masse G est sur l’axe et le moment d’inertie IG est connu. Un seau d’une masse m est suspendu a une corde sans masse enroul´ee autour du treuil. Soit u ` ˆ le vecteur unit´e parall`ele ` a l’axe du treuil. Le syst`eme comprenant le treuil et le seau est sujet ` a un moment en G des forces ext´erieures M ext ˆ. Le moment G = mgR u cin´etique en G du syst`eme est la somme du moment cin´etique du solide et de celui du seau. Ainsi l’´equation du mouvement pour la vitesse angulaire du treuil ω est : IG ω˙ + mR2 ω˙ = Rmg (1.59)

Application

Dans cette classe de probl`emes o` u le solide a un axe de rotation fix´e dans le r´ef´erentiel, le moment cin´etique s’exprime en fonction du moment d’inertie du solide pour cet axe. A la section 2.20, on montre comment calculer un tel moment d’inertie pour quelques formes ´el´ementaires.


57

Mouvement quelconque du solide

1.21 1.21.1

Mouvement quelconque du solide

Equations d’Euler

21.1

Il s’agit ici de d´evelopper une description math´ematique des effets gyroscopiques dont on verra aussi une analyse qualitative `a la section 2.21. On veut donc expliciter les ´equations d’´evolution pour le moment cin´etique en termes de ses projections sur le rep`ere d’inertie li´e au solide. Concr`etement, on veut expliciter dLG /dt = M ext u G est le centre de G o` masse. Le moment cin´etique s’obtient avec LG = IG ω o` u IG est le tenseur d’inertie (§ 1.19.2). En g´en´eral, on ne connaˆıt que les moments d’inertie par rapport aux axes principaux d’inertie. Par cons´equent, on projette les grandeurs vectorielles dans un rep`ere d’inertie G, εˆ1 , εˆ2 , εˆ3 li´e au solide (fig. 1.39). x3

O

G

x2

εˆ3

εˆ2 x1 εˆ1

Fig. 1.39 R´ef´erentiel et solide quelconque avec un rep`ere d’inertie.

Ainsi, il vient LG = L1 εˆ1 + L2 εˆ2 + L3 εˆ3 = I1 ω1 εˆ1 + I2 ω2 εˆ2 + I3 ω3 εˆ3 On pourrait ´ecrire : 

  L1 I1 L2  =  0 L3 0

0 I2 0

    0 ω1 I1 ω1 0  ω2  = I2 ω2  I3 ω3 I3 ω3

Le danger de cette notation est le risque d’oublier que le rep`ere n’est pas immobile ! Pour calculer la d´eriv´ee par rapport au temps du moment cin´etique, il faut explicitement invoquer celle des vecteurs unit´es : dLG = I1 ω˙ 1 εˆ1 + I2 ω˙ 2 εˆ2 + I3 ω˙ 3 εˆ3 + I1 ω1 εˆ˙1 + I2 ω2 εˆ˙2 + I3 ω3 εˆ˙3 dt Le rep`ere (G, εˆ1 , εˆ2 , εˆ3 ), parce qu’il est li´e au solide, subit une rotation de vitesse angulaire : ω = ω1 εˆ1 + ω2 εˆ2 + ω3 εˆ3 . Les relations de Poisson (1.8) donnent εˆ˙1 = −ω2 εˆ3 + ω3 εˆ2 εˆ˙2 = −ω3 εˆ1 + ω1 εˆ3 εˆ˙3 = −ω1 εˆ2 + ω2 εˆ1


58

Les fondements de la m´ ecanique

En regroupant tous les termes, il vient dLG = I1 ω˙ 1 εˆ1 + I2 ω˙ 2 εˆ2 + I3 ω˙ 3 εˆ3 + (I3 − I2 )ω2 ω3 εˆ1 dt + (I1 − I3 )ω1 ω3 εˆ2 + (I2 − I1 )ω2 ω1 εˆ3

(1.60)

Si ω est constant par rapport au rep`ere d’inertie, c’est-`a-dire ω˙ i = 0, alors il reste simplement dLG = ω ∧ LG (1.61) dt On appelle ´ equations d’Euler les ´equations du mouvement du moment cin´etique sous la forme ext I1 ω˙ 1 + (I3 − I2 )ω3 ω2 = MG 1 ext I2 ω˙ 2 + (I1 − I3 )ω1 ω3 = MG 2

I3 ω˙ 3 + (I2 − I1 )ω2 ω1 = 1.21.2

(1.62)

ext MG 3

Moments exerc´es sur un axe fixe

L’´equation du mouvement obtenue pour un solide avec un axe fixe (§ 1.20.2) IO∆ ω˙ = u ˆ · M ext O

(1.63)

n’exprime pas toute l’information sur la dynamique de ce solide. Les consid´erations qui suivent permettent de s’en rendre compte pleinement. Probl`emes de type « roue mal ´equilibr´ee » On se pose la question de savoir quel est le moment qu’un axe doit appliquer a un solide en rotation autour de cet axe et par cons´equent, quelles sont les `

Fig. 1.40 Un solide est en rotation autour d’un axe qui est maintenu vertical par trois ressorts. Ainsi, selon la sym´etrie du solide par rapport a ` cet axe, on voit s’il y a un moment exerc´e par les ressorts sur cet axe.


59

Mouvement quelconque du solide

forces de r´eaction exerc´ees sur l’axe pour que celui-ci reste fixe (voir exp´erience de la figure 1.40). Cette question n´ecessite l’usage du tenseur d’inertie complet, mˆeme s’il s’agit d’un probl`eme avec un axe fixe. On consid`ere le cas concret suivant, qui repr´esente un cas particulier de roue mal ´equilibr´ee. Posons ω constant le long de u ˆ, dans une direction qui n’est pas un axe principal d’inertie (fig. 1.41). ê3 D

q

G

w ê1

ê2

Fig. 1.41 Axe ∆ fix´e, vitesse angulaire ω, le rep`ere est choisi pour avoir ω dans le plan G e ˆ1 e ˆ3 .

On choisit l’axe Gy3 comme ´etant l’axe de sym´etrie de la roue. On choisit un rep`ere d’inertie de la mani`ere particuli`ere suivante. On choisit l’axe Gy1 comme celui qui est dans le plan form´e par l’axe Gy3 et ω. Ainsi, dans ce rep`ere :   ω sin θ  0 ω= ω cos θ et le tenseur d’inertie a la forme 

IG

I⊥ = 0 0

0 I⊥ 0

 0 0  Ik

Il en d´ecoule LG = I⊥ ω sin θˆ e1 + Ik ω cos θˆ e3 . La d´eriv´ee par rapport au temps s’obtient en invoquant les formules de Poisson : dLG = I⊥ ω sin θ ω ∧ e ˆ1 + Ik ω cos θ ω ∧ e ˆ3 dt On calcule alors

ω∧e ˆ1 =

ω∧e ˆ3 =

e ˆ1 e ˆ2 e ˆ3

ω sin θ 0 ω cos θ

e ˆ1 e ˆ2 e ˆ3

ω sin θ 0 ω cos θ

= ω cos θ e ˆ2

0

0

= −ω sin θ e ˆ2 1

1 0 0


60

Les fondements de la m´ ecanique

Il vient

dLG ω2 = (I⊥ − Ik ) sin 2θ e ˆ2 = M G (1.64) dt 2 On en d´eduit que le moment M G est non nul en g´en´eral. Le moment est nul si θ = 0 ou si (I⊥ − Ik ) = 0, ce qui revient `a dire que le tenseur est isotrope (tous les moments d’inertie du tenseur diagonal sont ´egaux). Attention, l’expression (1.64) semble ind´ependante du temps, mais en fait le moment tourne avec la roue, les forces sur l’axe qui correspondent `a ce moment ne sont donc pas constantes, d’o` u les secousses observ´ees. Application

L’´elaboration des ´equations du mouvement pour un solide ind´eformable peut demander un travail consid´erable. Il est toutefois possible de saisir l’essentiel des ph´enom`enes observ´es avec des solides par une discussion qualitative (sect. 2.21) bas´ee sur les ´equations de la dynamique. Les ´equations du mouvement pour des effets gyroscopiques sont explicit´ees pour plusieurs cas ` a la section 5.7. Un petit montage (probl`eme 5.40) met en ´evidence des effets gyroscopiques mˆeme en l’absence d’une rotation propre de grande vitesse angulaire. Une certaine forme de stabilit´e des rotations des solides libres est examin´ee (probl`eme 5.41). La toupie avec frottement au point d’appui clˆ ot cette s´erie d’exemples (probl`eme 5.42).

1.22 22.1

1.22.1

Principe de relativit´e

La relativit´e de Galil´ee

A la section 1.15 la question s’est pos´ee d’exprimer l’acc´el´eration d’un point mat´eriel en se r´ef´erant ` a des coordonn´ees attach´ees `a un r´ef´erentiel dit « relatif », en rotation et en translation relativement `a un r´ef´erentiel dit « absolu ». On a alors ´etabli la relation que voici : ˙ ∧ AP aa (P ) = aa (A) + ar (P ) + 2Ω ∧ v r (P ) + Ω ∧ (Ω ∧ AP ) + Ω dans laquelle l’indice a se rapporte au r´ef´erentiel absolu et l’indice r au r´ef´erentiel relatif. Le symbole P d´esigne le point mat´eriel consid´er´e et le symbole A d´esigne l’origine des coordonn´ees attach´ees au r´ef´erentiel relatif. Enfin Ω d´esigne le vecteur de vitesse angulaire du r´ef´erentiel relatif par rapport au r´ef´erentiel absolu. C’est sur la base d’exp´eriences ´el´ementaires, telles que celle du jet d’eau en rotation, du feutre d´epos´e sur une table tournante et du pendule plac´e dans un train, qu’on a acquis la conviction que l’on ne peut pas appliquer la relation F = ma dans tout r´ef´erentiel pour une mod´elisation donn´ee de la force appliqu´ee F . Cependant, en absence de mouvement de rotation, Ω = 0, et en absence d’acc´el´eration du r´ef´erentiel relatif, aa (A) = 0 ; il d´ecoule de la relation pr´ec´edente l’´egalit´e des acc´el´erations ar (P ) = aa (P ). Dans ces conditions la


Principe de relativit´ e

61

mˆeme loi du mouvement avec les mˆemes forces s’applique pour tous les r´ef´erentiels en translation uniforme par rapport au r´ef´erentiel absolu, et par suite, en translation uniforme les uns par rapport aux autres. Cette derni`ere affirmation constitue un principe de relativit´ e . Il fut ´enonc´e pour la premi`ere fois par Galil´ee (fig. 1.42). Pour illustrer ce principe par un exemple, Galil´ee proposait de consid´erer la situation suivante. Des mouches sont enferm´ees dans un bol transparent. On observe que les mouches y volent en tout sens sans que se manifeste une direction privil´egi´ee. Consid´erons maintenant le mˆeme bol plac´e dans un bateau avan¸cant ` a vitesse constante le long d’un rivage. On constate de nouveau que les mouches y volent en tout sens sans que se manifeste une direction privil´egi´ee. Rien du mouvement des mouches ne nous permet de dire si le bateau se meut ` a vitesse constante ou s’il est immobile par rapport au rivage.

Fig. 1.42 Galil´ee (1564-1642).

Galil´ee ´enonce aussi le principe d’inertie : un corps ne subissant pas de force suit un mouvement rectiligne uniforme. La perspective historique montre que ce principe n’est pas ´evident. Les Grecs avaient ´enonc´e le principe inverse : le mouvement cesse d`es que cesse la cause qui lui a donn´e naissance. Au vu des consid´erations sur le mouvement relatif, il est clair que le principe de relativit´e de Galil´ee concerne les r´ef´erentiels d’inertie. La premi`ere loi de Newton se comprend alors non pas comme une propri´et´e des objets en mouvement, mais comme une propri´et´e des r´ef´erentiels. On notera que la propri´et´e d’ˆetre un r´ef´erentiel d’inertie peut ˆetre test´ee localement, dans le r´ef´erentiel lui-mˆeme ! Soulignons en outre l’observation que voici. Lorsqu’un r´ef´erentiel relatif est a la fois en translation (et sans mouvement de rotation) par rapport `a un r´ef´e`


62

Les fondements de la m´ ecanique

rentiel d’inertie et qu’il est de plus en chute libre dans un champ gravitationnel caract´eris´e par une acc´el´eration g, alors l’origine A du r´ef´erentiel relatif pr´esente un mouvement en accord avec l’´equation de Newton aa (A) = g. Ainsi, pour tout point mat´eriel de masse m vu du r´ef´erentiel relatif subissant le mˆeme champ gravitationnel, il vient maa (P ) = maa (A) + mar (P ) = mg + F autre Subsiste donc l’´egalit´e mar (P ) = F autre . En d’autres termes la pesanteur n’a aucune influence sur le mouvement relatif `a ce r´ef´erentiel en chute libre, ou sur le mouvement relatif de tout autre r´ef´erentiel en translation uniforme par rapport ` a celui-ci. Ce sont de tels r´ef´erentiels, en translation les uns par rapport aux autres, qui seront consid´er´es d`es maintenant dans la suite de ce chapitre. L’usage habituel veut que l’on associe `a chaque r´ef´erentiel un syst`eme d’axes cart´esiens pour fixer la position des objets. On est ainsi amen´e `a consid´erer deux syst`emes de coordonn´ees cart´esiennes associ´es `a des r´ef´erentiels en translation uniforme de vitesse v l’un par rapport `a l’autre (fig. 1.44). La coordonn´ee x est associ´ee ` a un axe orient´e dans le sens de cette derni`ere vitesse et les axes des deux r´ef´erentiels sont respectivement parall`eles entre eux. 1.22.2

Le principe de relativit´e d’Einstein

Dans son fameux article paru en 1905, A. Einstein postule la validit´e du principe de relativit´e pour toutes les lois de la physique, y compris celles de la m´ecanique. De plus, il formule l’hypoth`ese que les constantes physiques fondamentales, telles que la vitesse de la lumi`ere et la charge de l’´electron, poss`edent des valeurs identiques quel que soit le r´ef´erentiel d’inertie consid´er´e.

Fig. 1.43 Albert Einstein, 1879-1955


63

Principe de relativit´ e

Bien entendu une telle hypoth`ese n’a de sens que si l’on pr´ecise que ces grandeurs sont suppos´ees mesur´ees `a l’aide d’instruments construits par des proc´edures identiques dans chaque r´ef´erentiel, ou alors construits de mani`ere similaire dans un r´ef´erentiel particulier et transport´es dans un autre d’une mani`ere pr´ecautionneuse, de telle mani`ere `a minimiser l’acc´el´eration qu’ils subissent et le temps pendant lequel ils subissent cette acc´el´eration. Que l’on pense ici ` a une horloge et ` a une r`egle ´etalon de longueur s’il s’agit de l’invariance de la vitesse de propagation de la lumi`ere dans le vide. On le constate donc, il faut commencer par faire l’hypoth`ese de l’invariance des appareils de mesure pour constater l’invariance des grandeurs fondamentales de la physique. Donc la seule chose que l’on peut effectivement tester c’est l’absence de contradiction dans une telle d´emarche, autrement dit que l’hypoth`ese de l’invariance des appareils de mesure entraˆıne bien l’observation de l’invariance des grandeurs fondamentales [12, p. 60]. Einstein faisait remarquer : « Si, sans trop me faire de scrupule et sans entrer dans des explications d´etaill´ees, je d´efinis la tˆache de la M´ecanique dans les termes suivants : La M´ecanique doit d´ecrire comment les corps changent de lieu avec le temps ; je charge ma conscience de quelques p´ech´es mortels contre le saint esprit de la clart´e, et ces p´ech´es doivent tout d’abord ˆetre d´evoil´es. » [13] En m´ecanique newtonienne, si on consid`ere deux r´ef´erentiels mat´erialis´es par les syst`emes de coordonn´ees cart´esiennes de la figure 1.44, la relation entre les deux syst`emes de coordonn´ees est donn´ee par les ´egalit´es suivantes : x0 = x − vt y0 = y

(1.65)

z0 = z z

z'

y

y'

x

x' v

Fig. 1.44 Deux syst`emes de coordonn´ees associ´es a ` deux r´ef´erentiels en translation uniforme l’un par rapport a ` l’autre.

Le passage d’un tel syst`eme de coordonn´ees `a l’autre, c’est-`a-dire le passage des coordonn´ees d´ecrivant la position d’un objet dans l’un des syst`emes aux coordonn´ees d´ecrivant la position du mˆeme objet dans l’autre syst`eme, est appel´e transformation de Galil´ ee. La loi de la composition des vitesses s’obtient lors du d´eveloppement de la cin´ematique du mouvement relatif. Pour le cas pr´esent et en se limitant `a la direction x, on obtient la relation x˙ 0 = x−v. ˙ Au tournant du xxe si`ecle, H. A. Lorentz et H. Poincar´e d´etermin`erent la loi de transformation des champs ´electriques et magn´etiques et des coordonn´ees


64

Les fondements de la m´ ecanique

pr´eservant les lois de l’´electromagn´etisme lors d’un changement de r´ef´erentiel. H. Poincar´e et H. A. Lorentz sont parvenus `a la conclusion qu’il ´etait n´ecessaire d’introduire pour chaque r´ef´erentiel une coordonn´ee « temps » qui lui est propre. En accord avec les conventions d’´ecriture adopt´ees dans la figure 1.44 et en accord avec la convention qui concerne les temps t et t0 associ´es `a chaque r´ef´erentiel, les relations entre les coordonn´ees, appel´ees transformations de Lorentz , sont alors de la forme suivante [14] : t − v/c2 x x − vt 0 0 p p x = t = (1.66) 1 − v 2 /c2 1 − v 2 /c2 Dans ces relations le symbole c d´esigne la vitesse de la lumi`ere dans le vide. Dans le but d’all´eger l’´ecriture, il est fr´equent d’adopter les conventions d’´ecriture suivantes : β=

v c

γ=p

1 1 − v 2 /c2

(1.67)

Application

On voit ` a la section 2.22 que l’application na¨ıve du principe de relativit´e d’Einstein ` a la propagation d’une impulsion lumineuse conduit `a un paradoxe. Celui-ci sera ´elucid´e ci-dessous par le fait que la loi de composition des vitesses doit ˆetre radicalement revue. De plus, un argument heuristique montre que la simultan´ eit´ e constat´ee dans un r´ef´erentiel peut ne pas l’ˆetre dans un autre.

1.23 23.1

1.23.1

Cin´ematique relativiste

Les transformations de Lorentz

Parmi les conditions que doit satisfaire la transformation de Lorentz, la premi`ere est impos´ee par l’homog´en´eit´e de l’espace et du temps. Donc la forme de la transformation de Lorentz ne d´epend pas du choix de l’origine des coordonn´ees ni du choix de l’origine de l’´echelle de temps. En d’autres termes la transformation de Lorentz est invariante par translation dans l’espace et dans le temps. Cela implique que cette transformation est une transformation affine. Exemple 1.7 Imaginons un g´en´erateur d’impulsions lumineuses, immobile relativement `a un r´ef´erentiel R et situ´e ` a l’origine x = 0 des coordonn´ees attach´ees `a ce r´ef´erentiel. Ce g´en´erateur ´emet successivement des impulsions `a intervalles de temps constants. Observ´ees d’un r´ef´erentiel R0 , relativement auquel ce g´en´erateur est en mouvement, les impulsions lumineuses apparaˆıtront comme s´epar´ees par des intervalles de temps constants si la transformation qui lie les coordonn´ees attach´ees aux deux r´ef´erentiels est affine. Dans le cas contraire, ces intervalles de temps ne seraient pas constants.


Cin´ ematique relativiste

65

On dispose d’un exemple simple d’une telle situation lorsque la loi de transformation est de la forme t0 = At2 , o` u A d´esigne une constante. Des impulsions lumineuses produites aux instants t = 1, 2, 3 dans le r´ef´erentiel R sont observ´ees aux instants t0 = A, 4A, 9A dans le r´ef´erentiel R0 . Or le choix que l’on fait de l’origine du temps ne devrait en rien affecter le comportement physique du dispositif utilis´e. Si la transformation qui lie les coordonn´ees et les temps associ´es aux deux r´ef´erentiels n’´etait pas affine, les intervalles de temps deviendraient d´ependants du choix de l’origine de l’´echelle du temps, ce qui n’est pas acceptable. Consid´erons maintenant les coordonn´ees qui sont orthogonales `a la vitesse relative des deux r´ef´erentiels (fig. 1.44). Montrons que pour ces coordonn´ees on peut toujours imposer les conditions y 0 = y ; z 0 = z. Pour s’en convaincre imaginons disposer d’un r´eseau form´e de barreaux servant d’´etalons de longueur, align´es l’un suivant l’autre et orient´es selon la direction fix´ee par l’axe Oy. Le mˆeme dispositif est alors r´ep´et´e translat´e selon les mˆemes intervalles r´eguliers par rapport ` a l’axe Ox. On obtient ainsi un r´eseau de points ´equidistants form´es de carr´es adjacents. Imaginons encore qu’un r´eseau similaire est attach´e au r´ef´erentiel R0 en mouvement de translation uniforme par rapport au r´ef´erentiel R. Si, ´etant plac´e dans le r´ef´erentiel R0 , on ´etait amen´e `a conclure que l’´etalon de longueur dans le r´ef´erentiel R est plus court que celui du r´ef´erentiel R0 que l’on occupe, alors on est contraint d’en conclure que l’inverse, lorsqu’on ´echange les rˆ oles des r´ef´erentiels, est ´egalement vrai. On est ainsi conduit `a une contradiction. Il est donc n´ecessaire que les longueurs des ´etalons co¨ıncident. Le caract`ere de transformation affine impos´ee `a la transformation de Lorentz nous am`ene donc ` a postuler en toute g´en´eralit´e une loi de transformation de la forme x0 = Ax + Bt y0 = y z0 = z (1.68) t0 = Cx + Dt Dans ces derni`eres relations il est bien sˆ ur sous-entendu que les coefficients A, B, C, D d´ependent de la vitesse v du r´ef´erentiel R0 relativement au r´ef´erentiel R (conventionnellement d´esign´e comme ´etant immobile ; fig. 1.44). Dans les relations (1.68), l’origine O0 , de coordonn´ee x0 = 0, attach´ee au r´ef´erentiel R0 occupe la position x = 0 `a l’instant t = 0 relativement au r´ef´erentiel R. La vitesse avec laquelle cette origine O0 se d´eplace relativement `a ce r´ef´erentiel R est v. Selon les relations (1.68) la vitesse de d´eplacement de x l’origine O0 vaut xt = − B A . Or cette vitesse doit avoir la valeur t = v et par cons´equent : B = −vA (1.69) Consid´erons maintenant l’inverse de la transformation (1.68). Elle se d´etermine ais´ement. Posons d’abord ∆ = AD − BC

(1.70)


66

Les fondements de la m´ ecanique

Cette transformation inverse s’´ecrit alors Dx0 − Bt0 ∆ −Cx0 + At0 t= ∆ x=

(1.71)

comme on le v´erifie ais´ement. Selon cette derni`ere relation la vitesse de l’origine O, de coordonn´ee x = 0, du r´ef´erentiel R relativement au r´ef´erentiel R0 a pour 0 B expression xt0 = D . Jusqu’ici on a ´evoqu´e l’homog´en´eit´e de l’espace. Il convient maintenant de faire intervenir l’isotropie de ce dernier comme il suit. Si dans les r´ef´erentiels R et R0 on convient d’orienter les axes Ox et O0 x0 de mani`ere oppos´ee, alors la loi de transformation (1.68) correspond `a la transformation pour une vitesse −v de R0 par rapport ` a R. x0 = Ax − Bt t0 = −Cx + Dt En vertu du principe de relativit´e cette loi de transformation ne doit pas diff´erer de la loi de transformation (1.71), les rˆoles des variables (x, t) et x0 , t0 ´etant ´echang´es (fig. 1.45). Autrement dit, il est n´ecessaire que les conditions suivantes soient satisfaites : D =A ∆

B =B ∆

C =C ∆

et

A =D ∆

Par cons´equent, il faut et il suffit que A=D

et

∆=1

(1.72)

Il d´ecoule imm´ediatement de ces derni`eres ´egalit´es que la vitesse de l’origine O, de coordonn´ee x = 0, du r´ef´erentiel R relativement au r´ef´erentiel R0 , a pour valeur −v. En effet il d´ecoule des ´egalit´es pr´ec´edentes que v0 =

x0 B B = = = −v t0 D A

(1.73)

Jusqu’ici les conditions qui ont ´et´e impos´ees sont identiques `a celles que l’on impose ` a la loi de transformation de Galil´ee. D´egageons maintenant les cons´equences de la condition d’invariance de la vitesse de la lumi`ere. Il d´ecoule imm´ediatement de la loi de transformation (1.68) que la vitesse u0 , vue du r´ef´erentiel R0 , pour un point anim´e d’une vitesse u par rapport au r´ef´erentiel R, est donn´ee par l’expression u0 =

Au + B u−v = Cu + D u C/A + 1

Donc l’invariance de la vitesse de la lumi`ere impose la condition restrictive suppl´ementaire suivante : c=

c−v v =⇒ C = −A 2 c C/A + 1 c


67

Cin´ ematique relativiste

y

y

L x

x

y

y L

−1

x

x

x

x

L∗

y

y

y

y L∗ x

x

Fig. 1.45 Dans la configuration de la figure 1.44 on d´efinit L et son inverse L−1 . On d´efinit alors L∗ pour des axes obtenus par inversion. On reproduit ce dessin apr`es une rotation de 180 degr´e. On constate que L−1 ≡ L∗ pour autant qu’on intervertisse les coordonn´ees avec et sans primes.

Finalement cette restriction a pour premi`ere cons´equence que la loi de la composition des vitesses prend la forme u0 =

u−v 1 − uv/c2

(1.74)

La seconde cons´equence est que l’´egalit´e ∆ = 1 entraˆıne les ´egalit´es qui suivent : v2 1 ∆ = AD − BC = 1 − 2 A2 = 1 =⇒ A = ± p c 1 − v 2 /c2 Il d´ecoule donc des r´esultats qui viennent d’ˆetre ´etablis que la loi de transformation des coordonn´ees (1.68) prend la forme finale que voici : x − vt x0 = p 1 − v 2 /c2 y0 = y

z0 = z 2

t − vx/c t0 = p 1 − v 2 /c2

(1.75)


68

1.23.2

Les fondements de la m´ ecanique

Mesure de l’intervalle espace-temps

De mani`ere ` a pouvoir raisonner ais´ement dans le cadre de cette nouvelle cin´ematique, o` u le temps joue un rˆole si diff´erent de celui qu’il joue dans notre sch´ema de pens´ee habituel, nous allons adopter l’usage qui consiste `a consid´erer non plus des points de l’espace, mais des ´ev´enements caract´eris´es par un lieu et par un instant. Dans ce sch´ema conceptuel le temps qui situe un ´ev´enement prend ainsi le rˆ ole d’une coordonn´ee qui vient s’ajouter aux 3 coordonn´ees qui situent l’endroit auquel l’´ev´enement s’est produit. Un ´ev´enement est donc caract´eris´e par 4 coordonn´ees (x, y, z, t) ou encore par un point dans un espace a 4 dimensions appel´e espace-temps. Attirons toutefois l’attention du lecteur ` sur le fait que la notion d’espace-temps fournit le cadre d’un usage tr`es commode sur le plan formel. On n’est pas ici en train d’assimiler l’espace-temps au cadre dans lequel se d´eroulent les ph´enom`enes physiques, contrairement `a ce que certains ´ecrits populaires ont tent´e de nous faire croire durant la premi`ere moiti´e du xxe si`ecle. Le concept math´ematique d’espace-temps permet d’introduire de nouvelles notions de distance spatio-temporelle qui vont jouer un rˆole extrˆemement important sur le plan pratique. En voici les d´efinitions. Soient deux ´ev´enements A et B de coordonn´ees (xA , yA , zA , tA ) et (xB , yB , zB , tB ) relativement ` a un r´ef´erentiel R et soit p (1.76) ∆AB = (xA − xB )2 + (yA − yB )2 + (zA − zB )2 la distance spatiale qui les s´epare. Ces deux ´ev´enements sont dits s´epar´es par un intervalle du genre temps lorsque ∆AB < c|tA − tB |. En revanche ils sont dits s´epar´es par un intervalle du genre espace lorsque ∆AB > c|tA − tB |. Lorsque les ´ev´enements A et B sont s´epar´es par un intervalle du genre temps on appelle mesure de cet intervalle (ou encore distance spatio-temporelle du genre temps) entre ces ´ev´enements la dur´ee τAB fournie par l’expression : τAB =

1 c

q

c2 (tA − tB )2 − ∆2AB

(1.77)

On appelle temps propre le temps ´ecoul´e entre deux ´ev´enements observ´es du r´ef´erentiel o` u ∆AB = 0. Lorsque les ´ev´enements A et B sont s´epar´es par un intervalle du genre espace on appelle mesure de cet intervalle (ou encore distance spatio-temporelle du genre espace) entre ces ´ev´enements, la distance dAB d´efinie comme suit : q (1.78) dAB = ∆2AB − c2 (tA − tB )2 Au sujet de ces d´efinitions deux remarques peuvent ˆetre faites. La premi`ere concerne la limite non relativiste des notions qui pr´ec`edent. A la limite non relativiste, lorsque la vitesse de la lumi`ere c est suppos´ee infinie, les mesures


Cin´ ematique relativiste

69

d’un intervalle ne sont autres que la dur´ee τAB = |tA − tB | et la distance spatiale dAB = ∆AB qui s´epare deux ´ev´enements simultan´es. Dans cette limite on retrouve donc les invariants galil´eens que sont la dur´ee d’un intervalle de temps et la distance spatiale qui s´epare deux points. La deuxi`eme remarque que l’on souhaite formuler concerne le langage usuellement adopt´e dans beaucoup d’ouvrages et qui consiste `a d´esigner de mani`ere abr´eg´ee la mesure d’un intervalle d’espace-temps par l’expression raccourcie d’intervalle. Dans la suite de cet ouvrage c’est la terminologie que nous voulons adopter car le pr´esent contexte est tel qu’il ne permet pas de confusion. L’int´erˆet des notions d’intervalles introduites pr´ec´edemment r´eside dans le fait de la proposition qui suit. Proposition 1.25 Invariance de l’intervalle spatio-temporel. L’intervalle d’espace-temps, autrement dit les grandeurs τAB ou dAB poss`edent des valeurs qui sont ind´ependantes du r´ef´erentiel d’inertie choisi ou alors, comme on le dit parfois, ces grandeurs sont des invariants relativistes. ´monstration. Pour v´erifier cette affirmation, il suffit d’appliquer la transDe formation de Lorentz (1.66) aux d´efinitions (1.77) et (1.78), moyennant quelques manipulations alg´ebriques. Inversement, si l’on exige simultan´ement l’invariance de tout intervalle d’espace-temps de mˆeme que la lin´earit´e de la loi de transformation qui lie les coordonn´ees associ´ees aux r´ef´erentiels, on est amen´e `a en conclure que cette derni`ere transformation est une transformation de Lorentz [12, sect. L4-L6]. Les paradoxes cin´ematiques apparents abondent en relativit´e restreinte. Ils proviennent g´en´eralement de l’habitude de penser la simultan´eit´e en terme d’absolu, donc une notion ind´ependante du r´ef´erentiel auquel on se r´ef`ere. Il est souvent plus ais´e de d´evelopper une vision claire en faisant usage de la notion d’intervalle d’espace-temps pr´ec´edemment introduite et du caract`ere invariant relativiste de cette derni`ere notion. 1.23.3

Composition des vitesses

Consid´erons ` a nouveau les deux r´ef´erentiels R et R0 de la figure 2.85. La relation entre les vitesses dx0 dx vx0 = 0 et vx = dt dt d’un mˆeme objet vu de ces deux r´ef´erentiels est donn´ee par vx 0 =

vx − v 1 − v · vx /c2

(1.79)

En effet, par le biais des transformations de Lorentz, on peut d´eterminer la loi de composition des vitesses relatives `a ces deux r´ef´erentiels `a l’aide de la forme diff´erentielle des relations (1.66) que voici : dt − v/c2 dx dx − v dt 0 0 dx = p dt = p 1 − v 2 /c2 1 − v 2 /c2


70

Les fondements de la m´ ecanique

Ainsi vx 0 =

dx0 dx − v dt vx − v = = dt0 dt − (v/c2 ) dx 1 − v vx /c2

La transformation de Galil´ee, quant `a elle, impliquait simplement l’addition des vitesses. La cin´ematique a donc profond´ement chang´e ! Exemple 1.8 Consid´erons l’exemple d’une particule qui se d´eplacerait `a la vitesse de la lumi`ere. Dans ces conditions : vx = c vx 0 =

c−v =c 1 − v/c

C’est bien ce que l’on avait initialement impos´e pour la vitesse de la lumi`ere !

Exemple 1.9 Consid´erons deux particules qui entrent en collision avec des vitesses vx0 = 0,9 c et vx0 = −0,9 c relativement `a un r´ef´erentiel R0 . Quelle est alors la vitesse relative d’une particule par rapport `a l’autre ? Prenons pour R le r´ef´erentiel par rapport auquel l’une des particules est au repos. R0 a la vitesse V = 0,9 c par rapport `a R. Par rapport `a R, l’autre particule pr´esente la vitesse : vx0 + V 1,8 · c vx = = = 0,994 · c 2 1 + vx0 V /c 1 + (0,9)2

Application

Ainsi, des arguments de sym´etrie parfaitement raisonnables sur des consid´erations d’ordre m´ecanique ont permis d’aboutir aux transformations de Lorentz, qui avaient ´et´e obtenues en consid´erant la question du changement de r´ef´erentiel en ´electrodynamique. Ces consid´erations donnent lieu `a des effets cin´ematiques connus comme « la contraction des longueurs » et « la dilatation du temps », d´ecrits ` a la section 2.23.

1.24 24.1

Aper¸cu de dynamique relativiste

Dans cette tr`es br`eve introduction aux notions de dynamique en relativit´e restreinte, on va chercher ` a acqu´erir un sens de l’origine et de la signification de la fameuse ´equation E = mc2 . On prendra conscience aussi du contexte th´eorique correct qui donne lieu ` a l’ou¨ı-dire (incorrect) selon lequel, en relativit´e, « la masse d´epend de la vitesse ».


Aper¸cu de dynamique relativiste

71

Dans le cadre de la cin´ematique relativiste, nous avons introduit la notion d’´ev´enement, chaque ´ev´enement ´etant caract´eris´e, par rapport `a un r´ef´erentiel, par un lieu et par un temps. Ensuite, nous avons introduit la notion d’intervalle d’espace-temps entre deux ´ev´enements. Avec les relations (1.77) et (1.78) on associe une mesure aux intervalles d’espace-temps et cette mesure est un invariant relativiste, autrement dit, il ne d´epend pas du r´ef´erentiel auquel on se r´ef`ere. Dans un diagramme espace-temps deux ´ev´enements sont repr´esent´es par deux points. Un vecteur position de l’espace-temps con¸cu comme un espace vectoriel poss`ede une composante temporelle x0 = ct et trois composantes spatiales x = (x1 , x2 , x3 ). On dispose ainsi d’un espace vectoriel de dimension 4. On convient d’appeler un quadri-vecteur position un vecteur (x0 , x1 , x2 , x3 ) de cet espace. On a vu que la « m´etrique », qui dans la litt´erature est souvent d´esign´ee du terme de pseudo-m´etrique, dont il convient de munir cet espacetemps afin de mesurer des intervalles d’espace-temps, est bas´ee sur la forme quadratique invariante : −(x0 )2 + x2 = −c2 t2 + x2 Lorsque deux ´ev´enements sont s´epar´es par un intervalle du genre temps, la valeur de cette forme quadratique est n´egative. La mesure de l’intervalle qui les s´epare est alors donn´e par l’expression invariante (1.77). Par contre, lorsque ces ´ev´enements sont s´epar´es par un intervalle du genre espace, la forme quadratique ci-dessus est positive et la distance invariante qui les s´epare est donn´ee par l’expression (1.78). 1.24.1

L’´energie-quantit´e de mouvement en relativit´e

Il s’agit maintenant de reformuler les lois de la m´ecanique de mani`ere `a les rendre compatibles avec les transformations de Lorentz et avec l’interpr´etation qui leur est attribu´ee dans le cadre de la th´eorie de relativit´e restreinte. Dans ce but, commen¸cons par remarquer que la relation bien connue p = mv = m

dx dt

(1.80)

entre la quantit´e de mouvement et la vitesse sur laquelle est fond´ee la m´ecanique newtonienne doit ˆetre d’autant plus exacte que la vitesse v est, en norme, beaucoup plus faible que la vitesse de la lumi`ere. En fait, cette consid´eration ne nous laisse aucune libert´e de choix car elle est vraie quel que soit le r´ef´erentiel d’inertie consid´er´e. La seule forme que peut adopter la relation qui pr´ec`ede dans le cadre relativiste est celle ` a laquelle on est conduit en y rempla¸cant le temps par le temps propre associ´e au point mat´eriel consid´er´e. Cette forme est donc la suivante : dx p=m (1.81) dτ Le symbole m d´esigne la masse du point mat´eriel, cette masse ´etant une constante physique attach´ee a` ce point mat´eriel. Rappelons que le temps propre


72

Les fondements de la m´ ecanique

est un invariant et que, par cons´equent, la relation pr´ec´edente a une contrepartie temporelle qui est n´ecessairement de la forme p0 = m

d(ct) dt = mc dτ dτ

(1.82)

Or rappelons-le, vu (2.97) : dt 1 =p dτ 1 − v 2 /c2

(1.83)

et dans ces conditions : p0 m m v2 =p =m+ + ··· c 2 c2 1 − v 2 /c2 Ainsi la grandeur p0 c co¨ıncide `a faible vitesse avec l’´energie cin´etique galil´eenne au terme additif mc2 pr`es. Il convient donc d’interpr´eter dor´enavant cette derni`ere grandeur : p0 c = E = p

mc2 1 − v 2 /c2

(1.84)

comme l’´energie E de la particule libre. Autrement dit les grandeurs E/c, p sont les quatre composantes d’un quadri-vecteur et lors d’un changement de r´ef´erentiel ces derni`ere grandeurs se transforment selon les transformation de Lorentz. En particulier la forme quadratique − p0

2

+ p2 = −

2 2 2 E2 2 2 −c dt + dx + p = m = −m2 c2 c2 dτ 2

(1.85)

est un invariant relativiste. Cette derni`ere relation est souvent appel´ee condition de masse dans la litt´erature. On peut aussi l’´ecrire p p E = p2 c2 + m2 c4 = c p2 + m2 c2 (1.86) 1.24.2

Quantit´e de mouvement relativiste

Vu la relation (1.83) entre le temps propre τ et le temps t, la d´efinition (1.81) implique que mv dx dt p=m =p (1.87) dt dτ 1 − v 2 /c2 Cette forme de l’expression de la quantit´e de mouvement a incit´e de nombreux auteurs ` a introduire la notion de « masse relativiste » : m mv = p (1.88) 1 − v 2 /c2 pour se conformer ` a la forme newtonienne de l’expression de la quantit´e de mouvement mentionn´ee pr´ec´edemment sous (1.80). Cette approche peut conduire


Aper¸cu de dynamique relativiste

73

` des confusions et donner lieu `a une vulgarisation erron´ee. En fait, il convient a de consid´erer la masse m comme une grandeur invariante relativiste puisqu’il s’agit d’une caract´eristique dynamique attach´ee `a l’objet consid´er´e. A partir des expressions des composantes temporelles et spatiales de la quantit´e de mouvement (1.87) et (1.84), on tire la relation v pc = c E 1.24.3

Energie relativiste

L’expression mc2 E= p 1 − v 2 /c2

(1.89)

implique que, pour une particule au repos, la valeur de l’´energie est E = mc2 . En relativit´e restreinte, le z´ero de l’´energie est donc fix´e `a partir de la masse de la particule. Cette situation se distingue de celle que l’on rencontre en m´ecanique newtonienne. En fait l’´energie est d´efinie `a une constante additive pr`es dont le choix est arbitraire. Le choix de la constante mc2 est celui qui permet de conserver ` a la loi de transformation de la quantit´e de mouvement la « forme (8) d’une transformation » de Lorentz . L’´ energie-quantit´ e de mouvement totale (quadri-vecteur) d’un syst` eme isol´ e est conserv´ ee, en dynamique relativiste comme l’est en dynamique newtonienne la quantit´e de mouvement totale (mv). Autrement dit l’´energie totale est conserv´ee de mˆeme que la quantit´e de mouvement totale (trivecteur). Cette loi de conservation est donc vraie qu’il s’agisse d’une collision entre particules, d’une r´eaction nucl´eaire ou d’un processus d’annihilation d’une particule avec une antiparticule. Au contraire, en m´ecanique newtonienne, on s’en souvient, pour un choc in´elastique (comme deux balles qui s’accolent), on ne pouvait utiliser que le principe de conservation de la quantit´e de mouvement newtonienne mv. Pour en revenir ` a la dynamique relativiste, l’´energie cin´etique proprement dite T d’une particule libre est obtenue en soustrayant l’´energie au repos mc2 a l’´energie E : ` mc2 T =p − mc2 (1.90) 2 2 1 − v /c Un d´eveloppement limit´e par rapport `a la vitesse montre qu’`a la limite des vitesses beaucoup plus faibles que celle de la lumi`ere, la grandeur T tend vers (8)

Autrement, en toute g´ en´ eralit´ e, cette loi aurait la forme d’une transformation de Lorentz ` a laquelle vient s’ajouter une transformation de jauge. Faire intervenir une transformation de jauge est parfaitement l´ egitime et cette transformation de jauge pourrait ˆ etre choisie de telle mani` ere que la convention qui fixe le z´ ero de l’´ energie en dynamique relativiste soit la mˆ eme qu’en physique newtonienne. Fixer le z´ ero de l’´ energie de mani` ere a ` pr´ eserver la forme de la loi de transformation de l’´ energie-quantit´ e de mouvement quel que soit le changement de r´ ef´ erentiel d’inertie concern´ e est donc un choix tr` es commode [14].


74

Les fondements de la m´ ecanique

l’expression usuelle en dynamique newtonienne de l’´energie cin´etique comme nous l’avons d´ej` a remarqu´e pr´ec´edemment : v 1 → 0 =⇒ T → mv 2 c 2 Selon une observation d´ej`a mentionn´ee, les lois de la dynamique newtonienne deviennent, en dynamique relativiste, d’autant plus correctes que la vitesse de l’objet concern´e est faible par rapport `a la vitesse de la lumi`ere, et elles deviennent exactes ` a vitesse nulle. C’est notamment le cas de la deuxi`eme loi de Newton. Ce fait a pour cons´equence de fixer la forme de cette derni`ere loi en relativit´e restreinte. Il suffit, dans la deuxi`eme loi de Newton, de substituer le temps propre τ attach´e ` a la particule au temps t attach´e au r´ef´erentiel. En d’autres termes, la deuxi`eme loi de Newton est remplac´ee en relativit´e restreinte par la loi suivante : dp =F (1.91) dτ Bien entendu, dans cette ´egalit´e, on se r´ef`ere `a la quantit´e de mouvement relativiste (1.87). Dans cette derni`ere ´equation le membre de gauche est la composante spatiale du quadri-vecteur dont la composante temporelle n’est autre que la grandeur E/c2 . Or, compte tenu de la relation (1.84) et de la condition de masse (1.86) puis de la deuxi`eme loi de la dynamique (1.91), on aboutit `a la relation : dp0 1 dE cp dp cp · F = = = dτ c dτ E dτ E L’´equation (1.91) est donc compl´et´ee par une contrepartie temporelle qui s’´ecrit dp0 cp · F v·F = F0 avec F 0 = = (1.92) dτ E c La variation par rapport au temps de l’´energie cin´etique d’un point mat´eriel qui subit l’effet d’une force F est ainsi donn´ee conform´ement `a une extension du th´eor`eme de l’´energie cin´etique. En effet, il d´ecoule de la loi (1.91) que v·F =v·

dp d mv p =v dτ dτ 1 − v 2 /c2

(1.93)

Par int´egration de l’´equation diff´erentielle (1.93), compte tenu de l’expression (1.90) de T , on est conduit ` a l’´egalit´e : Zτ2 F · v dτ = T (τ2 ) − T (τ1 ) τ1


75

Aper¸cu de dynamique relativiste

Exemple 1.10 Tout comme le vecteur vitesse est tangent `a la trajectoire d’une particule dans l’espace, le quadri-vecteur ´energie-quantit´e de mouvement est tangent a la ligne univers dans l’espace-temps (fig. 1.46). ` temps ligne d’univers

direction de E

espace direction de cp

Fig. 1.46 Quadri-vecteur ´energie-quantit´e de mouvement tangent a ` la ligne univers.

Application

Les ´equations de la dynamique relativiste permettent d’introduire la notion d’une particule sans masse, se d´epla¸cant `a la vitesse de la lumi`ere : le photon (sect. 2.24). On notera aussi l’analyse `a la section 3.24 d’une exp´erience fournissant l’´energie d’une particule en fonction de sa vitesse. On y trouve aussi la notion relativiste de masse d’un syst`eme, avec quelques applications de la loi E = mc2 .



Euler, 1701-1783

« En l’an 1752 paraˆıt finalement son trait´e avec le titre surprenant pour nous : “D´ecouverte d’un nouveau principe de la m´ecanique”. Le nouveau principe dont il est sujet ici, c’est pr´ecis´ement celui qu’on connaˆıt de nos jours comme la loi du mouvement de Newton, c’est-`a-dire la repr´esentation analytique de la relation : force = masse acc´el´eration. » [1]



Chapitre 2

Pratique de la m´ ecanique « Les postulats de la m´ecanique tiennent en quelques lignes. Comme il ne s’agit pas plus de les d´emontrer que n’importe quel autre principe, un cours de m´ecanique rationnelle est une collection d’exemples qui leur servent d’illustration. Les cours ne diff`erent donc que par le choix des exemples et l’esprit dans lequel on les traite, ce qui suffit ` a les rendre tr`es dissemblables. » H. Bouasse [15]

2.1

Objectifs de formation

Avant d’appr´ehender les grands principes de la m´ecanique sous la forme de quelques postulats (sect. 1.3), il est possible de s’initier `a quelques probl`emes de m´ecanique en se basant sur un apprentissage plus ´el´ementaire reposant sur la loi F = ma. Cela permet de prendre conscience des ambitions et des limitations du projet qui fait la quintessence de la m´ecanique rationnelle. Les probl`emes de balistique dans le champ de la pesanteur (sect. 2.3 et 2.4) et le mod`ele de l’oscillateur harmonique (sect. 2.5, 2.10, 2.11) sont deux exemples qui mettent en sc`ene les ´el´ements de la d´emarche m´ecaniste en utilisant simplement les coordonn´ees cart´esiennes. Avec la balistique, on apprend `a examiner avec les outils math´ematiques actuels les situations physiques consid´er´ees par Galil´ee. Celui-ci avait notamment compris qu’on pouvait penser le mouvement en sa composante verticale et celle horizontale, ce qui, de nos jours, correspond `a choisir un syst`eme d’axes cart´esiens particulier. On clarifiera aussi la question de la p´eriode des pendules. S’il est un fait que l’ind´ependance de cette p´eriode avec la masse conduit au mod`ele de la pesanteur, l’outillage math´ematique nous permettra d’explorer la p´eriode aux grandes amplitudes (sect. 2.9).


80

Pratique de la m´ ecanique

Avec l’oscillateur harmonique, on d´ecouvre que l’application d’une loi physique comme la deuxi`eme loi de Newton conduit `a une ´ equation diff´ erentielle. L’exploitation de solution analytique de l’oscillateur harmonique permet de pr´esenter des concepts importants de la technique : le ph´enom`ene de r´esonance, la r´eponse harmonique, le facteur de qualit´e d’un r´esonateur. L’exemple de la gravitation (sect. 2.13) permet d’illustrer une d´emarche qui part de l’observation (les lois de Kepler) et aboutit `a une loi de force (la loi de la gravitation). La balistique illustre un exemple de d´ eterminisme simple. Au xviiie si`ecle, Laplace [16] esp´erait trouver une « ´equation du monde » qui « embrasserait dans la mˆeme formule les mouvements des plus grands corps de l’Univers et ceux du plus l´eger atome ». La loi de la gravitation universelle de Newton permettait de rendre compte de la forme et des propri´et´es des orbites des plan`etes, ´enonc´ees par Kepler. Un tel succ`es frappa l’imagination de l’humanit´e. Cette nouvelle science moderne, m´ecaniste, allait-elle pouvoir tout expliquer ? Nous devons reconnaˆıtre que de nos jours encore, nous sommes attir´es par l’espoir d’une telle simplicit´e. Deux si`ecles d’enthousiasme cr´e`erent une habitude de pens´ee et un obstacle ´epist´emologique. Un math´ematicien et physicien de g´enie nous sortit de cette torpeur simplificatrice. Poincar´e r´ealisa que les solutions des ´equations de la m´ecanique ne suivaient pas toutes des sch´emas aussi simples. Il fallut cependant encore des d´ecennies avant qu’une prise de conscience collective ne s’´etablisse. Des chercheurs red´ecouvrirent par eux-mˆemes les intuitions de Poincar´e, vers le milieu du xxe si`ecle. L’acc`es ` a des solutions num´eriques obtenues par des ordinateurs de plus en plus accessibles contribua `a diffuser dans les consciences la possibilit´e d’une telle complexit´e [17]. De nos jours, la th´ eorie du chaos est reprise par tout un chacun. Les soci´et´es internationales cr´eent des divisions de physique des syst`emes « non lin´eaires » dans lesquels cette probl´ematique apparaˆıt. Les livres de vulgarisation sur le chaos abondent. La sensibilit´e aux conditions initiales (« l’effet papillon ») et les bifurcations font maintenant presque partie du vocabulaire du grand public. Une introduction au chaos rel´egu´ee au chapitre suivant (sect. 3.9) a pour but de mettre en garde contre une vision trop na¨ıve du d´eterminisme qu’on pourrait d´evelopper `a la suite des calculs de balistique ou d’oscillateurs harmoniques. L’application des lois de Newton `a un syst`eme de points mat´eriels conduit `a des principes de conservation. Ceux-ci permettent de faire des pr´edictions sur les collisions (sect. 2.12) et d’aborder la dynamique des solides par des arguments heuristiques (sect. 2.21). Les effets gyroscopiques n´ecessitent d’aller au-del` a du mod` ele du pont mat´ eriel. Pour explorer la dynamique des solides ind´eformables, il faudra s’avancer dans le calcul du tenseur d’inertie d’un solide pour en d´eduire son moment cin´etique, qui n’est pas forc´ement le long de l’axe de rotation. On pourra alors expliquer les contraintes exerc´ees sur les axes de rotation par des solides en rotation rapide. Mise en contexte

La m´ecanique, reconnue comme science exacte, permet de voir concr`etement ce qu’on peut attendre d’une explication scientifique. On verra notam-


81

Rep` eres

ment comment le mouvement d’une toupie est « expliqu´e »par les lois de la m´ecanique. La section 3.1 discute plus avant la notion d’explication scientifique.

2.2

Rep`eres

La cin´ematique du point mat´eriel fait intervenir trois grandeurs vectorielles : la position, la vitesse et l’acc´el´eration. On aura besoin pratiquement de travailler avec les composantes de ces vecteurs selon un syst`eme d’axes choisis. Ce syst`eme d’axes ne sera pas forc´ement le r´ef´erentiel ! Les composantes des vecteurs sont leurs projections sur ces axes. Deux outils permettent de d´efinir les composantes d’un vecteur : le rep`ere et le produit scalaire. On consid`ere un syst`eme d’axes cart´esiens Ax1 x2 x3 . On admet qu’on s’est donn´e une unit´e de longueur. On appelle alors vecteur unit´ e un vecteur libre dont la norme vaut 1. Notons x ˆ 1 , x ˆ2 , x ˆ3 les vecteurs unit´es port´es par les trois axes. On appelle A, x ˆ1 , x ˆ2 , x ˆ3 un rep` ere (fig. 2.1). x3

x3

x1

A

x2

x1

x2

Fig. 2.1 Rep`ere.

Dans cet ouvrage, quand on parle d’un rep`ere (A, e1 , e2 , e3 ), il s’agit toujours d’un rep`ere « orthonorm´e direct ». Les trois vecteurs e1 , e2 , e3 sont orthogonaux, leur norme vaut 1. « Direct » veut dire que les vecteurs unit´es ob´eissent a la r`egle du tire-bouchon ou r`egle de la main droite (fig. 2.2). ` e3

A

e1

e3

e2

e2

A

e1

Fig. 2.2 La r`egle du tire-bouchon a ` gauche, la mauvaise orientation de e3 a ` droite.

2.4


82

Pratique de la m´ ecanique

Le tire-bouchon tourne comme e1 tourne sous l’action de e2 si e2 repr´esentait une force attach´ee ` a l’extr´emit´e de e1 . Il tourne en avan¸cant dans le sens de e3 . On peut aussi imaginer que ce mˆeme mouvement hypoth´etique de e1 et e2 est suivi par 4 des doigts de la main droite, laissant le pouce point´e dans la direction de e3 . Il est fr´equent de mat´erialiser un r´ef´erentiel par un syst`eme d’axes cart´esiens. De l` a vient la confusion chez certains entre r´ef´erentiel et rep`ere. Dans les probl`emes de balistique r´esolus en coordonn´ees cart´esiennes, il est sous-entendu que le syst`eme d’axes constitue un r´ef´erentiel et le rep`ere, dans ce cas, est simplement li´e au r´ef´erentiel (sect. 2.3). Il est indispensable de faire la distinction entre le r´ef´erentiel (base de la cin´ematique) et le rep`ere (outil math´ematique). La cin´ematique en coordonn´ees g´en´eralis´ees met en ´evidence cette distinction de fa¸con particuli`erement saisissante, puisque dans ce cas, on utilise un rep`ere li´e au point mat´eriel en mouvement plutˆot qu’un rep`ere li´e au r´ef´erentiel (sect. 1.7).

2.2.1

Produit scalaire, produit vectoriel

Produit scalaire

Il s’agit ici de rappeler quelques propri´et´es ´el´ementaires du produit scalaire, dans le but essentiellement de fixer les notations. Consid´erons un syst`eme d’axes cart´esiens d’origine O et un point P de coordonn´ees (x, y, z). Le vecteur a = OP a les composantes (x, y, z). Soit un autre vecteur b de composantes x0 , y 0 , z 0 . Le produit scalaire peut ˆetre d´efini par a · b = xx0 + yy 0 + zz 0 On consid`ere maintenant deux vecteurs orthogonaux de mˆeme origine. On peut construire un syst`eme d’axes de coordonn´ees avec l’axe des x le long du premier vecteur a et l’axe des y le long du deuxi`eme, b. Alors le produit scalaire vaut a · b = 0. Dans le cas de deux vecteurs a et b quelconques, on peut d´ecomposer a en la somme d’un vecteur parall`ele ak et d’un vecteur perpendiculaire a⊥ ` a b : a = a⊥ + ak avec a⊥ · b = 0 et ak · a⊥ = 0 (fig. 2.3). Alors, on a en utilisant la d´efinition du produit scalaire en termes des composantes des vecteurs sur des axes cart´esiens port´es par a⊥ et b : a · b = ak · b = |a| cos θ|b|, o` u θ est l’angle entre les deux vecteurs. b a || q

a^

a

Fig. 2.3 Dessin auxiliaire pour le produit scalaire de deux vecteurs a et b.


83

Rep` eres

Pour un rep`ere A, x ˆ1 , x ˆ2 , x ˆ3 orthonorm´e, on a x ˆi · x ˆj = δij ,

i, j = 1, 2, 3

Le symbole δij , appel´e symbole de Kronecker, prend la valeur 1 si les indices sont ´egaux, la valeur 0 sinon : ( 1 si i = j δij = 0 si i 6= j Produit vectoriel

Soient deux vecteurs donn´es par leurs composantes sur un rep`ere A, x ˆ1 , x ˆ2 , x ˆ3 . Le produit vectoriel se calcule selon la r`egle :

 

x

a2 b3 − a3 b2

ˆ1 a1 b1

ˆ2 a2 b2

=  a3 b1 − a1 b3  a ∧ b =

x

x ˆ3 a3 b3

a1 b2 − a2 b1 =x ˆ1 (a2 b3 − a3 b2 ) + x ˆ2 (a3 b1 − a1 b3 ) + x ˆ3 (a1 b2 − a2 b1 ) Le produit mixte (a ∧ b) · c peut se calculer comme le d´eterminant :

c1 a1 b1

(a ∧ b) · c =

c2 a2 b2

c3 a3 b3

Des r`egles du calcul des d´eterminants, il vient ainsi : (a ∧ b) · c = (c ∧ a) · b = (b ∧ c) · a Quand deux colonnes sont identiques, le d´eterminant est nul. Par cons´equent : (a ∧ b) · a = (a ∧ b) · b = 0 Cela signifie que a ∧ b est normal au plan contenant a et b. On veut maintenant ´etablir la relation entre la norme du produit vectoriel de deux vecteurs et les normes des deux vecteurs. Pour se faire, on d´ecompose un des vecteurs en un vecteur parall`ele et un vecteur perpendiculaire `a l’autre vecteur : a = a⊥ + ak avec a⊥ · b = 0 et ak · a⊥ = 0 (fig. 2.4). Alors ak ∧ b = 0 et a ∧ b = a⊥ ∧ b. On peut imaginer encore une fois un syst`eme d’axes port´es par a⊥ et b, alors la d´efinition implique que la norme du produit vectoriel est donn´ee par |a ∧ b| = |a⊥ ||b| = |a||b|| sin θ|. Si (a ∧ b) · c = 0 alors a ∧ b est perpendiculaire `a c, donc a, b et c sont dans le mˆeme plan et il existe λ et µ tels que c = λa + µb. Une formule souvent utilis´ee est a ∧ (b ∧ c) = (a · c)b − (a · b)c (2.1) Une fa¸con de la d´emontrer est de faire le d´eveloppement de l’expression :

x

ˆ1 a1 (b2 c3 − b3 c2 )

ˆ2 a2 (b3 c1 − b1 c3 )

x

x ˆ3 a3 (b1 c2 − b2 c1 )


84

Pratique de la m´ ecanique

a Ùb

b a ||

a

q

a

Fig. 2.4 Produit vectoriel de deux vecteurs et a et b.

2.2.2 2.2

Projection d’un vecteur sur axe

On consid`ere un vecteur AP et un axe orient´e (fig. 2.5). axe P' v u

q

A

AP

P 0

Fig. 2.5 Projection AP du vecteur AP sur l’axe.

Soit u ˆ le vecteur unit´e port´e par l’axe. La projection de AP sur l’axe est par d´efinition AP · u ˆ = |AP | cos θ o` u |AP | est la norme du vecteur AP et θ l’angle entre le vecteur et l’axe. Soit v ˆ⊥u ˆ dans le plan AP P 0 . La somme vectorielle AP = AP 0 + P 0 P peut s’´ecrire AP = AP · u ˆ u ˆ + AP · v ˆ v ˆ Cette formule peut paraˆıtre d’allure ´etrange. Pourtant, elle exprime un r´esultat bien connu quand il s’agit des coordonn´ees cart´esiennes pour lesquelles on peut ´ecrire AP = x1 x ˆ1 + y1 y ˆ1 + z1 zˆ1 2.3

2.2.3

Mouvement rectiligne

Exemple 2.1 Le mouvement rectiligne uniforme Un point mat´eriel se d´eplace en ligne droite, `a vitesse constante. La trajectoire du point mat´eriel est la droite. On d´efinit un axe de coordonn´ee x associ´e ` a la droite, un point O sur l’axe. La d´efinition stipule dx ˙ = v0 . dt = x On cherche x(t). On voit que x = v0 t + x0 satisfait la d´efinition, avec x0 la position du point ` a t = 0. L’´equation x = v0 t + x0 est l’´equation horaire du point mat´eriel.


La balistique

85

Exemple 2.2 Le mouvement rectiligne uniform´ement acc´el´er´e Un point mat´eriel se d´eplace en ligne droite avec une acc´el´eration constante 2 a0 . On cherche x(t) tel que ddt2x = x ¨ = a0 . On voit que x(t) = 12 a0 t2 +v0 t+x0 satisfait la d´efinition avec x0 et v0 constants. Les valeurs de x0 et v0 sont sp´ecifi´ees par les conditions initiales, c’est-`a-dire la position et la vitesse a l’instant t = 0 : ` x(0) = x0 v(0) = v0 La notation x, ˙ x ¨ sera utilis´ee syst´ematiquement dans cet ouvrage pour d´esigner la d´eriv´ee premi`ere et deuxi`eme par rapport au temps de toute variable x. Mise en contexte

La section 3.2 soul`eve un point essentiel de la formation scientifique : les moyens math´ematiques mis en œuvre de nos jours pour pr´esenter un sujet comme la m´ecanique permettent des raccourcis formidables par rapport aux d´eveloppements historiques qui ont permis la mise en place d’une science comme la m´ecanique.

2.3

La balistique

On consid`ere ici le mouvement d’un objet tel une balle ou un obus sous l’effet de la pesanteur et de forces de frottement ´eventuelles. On consid`ere que l’objet peut ˆetre assimil´e ` a un point mat´eriel et que l’attraction terrestre est uniforme. On appelle balistique l’´etude des trajectoires d’objets soumis `a l’attraction terrestre ` a la surface de la Terre. La marche `a suivre

La m´ecanique permet une appr´ehension m´ethodique de l’analyse d’un ph´enom`ene physique. Il est bon de s’imposer une d´emarche syst´ematique afin de s’assurer d’une approche raisonn´ee. Cette mani`ere de proc´eder permet aussi de fournir une analyse compr´ehensible et v´erifiable par quiconque s’int´eresserait au mˆeme probl`eme. Etape 1 : loi de la dynamique

Nous avons besoin d’une loi physique qui stipule comment le syst`eme physique ´evolue quand il est soumis `a une ou plusieurs forces. Dans le cas pr´esent, nous invoquons simplement la deuxi`eme loi de Newton sous la forme F = ma

3.2


86

Pratique de la m´ ecanique

Etape 2 : mod`ele de force

On observe que l’attraction terrestre donne lieu en premi`ere approximation ` a une force uniforme et constante. La direction de cette force d´efinit la verticale et le module de la force est proportionnel `a la masse m. Le coefficient de proportionnalit´e est not´e g. Ce mod`ele de force est appel´e pesanteur. La constante de proportionnalit´e vaut environ g = 9,8 m s−2 . La force de la pesanteur peut s’´ecrire F = mg o` u g est un vecteur ; sa direction est verticale vers le bas et son module vaut g. Une telle description approximative bas´ee sur l’observation est souvent appel´ee loi ph´ enom´ enologique. Il s’agit d’une expression math´ematique qui ne d´erive pas d’une d´eduction logique `a partir de principes fondamentaux. Nous verrons (sect. 1.16) que la forme et la rotation de la Terre impliquent une variation syst´ematique du g apparent, du pˆole `a l’´equateur. De mˆeme, la pr´esence d’une grotte ou d’une montagne peut changer la valeur de g (exercice ??). L’importance de tels effets d´epend du degr´e de pr´ecision avec lequel on veut bien travailler. Enfin, si le projectile s’´eloigne consid´erablement de la Terre, il faudra se r´ef´erer ` a la loi de la gravitation de Newton, car l’attraction diminue comme le carr´e de la distance au centre de la Terre. Faut-il invoquer d’autres forces ? Dans une premi`ere phase de notre analyse, nous supposons que l’air n’agit pas sur le mouvement. Etape 3 : choix des coordonn´ees

Un dessin (fig. 2.6) permet de communiquer notamment les d´efinitions de coordonn´ees sans recourir ` a de longues phrases car les conventions graphiques sont d’usage courant. z

y

O x0

v0 P

x

Fig. 2.6 Syst`eme d’axes quelconque Oxyz avec Oz vertical vers le haut. P marque la position du point mat´eriel au temps t = 0.


La balistique

87

On choisit l’axe Oz vertical dirig´e vers le haut. On suppose une situation physique telle que le point mat´eriel au temps t = 0 est au point P , de coordonn´ees (x0 , y0 , z0 ) avec une vitesse v 0 de composantes (vx0 , vy0 , vz0 ). On ´ecrit les coordonn´ees et la vitesse du point mat´eriel `a t = 0 sous la forme : x(0) = x0

vx (0) = v0x

y(0) = y0

vy (0) = v0y

z(0) = z0

vz (0) = v0z

(2.2)

Ce sont les conditions initiales. Les acc´el´erations dans les trois directions Ox, Oy, Oz s’´ecrivent imm´ediatement en termes de d´eriv´ees secondes par rapport au temps des coordonn´ees (x, y, z) : ax = x ¨ ay = y¨ az = z¨ Etape 4 : ´equations du mouvement

Pour chaque direction de l’espace Ox, Oy, Oz, la force dans cette direction est ´egale ` a la masse multipli´e par l’acc´el´eration dans cette direction. A la section 2.2, on voit que cela revient ` a projeter la loi vectorielle ma = mg dans le rep`ere associ´e aux axes cart´esiens. On obtient ainsi : m¨ x=0 m¨ y=0

(2.3)

m¨ z = −mg Les ´equations du mouvement sont des ´equations diff´erentielles. Ici, on prend l’approche qui consiste ` a se poser la question ´el´ementaire : « quelle sont les fonctions du temps x(t), y(t) ou z(t) telles que leurs d´eriv´ees secondes par rapport au temps aient les valeurs sp´ecifi´ees ? ». Il faut que ces fonctions satisfassent aussi les conditions initiales (2.2). Il est facile de voir que la solution de (2.3) est, compte tenu des conditions initiales (2.2) : x(t) = v0x t + x0 y(t) = v0y t + y0 1 z(t) = − gt2 + v0z t + z0 2

(2.4)

Si on suppose que le point mat´eriel est `a l’origine du rep`ere cart´esien quand t = 0, (2.4) devient x(t) = v0x t y(t) = v0y t 1 z(t) = − gt2 + v0z t 2


88

Pratique de la m´ ecanique

La trajectoire est une parabole. Pour le v´erifier, il suffit d’´eliminer le temps. On tire t de y(t) et on pose 2 x v0x 1 y y = z=− g + v0z y v0y 2 v0y v0y On trouve ainsi une parabole dans le plan d´efini par xy = v0x /v0y . Certains seront surpris que ce r´esultat ne soit pas aussi simple que ce qu’ils ont peut-ˆetre ´et´e habitu´es ` a voir. Pourquoi ? Cela vient du choix du syst`eme de coordonn´ees. Pour retrouver une forme de solution plus famili`ere, on peut choisir un syst`eme de coordonn´ees de telle mani`ere que le plan P xz contienne le vecteur vitesse initiale v 0 (fig. 2.7). z

v0 y

P a

x

Fig. 2.7 Nouveau choix de syst`eme d’axe, avec le plan P xz contenant la vitesse.

Dans ce rep`ere on a 

 v0x v0 =  0  v0z Il reste :

x(t) = v0x t y(t) = 0 1 z(t) = − gt2 + v0z t 2 On a ainsi obtenu une expression math´ematique qui rend compte, en particulier, de l’observation suivante (sect. 1.1) : la hauteur d’une balle qui tombe sans vitesse initiale (v0x = 0) est la mˆeme en tout temps que celle d’une balle qui a une vitesse initiale horizontale (v0x 6= 0). Pour passer de l’´equation param´etrique de la trajectoire ` a sa forme cart´esienne, utilisons x = x(t) pour ´ecrire t en fonction de x : 2 1 x x y=0 z=− g + v0z 2 v0x v0x


Balistique avec r´ esistance de l’air

89

A partir de ce r´esultat, toutes sortes de questions peuvent ˆetre analys´ees : • • • •

Jusqu’o` u ira le projectile ? Quelle est l’inclinaison de v 0 pour une distance de tir optimale ? Comment tirer une balle pour atteindre un singe en chute libre (fig. 2.8) ; etc.

3.3

Fig. 2.8 Une table a ` air est l´eg`erement inclin´ee, le grand bord restant horizontal. Deux plots sont lˆ ach´es en mˆeme temps aux deux coins oppos´es de la table. On observe que le plot qui a une vitesse initiale non nulle, percute le plot en chute libre pour autant que la vitesse initiale pointe vers l’autre plot. On observe aussi l’´ecart vertical de plus en plus grand entre deux images du plot, alors que l’´ecart horizontal est constant entre deux images. Mise en contexte

Dans ses Principa, Newton commence son discours par une r´eflexion sur le temps. La question du temps ne devient int´eressante du point de vue de la m´ecanique que lorsque les notions classiques sont remises en question par la th´eorie de la relativit´e (sect. 3.3).

2.4

Balistique avec r´esistance de l’air

Le mod`ele selon lequel le projectile subit la force mg est-il bon ? Si on consid`ere une chute libre sur une tr`es grande hauteur par exemple, on sait bien que la vitesse ne croˆıt pas jusqu’`a l’infini, on en d´eduit imm´ediatement qu’il faut ajouter quelque chose ` a notre mod`ele. La r´esistance de l’air joue clairement un rˆ ole dans ce cas. Nous affinons notre mod`ele de force en posant : F = mg − bv o` u v est la vitesse et b > 0 est un coefficient constant. Le frottement est ainsi mod´elis´e par une force proportionnelle `a la vitesse (§ 1.14.2). Maintenant la loi « F = ma » projet´ee sur le mˆeme syst`eme d’axes cart´esiens que le dernier choisi (fig. 2.7) donne m¨ x = −bx˙ m¨ y = −by˙ m¨ z = −mg − bz˙

4.2


90

Pratique de la m´ ecanique

Il est encore possible de r´esoudre ces ´equations du mouvement, on dit qu’on peut les « int´egrer ». Commen¸cons par y(t) en prenant les conditions initiales : y(0) = 0

y(0) ˙ =0

On a dy˙ b = − y˙ dt m Cette ´equation dit que y˙ d´ecroˆıt si y˙ est positive, y˙ croˆıt si y˙ est n´egative. Comme y(t ˙ = 0) = 0, y˙ = 0, d’o` u y(t) = constante et donc y(t) = 0 en vertu de la condition initiale. Consid´erons maintenant x(t) : x ¨=−

b x˙ m

ce qu’on peut ´ecrire par le changement de variable x˙ = v : v˙ = −

b v m

(2.5)

Cette ´equation est fr´equemment rencontr´ee en physique. Elle a la solution v(t) = v(0) e−bt/m On doit int´egrer encore une fois, car on en est `a dx ˙ e−bt/m . Quelle est dt = x(0) la fonction dont la d´eriv´ee vaut x(0) ˙ e−bt/m ? C’est une fonction de la forme x(t) = x(0) ˙

−m b

e−bt/m + A

o` u A est une constante. En prenant la condition initiale x(0) = 0, on a donc −m 0 = x(0)( ˙ uA= m ˙ Il vient ainsi b ) + A, d’o` b x(0). x(t) = x(0) ˙ On pose

m 1 − e−bt/m b

m =τ b

(2.6)

(2.7)

Ce faisant, on applique une pratique fort recommandable en physique qui consiste ` a choisir un symbole suggestif de la nature de la grandeur d´esign´ee. Ici, l’unit´e physique du rapport m b est un temps, alors on adopte la lettre grecque τ pour le d´esigner. Ainsi x(t) = x(0)τ ˙ 1 − e−t/τ

(2.8)


91

Balistique avec r´ esistance de l’air

L’allure de cette fonction est donn´ee `a la figure 2.9. Que se passe-t-il quand t → ∞ ? On a x(t → ∞) −→ x(0)τ ˙ Ainsi, sous l’effet de la friction, le d´eplacement horizontal ne peut pas aller plus loin que x(0)τ ˙ ! x (t) x (0)τ

t

τ

Fig. 2.9 Allure caract´eristique d’une approche exponentielle a ` une valeur asymptotique.

On examine maintenant l’´equation diff´erentielle pour z(t), compte tenu de la nouvelle notation : 1 z¨ = −g − z˙ (2.9) τ

˙ est petit, c’est-`a-dire z(0) Si ˙ gτ et aussi longtemps que

initialement z(0)

z˙ reste petit, nous aurons z¨ ≈ −g. C’est le cas sans frottement trait´e plus haut. Puis le terme en z˙ domine, alors z˙ suit une ´equation comme v dans (2.5) et par cons´equent z¨ → 0. A la limite des temps tr`es long, on a donc

= −gτ limite

L’effet de friction ne devient sensible que si le temps est de l’ordre de grandeur de τ . Une grosse masse implique τ grand. Si on examine la chute d’un ballon de baudruche, on voit imm´ediatement l’effet de la friction. Mais avec une balle d’acier, on n’y parvient pratiquement pas ! On peut arriver ` a int´egrer l’´equation diff´erentielle pour z en posant le changement de variable a = −g − τ1 z. ˙ Alors z¨ = −τ a˙ = a. On reconnaˆıt dans la derni`ere ´egalit´e l’´equation diff´erentielle de la forme (2.5). La variable a est donc une fonction exponentielle du temps : a = C e−t/τ , o` u C est une constante. Il reste ` a int´egrer : z˙ = −τ g − τ C e−t/τ . On peut maintenant le faire imm´ediatement : z = −τ gt+D+τ 2 C e−t/τ , o` u D est une nouvelle constante d’int´egration. Les conditions initiales z = z˙ = 0 `a t = 0 imposent C = −g et D = τ 2 g. La solution est donc z = −τ gt + τ 2 g 1 − e−t/τ (2.10) A la fin d’un long calcul, il est de bonne pratique de v´erifier que les unit´es sont coh´erentes. Les deux termes obtenus sont bien de la forme gt2 , dont l’unit´e est une longueur, et l’exposant de l’exponentielle est bien sans dimension.


92

Pratique de la m´ ecanique

Il existe des outils tr`es commodes et d’autres tr`es puissants pour trouver des solutions num´eriques ` a des ´equations diff´erentielles. Mathematica, par exemple, permet d’explorer des ´equations du mouvement aussi simples que celles de la balistique. Sa syntaxe, bien que souvent d´elicate, est remarquablement simple pour cette application (exercice 6.21). Deux exemples sont pr´esent´es sur les figures 2.10 et 2.11, correspondant `a un frottement n´egligeable et `a un frottement grand, pour les mˆemes conditions initiales. z 0.30

z

0.20

0.1 0.05 0 -0.05

0.10 0.0

1

2

3

4

x

Fig. 2.10 Trajectoire balistique par int´egration num´erique, friction faible.

0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9

x

-0.1 -0.15

Fig. 2.11 Trajectoire balistique, friction grande.

Mise en contexte

La balistique est une probl´ematique qui a inspir´e les plus grands penseurs, dont Aristote et Galil´ee (sect. 3.4).

2.5 5.2

L’oscillateur harmonique

On consid`ere ici un mouvement qui joue un rˆole tr`es important en physique : celui de l’oscillateur harmonique. Bien des syst`emes m´ecaniques peuvent ˆetre consid´er´es en premi`ere approximation comme des oscillateurs harmoniques. En particulier, les petits mouvements autour d’une position d’´equilibre stable en ont les caract´eristiques (comme on peut le voir en toute g´en´eralit´e avec le formalisme de Lagrange, probl`eme 5.29). L’objectif de la m´ecanique ´etant essentiellement la mise sous forme math´ematique d’un ph´enom`ene physique, il est bon de commencer cette analyse en consid´erant quelques types d’oscillateurs. Comme premier exemple, on consid`ere le mouvement d’une masse suspendue dans l’air par un ressort (fig. 2.12). Il est possible d’observer un mouvement oscillatoire similaire sur un tout autre syst`eme, par exemple une barre rigide suspendue `a un fil m´etallique tendu. On appelle un tel syst`eme un pendule de torsion (fig. 2.13).


93

L’oscillateur harmonique

5.4

Fig. 2.12 Un plot est reli´e a ` un double ressort qui ´evite un mode de torsion. Dans l’eau, le syst`eme s’amortit en quelques oscillations. Dans l’air, il faut des dizaines d’oscillations avant d’observer une att´enuation notoire.

écran

laser

5.4

Fig. 2.13 Pendule de torsion. Un faisceau laser r´efl´echi sur un miroir coll´e au pendule permet de visualiser les oscillations sur le mur de l’auditoire.

En premi`ere approximation, ces oscillateurs ont une amplitude constante. Bien sˆ ur, il suffit d’attendre assez longtemps pour noter une d´ecroissance de l’amplitude. Si la masse suspendue `a un ressort est plong´ee dans de l’eau, l’amortissement est alors imm´ediatement visible. De mˆeme, si le fil du pendule de torsion est chauff´e, l’amortissement se passe en quelques secondes au lieu de quelques minutes. Les oscillateurs harmoniques permettent d’introduire la notion de r´esonance. Les r´esonances sont parfois utiles, en particulier pour d´etecter des signaux faibles. C’est le cas du circuit r´esonnant d’une radio pour d´etecter les


94

Pratique de la m´ ecanique

ondes hertziennes. Utiliser un syst`eme r´esonnant pour d´etecter un signal tr`es (1) faible reste toujours la strat´egie de choix (fig. 2.14 ; [18], [19]) .

circuit résonant

Fig. 2.14 On peut trouver des consid´erations d’oscillateur harmonique partout, mˆeme dans des sujets d’actualit´e. Ici, un dispositif r´esonnant est propos´e pour la d´etection m´ecanique de r´esonance magn´etique, avec pour objectif de d´etecter le moment magn´etique d’un seul atome.

2.5.1

Mod´elisation de la force d’un ressort

Pour la balistique, nous avions commenc´e par donner un mod`ele de force, la pesanteur. Ici nous proc´edons de mˆeme. Une simple exp´erience avec des masses pendues ` a un ressort justifie le mod`ele de force de rappel selon lequel la force est proportionnelle ` a l’´elongation du ressort (fig. 2.15). Soit Ox un axe de coordonn´ee parall`ele au ressort, x la coordonn´ee qui d´efinit la position de l’extr´emit´e mobile du ressort, O la position de l’extr´emit´e du ressort libre, F la projection sur cet axe de la force du ressort (sect. 2.2), alors F = −kx o` u k > 0 est une constante appel´ee la constante ´elastique du ressort. Le signe indique que la force s’oppose `a l’´elongation. Fort de cette observation, on d´efinit l’oscillateur harmonique. On appellera oscillateur harmonique tout syst`eme ´equivalent `a un point mat´eriel astreint a se d´eplacer en ligne droite et soumis `a une force de rappel proportionnelle `a la ` distance ` a un point fixe sur cette droite. La forme de l’´equation du mouvement d´efinit l’´equivalence. (1)

Onze ans apr` es la proposition faite dans [18], un des auteurs, Rugar, et son ´ equipe ` a IBM Almaden sont parvenus ` a d´ emontrer la d´ etection d’un spin ´ electronique.


L’oscillateur harmonique

95

Dx

m

5.4

Fig. 2.15 La force exerc´ee par un ressort est trouv´ee approximativement proportionnelle ` a son allongement.

Soit un point mat´eriel de masse m astreint `a se d´eplacer sur un rail `a air horizontal et soumis ` a la seule force de rappel d’un ressort parall`ele au rail. On d´efinit un axe des coordonn´ees Ox parall`ele au rail `a air, dont l’origine O est la position de l’extr´emit´e du ressort au repos. La force de rappel est F = −kx, o` u k est une constante. On fait appel `a la deuxi`eme loi de Newton. L’acc´el´eration est simplement donn´ee par x ¨. Ainsi, l’´equation du mouvement est m¨ x = −kx

(2.11)

On obtient une ´equation diff´erentielle distincte de celles vues en balistique. Elle ne peut pas s’int´egrer trivialement, mais c’est une des rares ´equations diff´erentielles dont on peut fournir une solution analytique, ce que l’on va voir sous peu [20]. 2.5.2

L’´equation diff´erentielle comme recette de calcul

La discussion qui suit a pour but de familiariser l’´etudiant avec la notion d’´equation diff´erentielle, en jouant un peu avec une calculatrice [21]. Nous avons obtenu ma = −kx Cette loi permet de calculer a pour chaque valeur de x, d’o` u si δt est tr`es petit on peut d´eduire l’accroissement de la vitesse : δv = a δt, et par cons´equent le d´eplacement δx = (v + δv) δt. Posons que, `a t = 0, x = 1,0, v = 0. Prenons les valeurs m = 1,0, k = 2,5. A partir de x = 1,0 nous trouvons la valeur de a. De l` a, nous pouvons trouver la nouvelle valeur de x, d’o` u la nouvelle valeur de a, etc. Prenons un incr´ement de temps δt = 0,1. C’est un pas un peu grossier, mais il suffit pour voir la m´ethode fournir une ´evolution dans le temps avec des oscillations.


96

Pratique de la m´ ecanique

t 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9

a −2,5 −2,438 −2,313 −2,130 −1,895 −1,612 −1,289 −0,934 −0,556 −0,162

v 0 −0,25 −0,498 −0,729 −0,942 −1,132 −1,294 −1,423 −1,516 −1,572

x 1 0,975 0,925 0,852 0,758 0,645 0,516 0,374 0,222 0,065

Ce petit calcul suffit ` a noter que, lorsque la vitesse est maximale, l’acc´el´eration s’annule. C’est normal. La condition pour trouver l’extremum de v est dv el´eration ! Ce calcul peut ˆetre ex´ecut´e avec dt = 0. C’est une condition sur l’acc´ une calculatrice et un petit programme tr`es simple. De nos jours, des machines parall`eles sont d´evelopp´ees pour int´egrer num´eriquement les ´equations r´egissant par exemple la dynamique des fluides. Sur la figure 2.16, on voit le r´esultat d’une simulation de la chute d’une goutte d’eau (2) sur une surface d’eau libre .

R

v0

h h

t = 0.050 s.

t = 0.060 s.

t = 0.030 s.

t = 0.040 s.

t = 0.070 s.

t = 0.090 s.

Fig. 2.16 Simulation num´erique de la chute d’une goutte d’eau a ` la surface d’une ´etendue d’eau [22].

(2)

Dr. Alexandre Caboussat a re¸cu le prix EPFL du doctorat 2003 pour sa th` ese [22]. Texte int´ egral disponible sur le serveur EPFL.


L’oscillateur harmonique

2.5.3

97

Solution analytique

L’´equation diff´erentielle de l’oscillateur harmonique peut s’´ecrire d2 x k =− x dt2 m Dans le cadre de cette sensibilisation aux ´equations diff´erentielles, on se contentera de constater que la fonction x(t) suivante est une solution : x = cos(ωt) C’est bien le cas, car dx = −ω sin(ωt) dt d2 x = −ω 2 cos(ωt) dt2 et l’´equation diff´erentielle est satisfaite, pour autant qu’on prenne r k ω= m

(2.12)

On remarque que x = sin(ωt) est aussi une solution. Une solution g´en´erale est de la forme x(t) = A sin(ωt) + B cos(ωt) (2.13) Pour trouver A et B, il faut sp´ecifier les conditions initiales. Prenons par exemple x = x0 et v = vo ` a t = 0 . Il vient B = x0 A=

v(0) ω

La justification formelle de cette approche rel`eve d’un trait´e d’analyse ou d’alg`ebre lin´eaire. On appelle pulsation la grandeur ω qui intervient dans (2.13). Le mouvement ainsi d´efini est p´eriodique. En effet, si l’argument des fonctions sinus et cosinus augmentent de 2π, x garde la mˆeme valeur. Math´ematiquement, cela peut s’´ecrire x(t + T ) = x(t) si ωT = 2π. T est la p´ eriode de l’oscillateur harmonique. Le point mat´eriel revient `a la mˆeme position avec une fr´ equence f = T1 . On a ainsi ω f= (2.14) 2π On a donc aussi ω=

2π T

Ces relations sont utilis´ees dans de tr`es nombreux domaines !

(2.15)


98

2.5.4 5.3

Pratique de la m´ ecanique

Oscillateur harmonique amorti

En pratique, on observe que les oscillateurs ont leur amplitude qui d´ecroˆıt au cours du temps, ` a moins qu’ils ne soient soumis `a une force ext´erieure qui entretient l’oscillation. Pour une description plus r´ealiste, autrement dit pour une meilleure mod´elisation, supposons que l’oscillateur est soumis `a une force suppl´ementaire repr´esentant les frottements. Il arrive souvent que l’approximation par laquelle la force de frottement est proportionnelle `a la vitesse, et oppos´ee a la vitesse, soit une bonne approximation. Ce n’est pas la seule possible, et ce ` n’est pas toujours la meilleure (§ 1.14.2). Ainsi la force de frottement est pos´ee de la forme : Ff = −bv avec b > 0. Pour notre syst`eme de coordonn´ees, Ff = −b dx dt . L’application de la deuxi`eme loi de Newton fournit m

d2 x dx = −kx − b dt2 dt

Pour se conformer ` a une notation usuelle, nous posons k = ω02 m

b =γ 2m

L’´equation du mouvement devient d2 x dx + 2γ + ω02 x = 0 dt2 dt

(2.16)

On utilise ici la m´ethode syst´ematique `a employer pour une telle ´equation diff´erentielle (´equation diff´erentielle dite « lin´eaire du deuxi`eme ordre `a coefficients constants »). Elle consiste ` a prendre comme fonction d’essai x = eλt . Il faut alors eλt λ2 + 2γλ + ω02 = 0 Comme eλt 6= 0 , il faut λ2 +2γλ+ω02 = 0, d’o` u les deux solutions possibles : q λ1 = −γ + γ 2 − ω02 q λ2 = −γ − γ 2 − ω02 La solution g´en´erale de (2.16) est une combinaison lin´eaire des deux solutions trouv´ees : √ 2 2 √ 2 2 x(t) = A1 eλ1 t + A2 eλ2 t = e−γt A1 e γ −ω0 t + A2 e− γ −ω0 t Si nous observons des mouvements avec beaucoup d’oscillations avant qu’un amortissement important se manifeste, cela veut dire que l’amortissement est faible : γ 2 ω02 . Dans ce cas, les racines carr´ees sont purement imaginaires et on ´ecrira q λ1 = −γ + i ω02 − γ 2 q λ2 = −γ − i ω02 − γ 2


99

L’oscillateur harmonique

La solution g´en´erale pour x(t) r´eelle peut donc s’´ecrire : √ 2 2 √ 2 2 x(t) = e−γt A ei ω0 −γ t + A∗ e−i ω0 −γ t

(2.17)

C’est la restriction ` a des x r´eels qui impose de prendre les constantes A et A∗ , le complexe conjugu´e de A. La solution g´en´erale peut aussi s’´ecrire : x(t) = e−γt C cos(ω1 t + Φ) avec ω1 =

q

(2.18)

ω02 − γ 2

(2.19)

Les constantes C et Φ sont d´efinies par les conditions initiales. Quand γ = ω0 on dit qu’il y a amortissement critique. Dans ce cas, la solution est x(t) = e−ω0 t x0 + t x0 ω0 + x˙ 0 (2.20) Quand γ > ω0 , il y a amortissement surcritique. La figure 2.17 donne l’allure de la solution sous-critique γ < ω0 (exercice 6.26) et la figure 2.18 montre le sens de l’expression « critique » : c’est la valeur de l’amortissement qui am`ene a l’immobilit´e dans le temps le plus court. ` x/x0

x

1

2 1.5

0.8

1

0.6

0.5 -0.5

10

20

30

40

50

60

t

g=w

0.2

-1

0

-1.5 -2

Fig. 2.17 Oscillateur amorti.

g = 2w

0.4

harmonique

0

1

2

3

w0t

4

5

6

Fig. 2.18 Oscillateur harmonique a ` la valeur critique γ = ω et a ` la valeur surcritique γ = 2ω.

Mise en contexte

La motivation pour ´etudier l’oscillateur harmonique a ´et´e donn´ee en d´ecrivant des exp´eriences concr`etes. Cette fa¸con de proc´eder a une signification historique. Galil´ee ´etait parvenu `a convaincre par le biais d’exp´eriences faites devant son audience, brisant par cela la tradition scolastique qui insistait pour chercher ` a interpr´eter au mieux les textes anciens. Par exemple, Galil´ee montrait que le frottement de l’air modifiait un temps de chute ou qu’il pouvait exciter ` a distance un diapason avec un autre de mˆeme fr´equence (sect. 3.5). L’id´ee de pr´esenter de nos jours une exp´erience avant d’en faire l’analyse formelle remonte ` a cette ´epoque, que beaucoup consid`erent comme celle de la naissance de la science moderne.


100

Pratique de la m´ ecanique

2.6 6.2

Mouvement circulaire et mouvement harmonique

Il est bon d’ˆetre au clair sur les propri´et´es du mouvement circulaire uniforme. On y trouve de fa¸con limpide le fait qu’une vitesse scalaire peut ˆetre constante, mais l’acc´el´eration non nulle (sect. 1.6). On suppose qu’un point mat´eriel se d´eplace sur un cercle `a vitesse scalaire constante. Ce cercle est notre r´ef´erentiel. Soient R le rayon du cercle, O son centre, A un point du cercle, P la position du point mat´eriel, φ l’angle AOP . L’abscisse curviligne vaut s = Rφ. La vitesse scalaire vaut v=

ds d(Rφ) dφ = =R = Rφ˙ dt dt dt

Comme la vitesse scalaire est constante, il faut que φ˙ soit constant. Notons φ˙ = ω. Alors φ = ωt (si on pose φ = 0 `a t = 0). Coordonn´ees cart´esiennes

On d´efinit un syst`eme d’axes cart´esiens d’origine O, dont l’axe Ox contient A et l’axe Oz est normal au plan du cercle (fig. 2.19). Les composantes du vecteur position sont alors : x(t) = R cos(ωt) y(t) = R sin(ωt) z=0 Le syst`eme d’axes ´etant li´e au r´ef´erentiel, il peut tenir le rˆole de r´ef´erentiel. Alors la vitesse vectorielle est obtenue en d´erivant par rapport au temps les composantes : x(t) ˙ = −Rω sin(ωt) y(t) ˙ = Rω cos(ωt) z˙ = 0 p La vitesse scalaire peut ˆetre d´eduite comme v = x˙ 2 + y˙ 2 = Rω. Bien que le cercle soit parcouru ` a vitesse scalaire uniforme, son acc´el´eration n’est pas nulle ! En effet : x ¨(t) = −Rω 2 cos(ωt) y¨(t) = −Rω 2 sin(ωt) Le module de l’acc´el´eration vaut a = Rω 2

(2.21)

Le fait que l’acc´el´eration soit non nulle vient du fait que la direction de la vitesse change (fig. 2.19). L’acc´el´eration vectorielle est toujours dirig´ee vers le centre. On l’appelle l’acc´el´eration centrip` ete.


101

Vitesse et acc´ el´ eration en coordonn´ ees g´ en´ eralis´ ees

y

v (t +dt) v (t )

P

a (t )dt

ωt O

A

x

Fig. 2.19 Accroissement infinit´esimal a(t) dt = v(t + dt) − v(t). Le syst`eme d’axes cart´esiens Oxyz sert de r´ef´erentiel.

Mise en contexte

L’appareillage math´ematique d´evelopp´e jusqu’ici permet de traiter de nombreux probl`emes de m´ecanique comportant des contraintes g´eom´etriques. Toutefois, le tr`es grand succ`es de la m´ecanique Newtonienne r´eside dans l’´etablissement de la loi universelle de la gravitation. Depuis son ´etablissement, toutes les tentatives de mesurer une d´eviation de son expression math´ematique en 1/r2 ont ´echou´e (sect. 3.6).

2.7

Vitesse et acc´el´eration en coordonn´ees g´en´eralis´ees

L’usage des coordonn´ees cylindriques ou sph´eriques permet d’exprimer simplement les contraintes g´eom´etriques d’une situation physique donn´ee. Par exemple, on verra que les coordonn´ees cylindriques permettent d’´ecrire des ´equations du mouvement simples pour une masse ponctuelle pesante suspendue ` a un fil (sect. 2.9). On aura besoin des composantes de la vitesse et de l’acc´el´eration projet´ees dans les rep`eres associ´es `a ces syst`emes de coordonn´ees. Ce sont des r´esultats qu’on doit consid´erer comme faisant partie d’un formulaire de m´ecanique. Proposition 2.1 Vitesse et acc´el´eration en coordonn´ees g´en´eralis´ees. En coordonn´ees cylindriques : ˙ φ + ze v = ρe ˙ ρ + ρφe ˙ z a = ρ¨ − ρφ˙ 2 eρ + ρφ¨ + 2ρ˙ φ˙ eφ + z¨ez

(2.22) (2.23)

En coordonn´ees sph´eriques : ˙ θ + rφ˙ sin θeφ v = re ˙ r + rθe ar = r¨ − rθ˙2 − rφ˙ 2 sin2 θ aθ = rθ¨ + 2r˙ θ˙ − rφ˙ 2 cos θ sin θ aφ = rφ¨ sin θ + 2rφ˙ θ˙ cos θ + 2r˙ φ˙ sin θ

(2.24)

7.2

7.3


102

Pratique de la m´ ecanique

´monstration. On peut partir des relations entre coordonn´ees cart´esiennes De et cylindriques, d´eriver une fois pour la vitesse, deux fois pour l’acc´el´eration et finalement regrouper les termes en reconnaissant les composantes cart´esiennes des vecteurs unit´es du rep`ere associ´e. La mˆeme proc´edure appliqu´ee aux coordonn´ees sph´eriques donne lie `a de longs calculs. On verra dans la section ci-dessous une mani`ere plus ´el´egante d’arriver `a ces r´esultats (via les formules de Poisson). Mise en contexte

On a introduit le mod`ele du point mat´eriel, pour lequel on a ´enonc´e les deux lois de Newton. Il semblerait qu’on ait tout ce qu’il faut pour faire de la m´ecanique, mais ce n’est pas tout `a fait le cas. On verra qu’il nous faudra aller au-del` a de l’approximation qui consiste `a traiter un objet comme s’il s’agissait d’un point mat´eriel. On introduira alors le mod`ele du solide ind´eformable. Ce passage demanda beaucoup de r´eflexion de la part de plus grands (sect. 3.7).

2.8 8.2

Vecteur de vitesse angulaire

On note que le r´esultat (1.7) obtenu `a la section 1.8 dr =ω∧r dt est vrai pour n’importe quel vecteur r li´e au rep`ere qui subit la mˆeme rotation. On a ainsi la mˆeme vitesse angulaire ω pour tous les vecteurs rigidement li´es au rep`ere pour lequel on a d´efini ω. En particulier, on a le mˆeme ω pour tout rep`ere li´e rigidement au rep`ere qu’on s’est donn´e initialement. Par cons´equent, pour un mouvement donn´e, le vecteur de vitesse angulaire est ind´ependant du choix du syst`eme d’axes. La direction du vecteur ω s’obtient imm´ediatement. Comme dans l’´equation (1.7), r(t + dt) − r(t) = 0 si r est parall`ele `a ω, il faut conclure que ω est sur l’axe de rotation. Il faut encore d´eterminer la norme de ω. On l’obtient par la consid´eration g´eom´etrique

suivante. D’une part, l’´equation d’´evolution pour un r li´e au rep`ere implique : r(t + dt) − r(t) = |r| |ω| dt| sin θ|. D’autre part, l’inspection de la figure 2.20 fournit

r(t + dt) − r(t)

= |dφ| |r| | sin θ| Ces deux relations g´eom´etriques impliquent pour le module du vecteur ω :

|ω| =

dt


103

Vecteur de vitesse angulaire

ω

r

r'

θ

Fig. 2.20 Image r 0 de r par une rotation infinit´esimale d’angle dφ.

Exemple 2.3 Mouvement circulaire Un point mat´eriel d´ecrivant un cercle `a vitesse scalaire constante subit une rotation dont le vecteur de vitesse angulaire est constant, normal au plan du cercle. Les r´esultats g´en´eraux sur les rotations permettent d’´ecrire pour l’´evolution temporelle : dr v= =ω∧r dt Cette ´equation implique pour le module de r : d dr (r · r) = 2 r· = 2 r· (ω ∧ r) = 0 dt dt On trouve que le module de r est constant, comme il se doit. De plus : a=

d d dr (v) = (ω ∧ r) = ω ∧ = ω ∧ (ω ∧ r) dt dt dt

(2.25)

On trouve, graphiquement par exemple, que l’acc´el´eration est centrip`ete (fig. 2.21). Cette expression de l’acc´el´eration centrip`ete reviendra souvent. w

w Ùr

w Ù (w Ù r)

Fig. 2.21 Mouvement circulaire, vitesse et acc´el´eration en termes du vecteur de vitesse angulaire ω.


104

Pratique de la m´ ecanique

Exemple 2.4 Vitesse et acc´el´eration en coordonn´ees cylindriques Avec les formules de Poisson, on est en mesure d’obtenir les composantes de la vitesse et de l’acc´el´eration en coordonn´ees cylindriques de mani`ere efficace. On consid`ere un point dans le plan Ox1 x2 . Avec les notations conventionnelles pour les coordonn´ees cylindriques, on part de r = ρeρ Le vecteur de vitesse angulaire φ˙ est dans la direction de x3 (fig. 1.13) et ˙ Les formules de Poisson fournissent : son module est φ. ˙ φ e˙ ρ = φ˙ ∧ eρ = φe ˙ ρ e˙ φ = φ˙ ∧ eφ = −φe La vitesse et l’acc´el´eration s’obtiennent par d´erivation par rapport au temps : ˙ φ r˙ = ρe ˙ ρ + ρe˙ ρ = ρe ˙ ρ + ρφe ¨ φ + ρ˙ φe ˙ φ − ρφ˙ 2 eρ r¨ = ρ¨eρ + φ˙ ρe ˙ φ + ρφe ˙ φ r¨ = ρ¨ − ρφ˙ 2 eρ + (ρφ¨ + 2ρ˙ φ)e

Exemple 2.5 Vitesse et acc´el´eration en coordonn´ees sph´eriques Le mˆeme calcul peut ˆetre conduit dans le cas des coordonn´ees sph´eriques. Il faudra consid´erer les vecteurs de vitesse angulaire d´efinis par les deux angles θ et φ (fig. 2.22). La composition des rotations se traduit simplement par l’addition des vecteurs des vitesses angulaires associ´ees.

f

q

q

f

Fig. 2.22 Vecteurs de vitesse angulaire pour les rotations d´efinies par les angles des coordonn´ees sph´eriques.


105

Pendule math´ ematique plan

Mise en contexte

Dans la section qui suit, on va traiter le probl`eme du pendule. On raconte que Galil´ee avait m´edit´e sur les oscillations d’un pendule et avait conclu que la force de la pesanteur devait ˆetre proportionnelle `a la masse. Cette masse est-elle la mˆeme que celle que nous avons rencontr´ee dans la d´efinition de la quantit´e de mouvement ? (Nous verrons cette question `a la section 3.8.)

2.9

Pendule math´ematique plan

On consid`ere un pendule mod´elis´e comme un point mat´eriel astreint `a se d´eplacer sur un cercle dans un plan vertical et soumis `a la pesanteur (fig. 2.23). On appelle ce mod`ele le pendule math´ ematique plan. La description g´eom´etrique de la liaison nous dispense d’´ecrire s’il y a une barre sans masse reliant le point mat´eriel et le point d’attache ou si le point mat´eriel se d´eplace sur un cercle. On n’a ´egalement pas besoin de pr´eciser que l’articulation en O est sans frottement. 0

y φ eφ T

F

x

Fig. 2.23 Syst`eme d’axe et coordonn´ees cylindrique pour le pendule math´ematique.

R´ef´erentiel, rep`ere, coordonn´ees Le r´ef´erentiel est mat´erialis´e par les axes Oxy, O est le point d’attache du pendule, l’axe Ox est choisi vertical dirig´e vers le bas. On utilise les coordonn´ees cylindriques (ρ, φ, z) et le rep`ere associ´e : eρ , eφ , ez . Bilan des forces Le point mat´eriel est soumis aux forces suivantes : •

On d´ecrit ici la pesanteur par une force F verticale constante. Les ´equations du mouvement permettront de conclure que si la p´eriode est ind´ependante de la masse, alors la force doit ˆetre proportionnelle `a la masse. La liaison implique l’existence d’une force T qui doit ˆetre parall`ele `a OP (pas de frottement).

9.2


106

Pratique de la m´ ecanique

Liaisons Comme ρ = `, la longueur du fil ou de la barre sans masse, ou le rayon du cercle, on a =⇒ ρ˙ = ρ¨ = 0 Comme le mouvement est astreint `a un plan, on pose aussi z = 0. Cin´ematique On utilise la formule de l’acc´el´eration en coordonn´ees cylindriques a = ρ¨ − ρφ˙ 2 eρ + 2ρ˙ φ˙ + ρφ¨ eφ + z¨ez Les liaisons impliquent a = −`φ˙ 2 eρ + `φ¨ eφ

Equations du mouvement Nous invoquons la loi de Newton F = ma. Nous projetons toutes les grandeurs vectorielles dans le rep`ere choisi. Ainsi, il vient − m`φ˙ 2 = F cos φ − T m`φ¨ = −F sin φ

(2.26) (2.27)

Remarque. Il n’est pas toujours ´evident de d´eterminer le sens d’une force de contrainte. Il suffit de choisir un sens sur la figure, de faire les projections avec le signe correspondant. A la fin de la r´esolution, si T < 0, cela veut dire que T pointe dans la direction oppos´ee `a celle du dessin. Si la p´eriode d’oscillation d’un pendule est ind´ependante de la masse, alors il faut conclure que, dans (2.27), F doit ˆetre de la forme mg o` u g est une constante, pour que l’´equation du mouvement deviennent ind´ependante de m. L’´equation du mouvement devient alors g φ¨ = − sin φ `

(2.28)

Quand cette ´equation diff´erentielle sera r´esolue, on aura φ(t) et (2.26) fournira la force de liaison T . 2.9.1

Une m´ethode d’int´egration souvent utilis´ee

Il arrive souvent qu’une ´equation du mouvement ait la forme x ¨ = F (x). La d´emarche suivante, d´emontr´ee ici pour le cas particulier (2.28), permet d’int´egrer. En multipliant par φ˙ l’´equation du mouvement g φ¨ φ˙ = − sin φ φ˙ `


107

Pendule math´ ematique plan

Il est possible de rep´erer des d´eriv´ees par rapport au temps : d 1 ˙2 d g φ = cos φ dt 2 dt ` Il ne faut pas oublier d’ajouter une constante en int´egrant 1 ˙2 g φ − cos φ = constante 2 ` Cette constante est d´etermin´ee par les conditions initiales. Consid´erons qu’`a t = 0, le point mat´eriel soit lˆ ach´e avec une vitesse nulle d’un angle φ0 . Ainsi la constante est la valeur de 12 φ˙ 2 − g` cos φ `a t = 0, soit − g` cos φ0 . Alors 1 ˙2 g g φ − cos φ = − cos φ0 2 ` ` On en tire

s dt =

` dφ √ 2g cos φ − cos φ0

Une telle ´equation peut ˆetre int´egr´ee. Elle fournit le temps en fonction de la position, au lieu de l’inverse, la position en fonction du temps : s ! Zφ dφ0 ` √ t= (2.29) 0 2g cos φ − cos φ0 φ0

Cette solution est de la forme t = F (φ) qu’on peut, du moins formellement, inverser pour trouver φ(t) = F −1 (t). L’int´egrale ci-dessus est dite elliptique. Discussion qualitative Il arrive tr`es souvent que l’int´egration d’une ´equation du mouvement soit difficile. Il est alors bon dans la pratique de conduire une ´etude qualitative des solutions possibles. Dans le cas pr´esent, on a 1 ˙2 g φ = (cos φ − cos φ0 ) 2 ` Il faut donc que (cos φ − cos φ0 ) ≥ 0 De plus φ˙ = 0 si et seulement si φ = ±φ0 . cos f

-f0

0

f0

Fig. 2.24 Domaine possible de l’angle φ.

f


108

Pratique de la m´ ecanique

On voit en inspectant le croquis (fig. 2.24) que cela implique un angle limit´e, exactement comme on le sait d’exp´erience. On consacrera une section enti`ere aux discussions qualitatives (sect. 5.5). P´eriode des oscillations Si φ0 1, alors on aura φ(t) 1 et on peut faire l’approximation sin φ ∼ = φ. L’´equation du mouvement devient : φ¨ = − g` φ. C’est l’´equation d’un oscillateur p harmonique de p´eriode 2π `/g.

9.3

Fig. 2.25 Un pendule est form´e d’une tige rigide de masse n´egligeable en comparaison de la masse au bout de la tige. Si le mouvement commence a ` un angle voisin du point le plus haut du pendule, il apparaˆıt clairement que la p´eriode devient grande compar´ee a ` celle des petites oscillations.

L’exp´erience montre que la p´eriode d’un pendule d´epend de l’angle. Quand le pendule est construit de telle mani`ere qu’on puisse le lˆacher d’un grand angle (fig. 2.25), la d´ependance est manifeste. Le graphe 2.26 indique le rapport de la p´eriode ` a une amplitude donn´ee en abscisse et de celle `a une amplitude infiniment petite. Une int´egration num´erique (exercice 6.30) permet de produire le graphe de la p´eriode en fonction de l’amplitude.

période T (f0)/T (0)

2.4 2.2 2.0 1.8 1.6 1.4 1.2 1.0

0

0.5

1

1.05 f0

2

2.5

3

Fig. 2.26 P´eriode du pendule en fonction de l’amplitude, normalis´ee a ` la p´eriode du pendule dans la limite des oscillations infiniment petites.


Le ph´ enom` ene de r´ esonance

109

Mise en contexte

Avec l’analyse de la balistique, de l’oscillateur harmonique ou du pendule, on acquiert l’impression que la m´ecanique est une machinerie superbement pr´ecise. Apr`es quelques si`ecles d’enthousiasme pour un d´eterminisme primaire, il a fallu se rendre ` a l’´evidence : un syst`eme m´ecanique, mˆeme tr`es simple, peu avoir un comportement « chaotique »(sect. 3.9).

2.10

Le ph´enom`ene de r´esonance

Examinons le mouvement oscillant d’un poids accroch´e `a un ressort, dont 10.2 l’autre extr´emit´e oscille de haut en bas sous l’action d’un piston qui peut ˆetre mu ` a une fr´equence variable (fig. 2.27). On observe au d´ebut de l’exp´erience des battements entre l’oscillation propre et l’excitation. Il faut attendre un temps de l’ordre du temps d’amortissement de l’oscillation libre pour obtenir un mouvement harmonique. On observe alors un maximum d’amplitude quand la fr´equence est ajust´ee ` a la fr´equence de l’oscillation libre. Si on reprend l’exp´erience quand le poids est dans l’eau, on observe que les battements disparaissent tout de suite. Le maximum d’amplitude apparaˆıt `a une fr´equence l´eg`erement d´ecal´ee par rapport ` a la fr´equence de l’oscillation libre dans l’air et ce maximum est clairement plus petit que celui observ´e dans l’air.

10.3

Fig. 2.27 L’oscillateur harmonique form´e d’un double ressort et d’un plot, immerg´e ou pas, est excit´e en for¸cant l’extr´emit´e sup´erieure du ressort a ` un mouvement vertical harmonique d’amplitude et de fr´equence contrˆ ol´ees. L’amplitude du mouvement du plot est bien plus grande dans l’air que dans l’eau. La fr´equence au maximum d’oscillation n’est pas tout a ` fait la mˆeme dans l’air et dans l’eau.

Lorsque l’oscillateur harmonique est soumis `a une force ext´erieure, on parle d’oscillateur harmonique forc´e. Exprim´e sous forme math´ematique, cela veut dire qu’on s’int´eresse aux solutions de l’´equation diff´erentielle m

d2 x dx = −k x − b + F (t) 2 dt dt

(2.30)


110

Pratique de la m´ ecanique

o` u F (t) est une force ext´erieure. On consid`ere ici le cas o` u l’excitation est harmonique : F (t) = f cos(ωt). L’exp´erience montre que l’amplitude de l’oscillation devient tr`es grande quand ω est proche de ω0 . Une telle exp´erience est illustr´ee sur la figure 2.28, o` u une s´erie de pendules sont mont´es sur un tube en caoutchouc. Un pendule joue le rˆole d’excitation et seul celui qui a la mˆeme longueur, donc la mˆeme p´eriode, se met `a osciller fortement.

10.3

Fig. 2.28 Plusieurs masses sont suspendues sur un tube en caoutchouc. Seul un pendule a la mˆeme longueur que celui situ´e a ` l’extr´emit´e du tube. Quand ce dernier est excit´e, seul le pendule qui a la mˆeme longueur que celui-ci se met a ` osciller de mani`ere importante.

Les ph´enom`enes de r´esonance peuvent s’observer dans toutes sortes de circonstances. Au lieu de pendules, on peut avoir une s´erie de diapasons (fig. 2.29). On produit un son et seul le diapason dont la fr´equence naturelle est celle du son se met ` a vibrer.

10.3

Fig. 2.29 Deux diapasons de mˆeme fr´equence sont mont´es sur des caissons creux identiques. Un des diapasons est frapp´e, puis amorti au touch´e de la main. On remarque alors que l’autre s’est mis ` a vibrer. Il faut que les deux diapasons soient de la mˆeme fr´equence pour que cet effet ait lieu.

Le pont de Tacoma (fig. 2.30) s’est effondr´e quand un fort vent a engendr´e une r´esonance dont l’amplitude est devenue si grande que le pont ne pouvait plus r´esister. Il s’agit d’une self-r´esonance g´en´er´ee par un vent qui n’est pas modul´e ` a la fr´equence de r´esonance du pont.


Le ph´ enom` ene de r´ esonance

111

11.3

Fig. 2.30 Le pont de Tacoma peu avant sa rupture.

Pour rendre compte de ces ph´enom`enes, on consid`ere les solutions de l’´equation du mouvement : x ¨+

1 x˙ + ω02 x = α0 cos(ωt) τ

f avec α0 = m . On choisit de s’int´eresser seulement au cas stationnaire, c’est-`adire qu’on suppose que la force a ´et´e appliqu´ee pendant un temps long compar´e a τ . Alors le syst`eme oscille ` ` a la fr´equence ω de l’excitation. On appelle ce r´egime stationnaire la r´ eponse harmonique du syst`eme.

Il est commode d’obtenir la solution en cherchant d’abord celle d’un probl`eme ´equivalent pour une variable complexe. Le probl`eme complexe se d´eduit du premier en consid´erant le mˆeme syst`eme subissant une force d´ephas´ee de π2 . Exprimons l’´equation du mouvement pour une variable y sous l’effet de cette force d´ephas´ee. Il vient alors le syst`eme d’´equations : 1 x˙ + ω02 x = α0 cos ωt τ 1 y¨ + y˙ + ω02 y = α0 sin ωt τ x ¨+

En multipliant la deuxi`eme ´equation par i et en sommant les deux ´equations, posant z = x + iy, on obtient z¨ +

1 z˙ + ω02 z = α0 eiωt τ

(2.31)

Chercher la solution stationnaire, c’est chercher la solution de la forme z = z0 eiωt . Pour trouver la solution du probl`eme initial pour x, il suffit de prendre x = Re(z). En substituant pour z dans (2.31), il vient une ´equation qui nous donne l’amplitude : α0 z0 = 2 −ω + (iω/τ ) + ω02


112

Pratique de la m´ ecanique

Ecrivons z0 sous la forme z0 = ρ eiφ . Nous aurons alors x(t) = ρ cos(ωt + φ) o` u l’amplitude ρ est le module de z0 donn´ee par α0 ρ = r 2 (ω/τ )2 + ω02 − ω 2 La phase φ est donn´ee par Im(z0 ) −ω/τ = 2 Re(z0 ) ω0 − ω 2

tg(φ) = ou sin φ = r

−ω/τ (ω/τ )2 + ω02 − ω 2

2

L’amplitude ` a la fr´equence ω = ω0 , est donn´ee par ρ(ω = ω0 ) = α0 τ /ω0 . Le d´ephasage vaut alors − π2 . L’amplitude `a la fr´equence nulle (force constante) est ρ(ω = 0) = α0 /ω02 . Le rapport des amplitudes vaut ρ(ω = ω0 ) = ω0 τ ρ(ω = 0)

(2.32)

Cette ´equation montre que si on excite un syst`eme faiblement amorti (τ 1/ω0 ) ` a la r´esonance, on obtient une amplitude bien plus grande que si on le sollicite de fa¸con statique. Plus l’amortissement est faible, plus τ est grand et plus grande est l’amplitude de l’oscillation obtenue (fig. 2.31). C’est ce qu’on observe avec le pendule (fig. 2.27) dont l’amplitude dans l’air est tellement plus grande que dans l’eau. 12 10 w0t = 10

8 6

w0t = 4

4 2 0

wt = 2 0

0.2

0.4

0.6

0.8 w/w0

1

1.2

1.4

1.6

Fig. 2.31 Amplitude de l’oscillateur harmonique amorti en fonction de la fr´equence d’excitation. L’amplitude est normalis´ee a ` l’amplitude a ` fr´equence nulle. La fr´equence est normalis´ee a ` la fr´equence ω0 de l’oscillateur sans amortissement.

Ce r´esultat g´en´eralise une exp´erience de la vie courante : on peut gagner en hauteur en sautant d’un plongeoir au bon rythme. On n’arrive `a une hauteur maximale qu’apr`es un nombre de sauts voisin du nombre d’oscillations de la planche libre pendant lesquelles l’amplitude diminue fortement.


113

Le ph´ enom` ene de r´ esonance

Puissance

La puissance apport´ee au syst`eme r´esonnant par la force ext´erieure F vaut P = F · v. Il y a un transfert p´eriodique d’´energie entre la source de la force F et l’oscillateur harmonique. Ce qui importe cependant, c’est la moyenne sur un cycle. Elle est non nulle parce que le syst`eme dissipe une partie de l’´energie re¸cue par les frottements.

On cherche donc ` a expliciter hP i = hF · vi = f cos(ωt) Re z˙ , o` u hP i signifie la moyenne de P (t) sur une p´eriode, soit : 1 hP i = T

ZT P (t) dt

(2.33)

0

La vitesse s’obtient comme la partie r´eelle de z˙ = iωρ eiφ eiωt = iωρ cos(ωt + φ) + i sin(ωt + φ) Alors

hP i = f cos(ωt) sin(ωt + φ)(−ωρ)

= (−ωρf ) cos(ωt) sin(ωt) cos(φ) + cos(ωt) sin(φ)

−1 = (−ωρ)f cos2 (ωt) sin(φ) = f ωρ sin(φ) 2 Finalement (fig. 2.32) : hP i =

1 mα02 τ 2

1 ω02

− ω2 (ω/τ )2

2

(2.34)

! +1

P /Pmax

1

0.5

0

2 Δω

ω0

ω

Fig. 2.32 Puissance dissip´ee en fonction de la fr´equence d’excitation.

hP i est maximal quand ω = ω0 et vaut Pmax = 12 mα02 τ . hP i vaut la moiti´e de ce maximum quand 2 ω02 − ω 2 =1 (ω/τ )2


114

Pratique de la m´ ecanique

c’est-` a-dire quand |ω0 − ω|(ω0 + ω) = (ω/τ ). Dans l’approximation des amortissements faibles, on a ∆ω2ω0 ∼ = (ω0 /τ ). Il vient ainsi 2∆ω =

1 τ

(2.35)

o` u 2∆ω est la largeur ` a mi-hauteur de la raie repr´esentant l’absorption P en fonction de la fr´equence appliqu´ee. Compte tenu de (2.39) et (2.38), il vient Q=

ω0 2∆ω

(2.36)

Mise en contexte

Il y a une r´esonance qui appartient au domaine courant : celle d’une corde vibrante. Toutefois, comme on le montre `a la section 3.10, ce syst`eme m´ecanique donne lieu ` a une ´equation du mouvement consid´erablement plus complexe, car elle fait intervenir des d´eriv´ees partielles.

2.11 11.2

Aspects ´energ´etiques de l’oscillateur harmonique

La discussion suivante compl`ete la description de la ph´enom´enologie de l’oscillateur harmonique. On consid`ere ` a nouveau la solution (2.18) de l’oscillateur harmonique, mais sans amortissement : x = C cos(ω0 t + Φ) x˙ = −Cω0 sin(ω0 t + Φ) L’´energie cin´etique vaut T =

1 1 mx˙ 2 = mC 2 ω02 sin2 (ω0 t + Φ) 2 2

L’´energie potentielle est le travail effectu´e pour amener la masse de la position x ` a la position 0, la position de repos du ressort. L’´energie potentielle d’un ressort de constante k, d’´elongation x, vaut donc V (x) =

1 2 kx 2

L’´energie totale E = T + V vaut ainsi E = 12 mC 2 ω02 . On note que l’´energie E est ind´ependante du temps. En revanche, s’il y a amortissement, la grandeur E = 12 mx˙ 2 + 12 kx2 d´epend du temps. En effet avec x = e−γt C cos(ω1 t + Φ) on a x˙ = C e−γt −γ cos(ω1 + Φ) − ω1 sin(ω1 t + Φ) Le premier terme est n´egligeable pour un syst`eme faiblement amorti : γ ω0 . Alors 1 1 1 1 mx˙ 2 + kx2 ∼ mC 2 ω12 sin2 (ω1 t + Φ) + kC 2 cos2 (ω1 t + Φ) e−2γt = 2 2 2 2


Aspects ´ energ´ etiques de l’oscillateur harmonique

Au mˆeme ordre d’approximation : vient

p

E(t) =

115

ω02 − γ 2 ≈ ω0 . Compte tenu de (2.12), il

1 kC 2 e−t/τ 2

(2.37)

avec τ=

1 2γ

(2.38)

Dans la technique, il est fr´equent de caract´eriser un oscillateur faiblement amorti par un coefficient sans dimension appel´e facteur de qualit´ e , not´e Q. Le facteur de qualit´e est d´efinit comme le rapport : Q = 2π

(´energie emmagasin´ee dans l’oscillateur ) ´energie dissip´ee dans un cycle

Cette d´efinition implique Q = ω1 τ

(2.39)

En effet, d’une part la p´eriode vaut 2π/ω1 . D’autre part, la perte sur une p´eriode se calcule en multipliant la d´eriv´ee dE eriode, compte tenu de dt par la p´ (2.37) :

dE

2π 1 = E ω1 dt ω1 τ La substitution dans la d´efinition de Q de ce r´esultat fournit directement (2.39). On peut donc voir Q comme le nombre d’oscillations de l’oscillateur dans le temps qu’il faut pour que son amplitude d´ecroisse d’un facteur e multipli´e par 2π. Une autre intuition du sens du facteur de qualit´e vient de l’´evolution de l’´energie. L’´energie E = T + V de l’oscillateur harmonique d´ecroˆıt comme e−2γt = e−t/τ = e−tω1 /Q Plus Q est grand, plus l’´energie se dissipe lentement. Le facteur de qualit´e est utilis´e pour d´ecrire plusieurs aspects des syst`emes r´esonnants. Le terme «qualit´e» vient sans doute du r´esultat suivant. On verra ci-dessous avec le r´esultat (2.32) que l’amplitude `a la r´esonance est celle de la d´eviation statique multipli´ee par le coefficient ω1 τ , c’est-`a-dire le facteur Q. Le facteur de qualit´e est souvent de 100, il peut ˆetre de 10 000, par exemple pour un quartz. Mise en contexte

On est habitu´e au stockage de l’´energie sous la forme de batteries ´electrochimiques, ou de barrages. Quelques exemples `a la section 3.11 permettent de r´ealiser qu’une grande quantit´e d’´energie peut aussi ˆetre emmagasin´ee sous la forme de la rotation d’un solide.


116

Pratique de la m´ ecanique

2.12 12.2

2.12.1

Analyse de collisions

Collision ´elastique

Quand, dans l’analyse d’une collision, on ajoute `a la conservation de la quantit´e de mouvement celle de l’´energie cin´etique (collision ´elastique), alors l’ensemble des ´etats finals possibles est consid´erablement restreint. Examinons la collision ´elastique de deux points mat´eriels de masses m1 et m2 (fig. 2.33). Initial

Final

y

12.3

p1i

m1

p2i = 0

m1

p1f

y

θ1

x

m2

x

θ2 m2 p2f

Fig. 2.33 Etat initial et ´etat final, d´efinition des angles.

Prenons pour r´ef´erentiel celui o` u m2 est `a l’arrˆet avant le choc. L’analyse porte sur l’´etat du mouvement des deux particules bien avant (´etat initial) et bien apr`es la collision (´etat final), quand elles sont libres de force. La conservation de la quantit´e de mouvement et de l’´energie cin´etique s’´ecrit : p1i + p2i = p1f + p2f T1i + T2i = T1f + T2f Les indices i et f se r´ef`erent aux ´etats initial et final. En projetant sur les axes x et y du r´ef´erentiel, on obtient le syst`eme d’´equations : p1i = p1f cos θ1 + p2f cos θ2

(2.40)

0 = p1f sin θ1 − p2f sin θ2

(2.41)

p21i 2m1

=

p21f 2m1

+

p22f 2m2

Elevons au carr´e les ´equations (2.40) et (2.41) : (p1i − p1f cos θ1 )2 = p22f cos2 θ2 p21f sin2 θ1 = p22f 1 − cos2 θ2 Eliminons θ2 :

(p1i − p1f cos θ1 )2 = p22f − p21f sin2 θ1

Eliminons p2f avec (2.42) : m2 m2 p21f 1 + − 2p1i p1f cos θ1 + p21i 1 − =0 m1 m1

(2.42)


Analyse de collisions

C’est une ´equation du deuxi`eme degr´e en p1f dont les solutions sont ( 1/2 ) p1f v1f m1 m22 2 = = cos θ1 ± cos θ1 − 1 − 2 p1i v1i m1 + m2 m1

117

(2.43)

Si v1i est donn´e (avec v2i = 0), on trouve ainsi une relation entre le module v1f de la vitesse finale de la particule 1, l’angle final de d´eviation θ1 et la vitesse initiale v1i . Pour d´eterminer θ1 et v1f , il faut encore l’information sur le d´etail de la force d’interaction. On en verra un exemple avec la force de la gravitation. On peut obtenir une propri´et´e particuli`ere quand les masses sont ´egales. La conservation de la quantit´e de mouvement fournit alors v 1i = v 1f + v 2f et la conservation de l’´energie cin´etique devient v 21i = v 21f + v 22f . En faisant le produit scalaire de la premi`ere ´equation avec elle-mˆeme, compte tenu de la deuxi`eme, il vient : 0 = v 1f · v 2f = v1f v2f cos(θ1 + θ2 ). Alors, soit une des deux vitesses est nulle, c’est le cas colin´eaire ´etudi´e ci-dessous, soit le cosinus est nul, donc θ1 + θ2 = π2 . On observe cette solution dans le cas de choc entre boules de billard, pour autant que la vitesse de la boule incidente ne soit pas dirig´ee vers le centre de la boule immobile. Si l’on impose en plus que les points mat´eriels sont astreints `a se d´eplacer sur une ligne droite, c’est-` a-dire θ1 = 0 alors il vient de (2.43) : s ( ) v1f m1 m21 − m22 m1 − m2 = 1± 1− = 1 ou v1i m1 + m2 m21 m1 + m2 Si v1f = v1i alors v2f = 0. Cela revient `a dire qu’il n’y a pas de collision. Ce sont les manipulations alg´ebriques qui ont introduit cette solution triviale. Retravaillons l’´equation de l’´energie cin´etique (2.42) pour trouver v2f en fonction de v1i dans ce cas : 1 1 1 2 2 2 m1 v1i = m1 v1f + m2 v2f 2 2 2! 2 v1f m1 2 m1 2 (m1 − m2 )2 2 v2f = v 1− 2 = v 1− m2 1i v1i m2 1i (m1 + m2 )2 D’o` u on tire v2f =

2m1 v1i (m1 + m2 )

Si m1 = m2 , alors v1f = 0 et v2f = v1i . C’est le r´esultat observ´e lors des exp´eriences avec le banc ` a air et des chocs ´elastiques. Si m1 m2 , c’est-`a-dire si m2 est pratiquement comme un mur, alors v2f = 0 (le mur ne bouge pas) et v1f = −v1i . Cela veut dire que m1 rebondit avec la mˆeme vitesse scalaire |v|. Remarque. Lorsqu’on joue du billard, on peut observer des ph´enom`enes qui n´ecessitent une description qui sort du cadre de la m´ecanique du point mat´eriel. Un professionnel peut imposer des trajectoires incurv´ees obtenues par la rotation des boules de billard. Il s’agit donc d’exp´eriences o` u les billes ne peuvent pas ˆetre mod´elis´ees par des points mat´eriels.


118

2.12.2

Pratique de la m´ ecanique

Collisions in´elastiques

On ne peut plus appliquer l’´equation de conservation de l’´energie cin´etique s’il s’agit d’un choc in´elastique, par d´efinition. En revanche, on peut vouloir caract´eriser la collision par l’´energie d´egag´ee par la collision. On ´ecrit T1i + Q = T1f + T2f pour avoir Q = Tfinal −Tinitial . Q est ainsi d´efini comme une production d’´energie cin´etique. Q est positif si de l’´energie est lib´er´ee par la collision. Exemple 2.6 Consid´erons le cas o` u les deux masses sont accol´ees apr`es la collision. Notons p1 la quantit´e de mouvement initiale d’un des points mat´eriels. On consid`ere encore une fois que l’autre est immobile initialement. Apr`es le choc, la masse du syst`eme des deux masses est m1 + m2 . La conservation de la quantit´e de mouvement implique que la vitesse de l’assemblage vaut p1 /(m1 + m2 ). L’´energie cin´etique n’est pas conserv´ee dans un tel choc. En effet, on a l’´energie cin´etique initiale : Ti =

1 m1 v12 2

L’´energie cin´etique finale peut ˆetre calcul´ee explicitement, grˆace `a la conservation de la quantit´e de mouvement (qui suffit pour une collision unidimensionnelle) : Tf =

1 (m1 + m2 ) 2

m1 v1 m1 + m2

On trouve donc Q = Tf − Ti = −

2 =

m21 1 v2 2 m1 + m2 1

1 m1 m2 2 v 2 m1 + m2 1

Le principe de la conservation de la quantit´e de mouvement implique pour ce cas-ci que Q est n´egatif. Il y a donc une perte d’´energie cin´etique. L’´energie est emmagasin´ee dans les d´eformations plastiques de la pˆate `a modeler (fig. 1.21) ou dans tout autre m´ecanisme assurant l’accolement des deux plots.

Exemple 2.7 Mod`eles pour les collisions de sph`eres Un mod`ele couramment utilis´e consiste `a dire que dans une collision in´elastique, les vitesses normales `a la surface de collision ob´eissent `a la loi empirique : v2f − v1f = e(v1i − v2i ) o` u le coefficient e est appel´e coefficient de restitution. Un article de 1958, donc relativement r´ecent sur l’´echelle de temps du d´eveloppement de


Loi de la gravitation de Newton

119

la m´ecanique rationnelle, pr´esente des mesures de collision entre des sph`eres m´etalliques [23], [24].

Mise en contexte

Dans ce qui suit, on montre comment les observations de Kepler pr´esent´ees dans leur contexte historique `a la section 3.12 permettent d’aboutir `a la loi de la gravitation universelle de Newton.

2.13

Loi de la gravitation de Newton

Kepler avait analys´e les donn´ees astronomiques de son maˆıtre qui avait soi- 13.2 gneusement mesur´e l’orbite de plan`etes orbitant autour du Soleil. Kepler en avait ainsi d´eduit en particulier ce qu’il avait appel´e « la loi des aires », qui revient ` a exprimer la conservation du moment cin´etique (sect. 3.12). Pour exploiter ce r´esultat, on exprime le moment cin´etique en coordonn´ees cylindriques (r, θ, z) d´efinies dans le plan de l’orbite d’une plan`ete, en prenant l’origine O sur le Soleil : ˙ θ = mr2 θe ˙ z = Lez LO = mrer ∧ re ˙ r + rθe (2.44) avec

L = mr2 θ˙

(2.45)

et ez le vecteur unitaire normal au plan de l’orbite. On exprime aussi les ´equations du mouvement en coordonn´ees cylindriques. On montre ici qu’une force d’attraction centrale de magnitude −K/r2 (K > 0) implique que les orbites sont elliptiques (deuxi`eme loi de Kepler). Comme cette force est centrale, le moment cin´etique LO est forc´ement conserv´e. Par cons´equent, le mouvement a lieu dans un plan perpendiculaire `a LO . Les ´equations du mouvement en coordonn´ees cylindriques (avec z = 0) sont −K m r¨ − rθ˙2 = 2 r ¨ ˙ m rθ + 2r˙ θ = 0

(2.46) (2.47)

L’´equation du mouvement (2.47) est ´equivalente `a la conservation du moment cin´etique L. Il suffit de d´eriver L = mr2 θ˙ par rapport au temps pour le constater. L’´equation du mouvement (2.46) peut s’int´egrer une fois en multipliant par r˙ et en rempla¸cant θ˙ par son expression en termes de L et r. Il apparaˆıt alors des termes qui s’identifient tout de suite comme des d´eriv´ees par rapport au temps : L2 r˙ −K r˙ m r¨ ˙ r − rr˙ θ˙2 = m r¨ ˙r − 2 3 = m r r2 d 1 2 L2 K mr˙ + − =0 dt 2 2mr2 r


120

Pratique de la m´ ecanique

Il vient ainsi une constante du mouvement, l’´energie m´ecanique (1.11) : E=

K 1 1 1 L2 K m r˙ 2 + r2 θ˙2 − = mr˙ 2 + − 2 2 r 2 2 mr r

(2.48)

Des ´equations du mouvement, il est possible de tirer une ´equation diff´erentielle pour la trajectoire. L’´equation du mouvement (2.46), compte tenu de la conservation du moment cin´etique, s’´ecrit : m¨ r−

L2 −K = 2 mr3 r

On op`ere un changement de variable : q = 1r . Par diff´erentiation, les expressions suivantes sont obtenues : −1 dq ˙ dq L dq θ = −r2 θ˙ =− q 2 dθ dθ m dθ L d2 q ˙ L d2 q L L2 2 d2 q r¨ = − θ = − = − q m dθ2 m dθ2 mr2 m2 dθ2 r˙ =

En substituant dans l’´equation du mouvement, il vient d2 q Km +q = 2 2 dθ L Cette ´equation diff´erentielle est de la forme de celle de l’oscillateur harmonique. Elle a donc une solution g´en´erale de la forme q=

1 Km = 2 + C cos(θ + θ0 ) r L

(2.49)

On peut poser C > 0 sans perte de g´en´eralit´e. C’est l’´equation d’une conique (ellipse, parabole ou hyperbole) dont O est le foyer. Les deux valeurs extr´emales de r sont n´ecessairement donn´ees par 1 Km = 2 +C r1 L

1 Km = 2 −C r2 L

Si C > Km/L2 , il n’y a qu’un seul extremum, car r ne peut pas ˆetre n´egatif. L’orbite est une hyperbole. Si C < Km/L2 , il s’agit d’une ellipse et si C = Km/L2 , il s’agit d’une parabole. Une discussion qualitative permet d’identifier efficacement ces diff´erents r´egimes (probl`eme 5.22), sans avoir recours `a une int´egration comme ici. La d´erivation ci-dessus aurait pu ˆetre conduite dans l’ordre inverse. On aurait dit que l’orbite est une ellipse (2.49) avec l’´equation horaire donn´ee par (2.45). On aurait alors trouv´e pour cette ´equation horaire une ´equation du mouvement avec un terme en K/r2 . Kepler avait ´egalement remarqu´e que le rapport du carr´e de la p´eriode de l’orbite et du cube de son demi axe avait la mˆeme valeur pour toutes les


121

Loi de la gravitation de Newton

plan`etes. On va voir que cette observation nous dit quelque chose de crucial `a propos de la constante K ! Pour invoquer la p´eriode, il suffit de consid´erer : dt 1 mr2 = = dθ L θ˙ De l` a, il vient dt = (mr2 /L) dθ et la p´eriode : ZT

Z2π dt = T =

0

mr2 dθ L

0

Vu le lien entre la vitesse ar´eolaire et le moment cin´etique, TmL ´egale deux fois l’aire A de l’ellipse. Cela se confirme en exprimant l’int´egrale sur θ comme une int´egrale double : TL = m

Z2π

Z2π

2

r dθ = 0

r(θ) Z dθ 2r0 dr0 = 2A

0

0

Ainsi, pour trouver la p´eriode, il suffit de calculer l’aire de l’ellipse : 1 A= 2

Z2π 0

dθ (KM /L2

2

+ C cos θ)

Cette int´egrale peut ˆetre obtenue dans une table ou avec un programme comme Mathematica. Il vient 2π Km/CL2 TL 1 = 2 3/2 2 m C KM /CL2 − 1 Notons 2a le grand axe de l’ellipse : Km 2 2 1 1 1 CL 2a = + = 2 Km Km C KM −C +C −1 L2 L2 CL2 Par cons´equent, le rapport invoqu´e par la troisi`eme loi de Kepler vaut T2 4π 2 m = 3 a K Il faut que ce rapport soit ind´ependant de m, puisqu’il doit ˆetre le mˆeme pour toutes les plan`etes. Par cons´equent, la constante K doit ˆetre proportionnelle `a m ! Comme l’action est mutuelle entre le Soleil et la plan`ete, si la constante K est proportionnelle ` a la masse d’un des astres de l’interaction, elle doit aussi ˆetre proportionnelle ` a la masse de l’autre astre.


122

Pratique de la m´ ecanique

Ainsi, en 1677, Newton d´eduit des donn´ees astronomiques et des lois de Kepler en particulier la loi de la gravitation. « Dans cette philosophie (la philosophie exp´erimentale), les propositions sont tir´ees des ph´enom`enes et g´en´eralis´ees par induction », dit Newton [25]. La force d’attraction mutuelle entre deux masses ponctuelles M et m (fig. 2.34) est donn´ee par F =−

GM m r r2 r

(2.50)

r est le rayon vecteur joignant les deux masses et G une constante universelle, G = 6,67300 × 10−11 m3 kg−1 s−2 . m r

F

M

Fig. 2.34 Force gravitationnelle que la masse M exerce sur la masse m.

Mise en contexte

Ici, on n’a consid´er´e que deux masses, dont l’une ´etait `a l’origine du syst`eme de coordonn´ees. Quel est le rapport entre cette loi de la gravitation et la pesanteur ? On peut comprendre et calculer le champ de la pesanteur en ´evaluant la r´esultante des forces d’attraction entre un objet `a la surface de la Terre et toutes les masses ponctuelles qui constituent la Terre (sect. 3.13).

2.14

Charges dans un champ magn´etique, frottement sur plan inclin´e

14.2

2.14.1

Charge ponctuelle dans un champ magn´etique

A titre d’exemple, on traite ici le cas d’un point mat´eriel, charg´e ´electriquement, en pr´esence d’un champ B uniforme constant. Soit une particule de masse m, de charge q, dans un champ d’induction B constant et uniforme (fig. 2.35). On prend l’axe z le long du champ, avec B = Bez . La deuxi`eme loi de Newton fournit mv˙ = qv ∧ B. Pour simplifier les ´ecritures, on pose ω = qB equation du mouvement devient m . L’´ v˙ = −ω ∧ v

(2.51)

On reconnaˆıt ici la forme de l’´equation du mouvement pour un point mat´eriel d´ecrivant un mouvement circulaire uniforme, r˙ = ω ∧ r. L’´equation du mouve-


123

Charges dans un champ magn´ etique, frottement sur plan inclin´ e

z B

O

y

x

Fig. 2.35 Choix des axes : z parall`ele au champ d’induction uniforme B.

ment (2.51) implique que la vitesse |v| est constante (car dv 2 /dt = 2v · v˙ = 0) et que v est en rotation ` a la vitesse angulaire constante : ω=

qB m

(2.52)

Pour analyser la trajectoire, on pose les conditions initiales : t = 0 x = x0

z = z0

y = y0

vx = 0 vy = v1

vz = vz0

Projetons l’´equation vectorielle du mouvement (2.51) sur le syst`eme d’axes cart´esiens : v˙ x = ωvy

(2.53)

v˙ y = −ωvx

(2.54)

v˙ z = 0

(2.55)

L’´equation (2.55) s’int`egre imm´ediatement : z(t) = z0 + vz0 t. Dans le plan (x, y), nous avons par d´erivation par rapport au temps de (2.53) et (2.54) : v¨x = ω v˙ y = −ω 2 vx v¨y = −ω v˙ x = −ω 2 vy On reconnaˆıt des ´equations d’oscillateurs harmoniques, dont les solutions sont de la forme vx = a sin(ωt + φ)

(2.56)

vy = a cos(ωt + φ)

(2.57)

L’amplitude a et la phase φ sont les mˆemes pour les deux ´equations car il faut satisfaire (2.54). Comme vx = 0 `a t = 0, φ = 0. Comme vy (0) = v1 = a, on a vy = v1 cos(ωt) et vx = v1 sin(ωt). On int`egre (2.56) par rapport au temps pour obtenir l’´equation horaire : x(t) = −

v1 cos ωt + C ω


124

Pratique de la m´ ecanique

La constante C s’obtient de la condition initiale : x(0) = x0 = C −

v1 v1 =⇒ C = x0 + ω ω

Donc x(t) = x0 +

v1 v1 − cos ωt ω ω

Enfin, par int´egration de (2.57), il vient y(t) = y0 +

v1 sin ωt ω

La projection sur le plan (x, y) de la trajectoire a la propri´et´e :

x − x0 −

v1 2 v2 + (y − y0 )2 = 12 ω ω

14.3

Fig. 2.36 D´eviation circulaire d’un faisceau d’´electrons dans un tube cathodique de forme sph´erique. Le faisceau est rendu visible par la pr´esence d’un gaz a ` pression faible. Le point lumineux est la cathode g´en´erant le faisceau d’´electrons. Des bobines de Helmoltz (hors du cadre de la photo) produisent le champ d’induction magn´etique normal au plan de l’image.

C’est donc un cercle (fig. 2.36) de rayon r=

v1 mv1 = ω qB

(2.58)

Mise en contexte

Le cercle est parcouru en un temps qui ne d´epend pas du rayon. Cette propri´et´e a rendu possible la construction des premiers acc´el´erateurs, appel´es cyclotrons (§ 3.14.1).


Charges dans un champ magn´ etique, frottement sur plan inclin´ e

2.14.2

125

Exp´eriences avec frottements sec

Mesure des coefficients de frottement statique et cin´etique On peut imaginer la mesure suivante des coefficients de frottement statique et cin´etique µs et µc [26]. L’objet est pos´e immobile sur un plan inclin´e. En inclinant le plan de plus en plus, la pesanteur tend de plus en plus `a faire glisser l’objet. Tant qu’il n’y a pas de glissement, N + F + P = 0. L’angle critique αs est celui qui provoque le d´ecrochement, le d´ebut de la glissade. A cet angle, en projetant le bilan des forces sur la normale et la tangente `a la surface, on a N = P cos αs µs N = P sin αs d’o` u on tire µs = tg αs . Pour mesurer µc on peut imaginer une exp´erience o` u le solide, soumis ` a la pesanteur, glisse `a vitesse constante sur le plan inclin´e d’un angle αc (fig. 2.37). On a encore N + F + P = 0 et en projetant les forces comme avant : µc = tg αc . F

N

a a

mg

Fig. 2.37 Plot arrˆet´e ou en mouvement uniforme sous l’effet combin´e de la pesanteur et de la force de frottement.

Exemple 2.8 Manche en bois soutenu par deux doigts Une cons´equence amusante de la diff´erence entre les coefficients cin´etique et statique se manifeste dans l’exp´erience suivante. Un manche de bois est soutenu par deux doigts tendus (fig. 2.38), plac´es d’abord aux extr´emit´es du manche. Les doigts sont lentement rapproch´es. On observe qu’un seul doigt glisse ` a la fois. Ce ph´enom`ene est une cons´equence de la diff´erence des coefficients cin´etiques et statiques de frottement (probl`eme 5.10 ; [27]). A

B

a

G

b

Fig. 2.38 Les doigts soutiennent la barre en A et B. G est le centre de masse.


126

Pratique de la m´ ecanique

Exemple 2.9 Oscillation d’une barre sur deux roues Une variante de l’exp´erience pr´ec´edente consiste `a poser une barre sur deux poulies en rotations uniformes mais de sens de rotation oppos´es. La barre oscille parce qu’une roue est en r´egime de frottement statique, l’autre en r´egime de frottement cin´etique (fig. 2.39). Comme ci-dessus pour les deux doigts, c’est ` a tour de rˆ ole que les poulies sont en r´egime statique ou cin´etique, selon la position de la barre.

14.3

Fig. 2.39 Mouvement pendulaire d’une barre pos´ee sur deux roues en rotation uniforme de mˆeme vitesse angulaire, mais de sens oppos´es.

Mise en contexte

Les nanosciences permettent de cerner les m´ecanismes du frottement `a l’´echelle atomique. La science des mat´eriaux cherche toujours `a obtenir des coefficients de friction aussi petits que possible (§ 3.14.2).

2.15 15.2

Exemples de r´ef´erentiels acc´el´er´es

Ligne droite vue dans un r´ef´erentiel en rotation Un petit montage (fig. 2.40) permet de rep´erer point par point dans un r´ef´erentiel en rotation, la position d’un point mat´eriel B qui suit une trajectoire rectiligne dans le r´ef´erentiel de l’auditoire. La courbe du jet d’eau observ´ee quand on utilise une cam´era en rotation (fig. 1.28) est pr´ecis´ement celle obtenue par ce marquage.

A fil

tra

ce

B

Fig. 2.40 Un plot B attach´e a ` un fil tendu qui se d´eroule du disque A. On marque sur le disque tournant les positions occup´ees par le plot B


127

Exemples de r´ ef´ erentiels acc´ el´ er´ es

Pendule dans train acc´el´er´e Un train sur une voie horizontale rectiligne a une acc´el´eration aa (A) = a constante. Le pendule est suppos´e immobile dans le train (fig. 2.41). Quel est l’angle d’inclinaison du pendule ? x2

y2

T

0

θ

a y1

A

x1

Fig. 2.41 Pendule dans un train.

D’abord, d´ecrivons la situation avec un r´ef´erentiel absolu, le sol. Il y a deux forces, le poids mg et la tension du fil T . Le pendule a une acc´el´eration a = aˆ x1 . Projetons maa (P ) = F sur les axes Ox1 x2 : ma = T sin θ 0 = −mg + T cos θ On d´eduit : tg θ = a/g. Ensuite, reprenons la mˆeme situation en la d´ecrivant par rapport au r´ef´erentiel du wagon. Il faut tenir compte de la force d’inertie : mar (P ) = F − maa (A) Puisqu’on suppose que le pendule n’oscille pas, ar (P ) = 0. De plus, on a aa (A) = a = a y ˆ1 . Projetons sur Ay1 y2 : 0 = T sin θ − ma 0 = −mg + T cos θ Nous avons comme il se doit le mˆeme syst`eme d’´equations. Poids apparent Quel est le poids apparent d’une personne dans un ascenseur acc´el´er´e ? Convenons que le poids est mesur´e par l’extension d’un ressort quand il est au repos (fig. 2.42). Disons que l’ascenseur est acc´el´er´e vers le haut. Avec la notation usuelle, on a aa (A) = a = a y ˆ3 Projetons mar (P ) = −maa (A) + T sur l’axe y3 : mar = −mg + T − ma La mesure se fait quand le poids est immobile dans l’ascenseur. Par cons´equent, la force de soutien T = m(a + g). T est cette mesure du poids apparent dans l’ascenseur.


128

Pratique de la m´ ecanique

y3

a

ressort

T masse

mg

Fig. 2.42 Mesure de poids dans un ascenseur d’acc´el´eration a.

Mod`ele de centrifugeuse Un point mat´eriel pesant de masse m se d´eplace `a l’int´erieur d’un tube horizontal tournant ` a la vitesse angulaire Ω constante autour d’un axe vertical (fig. 2.43). Ce dispositif pourrait ˆetre un mod`ele de centrifugeuse. On admet qu’il n’y a pas de frottement. Le tube exerce sur le point mat´eriel une force normale ` a la surface du tube. x3, y3

y2

O

R

x2

x1 mg

y1

Fig. 2.43 Un point mat´eriel astreint a ` se d´eplacer dans un tube en rotation. R est la r´eaction du tube.

On choisit ici de d´ecrire le mouvement par rapport au tube en appliquant les r´esultats de la cin´ematique du mouvement relatif. On pourrait alternativement d´ecrire ce syst`eme avec des coordonn´ees cylindriques dans le r´ef´erentiel du laboratoire. On d´efinit (fig. 2.43) : • •

le r´ef´erentiel absolu : Ox1 x2 x3 , le r´ef´erentiel relatif : Oy1 y2 y3 , avec Oy1 le long du tube.


Exemples de r´ ef´ erentiels acc´ el´ er´ es

129

La r´eaction R est normale `a la surface du tube : R = R2 y ˆ2 + R3 y ˆ3     y˙ 1 y¨1 v r = y˙ 2  ar = y¨2  y˙ 3 y¨3 Les contraintes sont y2 = y3 = 0 y˙ 2 = y˙ 3 = 0 On calcule alors les diff´erents termes de l’acc´el´eration absolue : ω ∧ (ω ∧ AP ) = −ω 2 y1 y ˆ1 2ω ∧ v r (P ) = 2ω y˙ 1 y ˆ2 Les ´equations du mouvement sont ainsi : m y¨1 − ω 2 y1 = 0 m2ω y˙ 1 = R2 0 = R3 − mg La premi`ere ´equation permet de d´eterminer y1 (t). Les deux autres donnent alors la force de liaison R. On voit que la force de contrainte dans la direction y 2 est associ´ee ` a l’acc´el´eration de Coriolis. La premi`ere ´equation peut ˆetre imm´ediatement int´egr´ee en multipliant par y˙ 1 et en observant que l’expression (3) est une d´eriv´ee totale de 12 my˙ 12 − 12 mωy12 . Cette grandeur est donc constante . Pendule sur porte tournante Un pendule oscille dans le plan d’une porte en rotation uniforme (fig. 2.44). On choisit ici de r´esoudre ce probl`eme par la m´ethode du mouvement relatif, en d´efinissant : •

r´ef´erentiel absolu : Ox1 x2 x3 et r´ef´erentiel relatif : Ay1 y2 y3 ;

coordonn´ees cylindriques : ρ, φ, y3 ;

liaisons : y3 = 0, ρ = ` constante ;

vitesse angulaire de rotation de Ay1 y2 y3 par rapport `a Ox1 x2 x3 : ω constante.

Ainsi, dans cet exemple, on applique le formalisme du mouvement relatif, en utilisant des coordonn´ees g´en´eralis´ees relatives au r´ef´erentiel relatif ! Les (3)

Ce n’est pas l’´ energie cin´ etique (signe), voir la section 1.10. L’´ energie cin´ etique 1 mω 2 y12 n’est pas conserv´ ee parce que R2 travaille. 2

1 my˙ 12 2

+


130

Pratique de la m´ ecanique

x3 A y3 φ

T

ω R

P

O

x2 y2 mg

x1

porte y1

Fig. 2.44 Pendule sur porte tournante.

projections des vecteurs position, vitesse et acc´el´erations sur le rep`ere associ´e aux coordonn´ees cylindriques donnent   ` r = 0 0

 0 v r = `φ˙  0

  −`φ˙ 2 ar =  `φ¨  0

Par inspection du graphique, il est possible de poser : ˙ cos φˆ 2ω ∧ v r = −2ω φ` y3

(2.59)

En cas de doute, il faut passer par les projections. Faisons-le pour le terme centrip`ete :   −ω cos φ ω =  ω sin φ  0 donc 

 0  0 ω∧r = −ω` sin φ et  −ω 2 ` sin2 φ ω ∧ (ω ∧ r) = −ω 2 ` sin φ cos φ 0 


131

Exemples de r´ ef´ erentiels acc´ el´ er´ es

Appelons R la composante de la force de liaison normale au plan et T la traction du fil du pendule. Les ´equations du mouvement s’obtiennent apr`es avoir projet´e la pesanteur :     −`φ˙ 2 − ω 2 ` sin2 φ mg cos φ − T m `φ¨ − ω 2 ` sin φ cos φ =  −mg sin φ  ˙ cos φ R −2ω φ` Ces ´equations auraient pu ˆetre obtenues plus directement en utilisant les coordonn´ees sph´eriques dans le r´ef´erentiel absolu. C’est bien ce qu’il faut : si nous utilisons les mˆemes coordonn´ees pour deux visions, nous devons trouver le mˆeme r´esultat. (Attention : en coordonn´ees sph´eriques notre ω serait un −φ˙ et notre φ serait le θ des coordonn´ees sph´eriques.) Exemple 2.10 Cin´ematique dans la perspective du mouvement relatif Il y a des termes de l’acc´el´eration en coordonn´ees cylindriques qui sont identifiables ` a l’acc´el´eration centrip`ete et `a l’acc´el´eration de Coriolis du mouvement relatif. z

ez ρ eφ P eρ v

ez ex O φ

x

y

ey

u

Fig. 2.45 Le rep`ere des coordonn´ees cylindriques vu comme un r´ef´erentiel relatif !

Le rep`ere O, x, y, z est ici consid´er´e comme r´ef´erentiel absolu, le rep`ere O, u, v, z comme r´ef´erentiel en rotation qui suit le point P (fig. 2.45). Le ˙ z. vecteur de vitesse angulaire est donc ω = φe Exprimons la vitesse et l’acc´el´eration du point P dans le r´ef´erentiel (O, u, v, z) en utilisant le formalisme du mouvement relatif : ˙ z ∧ ρˆ v a (P ) = v r (P ) + Ω ∧ OP = ρˆ ˙ u + z˙ zˆ + φe u + z zˆ ˙ v = ρe ˙ φ + z˙ zˆ = ρˆ ˙ u + z˙ zˆ + ρφˆ ˙ ρ + ρφe


132

Pratique de la m´ ecanique

On retrouve bien la formule ´etablie pour la vitesse ! Il en va de mˆeme pour l’acc´el´eration : aa (P ) = ar (P ) + ω ∧ (ω ∧ OP ) + ω ˙ ∧ OP + 2ω ∧ v r ˙ z ∧ φe ˙ z ∧ ρeρ + zez + φe ¨ z ∧ ρeρ + zez = ρ¨eρ + z¨ez + φe ˙ z ∧ ρe + 2φe ˙ ρ + ze ˙ z = ρ¨eρ + z¨ez − ρφ˙ 2 eρ + 2φ˙ ρe ˙ φ 2 ˙ ¨ = ρ¨ − ρφ eρ + z¨ez + ρφ + 2φ˙ ρ˙ eφ

Mise en contexte

Au d´ebut du xxe si`ecle, pour explorer la structure int´erieure des atomes, il suffisait d’utiliser les particules ´emanant d’une substance radioactive. L’´energie d’interaction entre la particule incidente et le noyau ´etait suffisamment grande pour que la particule soit r´etro- diffus´ee, indiquant une charge positive de tr`es petite taille (sect. 3.15).

2.16 16.2

2.16.1

Mouvements `a la surface de la Terre

Perturbation du mouvement vertical

On consid`ere une chute libre ou un tir vertical `a la surface de la Terre. Pour all´eger les ´ecritures, les coordonn´ees cart´esiennes dans le r´ef´erentiel relatif (A, y1 , y2 , y3 ) seront d´enot´ees (x, y, z) (fig. 2.46). Les deux mouvements peuvent s’exprimer par les conditions initiales : v r (t = 0) = v0 zˆ et r(t = 0) = z0 zˆ. w

z

j w

A l

j

x

Fig. 2.46 Ax vers le sud, Az vertical vers le haut, Ay vers l’est, co-latitude λ, latitude ϕ.

On projette l’´equation du mouvement (1.26) de la dynamique terrestre ar (P ) = g +

F − 2ω ∧ v r (P ) m


Mouvements ` a la surface de la Terre

133

obtenue dans le rep`ere (A, x ˆ, y ˆ, zˆ), en utilisant l’angle de latitude ϕ au lieu de la co-latitude λ et en n´egligeant toutes les corrections d’ordre ω 2 . On a       −ω cos ϕ x˙ 0  0 ω= v rel (P ) =  y˙  g= 0  ω sin ϕ z˙ −g

 

x

−2yω ˙ sin ϕ

ˆ −ω cos ϕ x˙

ˆ 0 y˙

=  2xω ˙ sin ϕ + 2zω ˙ cos ϕ  2ω ∧ v rel (P ) = 2

y

zˆ ω sin ϕ z˙

−2ω cos ϕy˙ Les ´equations du mouvement sont ainsi : x ¨ = +2yω ˙ sin ϕ

(2.60)

y¨ = −2zω ˙ cos ϕ − 2xω ˙ sin ϕ

(2.61)

z¨ = +2ω cos ϕy˙ − g

(2.62)

On peut int´egrer (2.60) : x(t) ˙ − x(0) ˙ = +2 y(t) − y(0) ω sin ϕ |{z} |{z} =0

=0

x˙ = +2ω sin ϕy L’´equation (2.62) fournit z(t) ˙ − z(0) ˙ = +2ω cos ϕ y(t) − y(0) − gt |{z} |{z} v0

=0

c’est-` a-dire : z˙ = v0 − gt + 2ω cos ϕy. On peut substituer ces expressions de x˙ et z˙ dans (2.61) : y¨ = −2[v0 − gt + 2ω cos ϕy]ω cos ϕ − 2[2ω sin ϕy]ω sin ϕ c’est-` a-dire : y¨ = −2ω cos ϕ(v0 − gt) − 4ω 2 y. Comme on n´eglige tous les termes 2 en ω , on a en premi`ere approximation : y¨ ' −2ω cos ϕ(v0 − gt) Cette approximation est un exemple de calcul de perturbation au premier ordre. Cette m´ethode permet d’int´egrer simplement, compte tenu des conditions initiales : 1 1 y(t) = −2ω cos ϕ v0 t2 − gt3 2 6 On a trouv´e y(t), qui repr´esente une d´eviation de la verticale, non nulle, de l’ordre de grandeur de ω. On peut alors la substituer dans l’expression de z. ˙ Il apparaˆıt un terme en ω 2 qui doit ˆetre n´eglig´e pour maintenir la coh´erence des approximations : 1 1 z˙ = v0 − gt − 4ω 2 cos2 ϕ v0 t2 − gt3 2 6 | {z } n´ eglig´ e


134

Pratique de la m´ ecanique

Par int´egration, on tire

1 2 gt 2 Ainsi, dans la verticale, tout se passe comme si la Terre ´etait fixe, `a cet ordre d’approximation. z(t) = z0 + v0 t −

On estime maintenant la d´eviation de la verticale dans le cas du tir vertical vers le haut, partant de z0 = 0. Le sommet de la trajectoire est atteint quand z˙ = 0, donc t = v0 /g. Le temps de la mont´ee plus celui de la descente vaut T = 2v0 /g. Par cons´equent, la d´eviation dans la direction y vaut : 4 v3 y(T ) = − ω cos ϕ 02 3 g Comme y(t) < 0, il s’agit d’une d´eviation vers l’ouest. Une v´erification exp´erimentale de l’effet de la rotation de la Terre a ´et´e conduite pour une chute verticale. La d´erivation ci-dessus appliqu´ee `a une chute verticale donne lieu `a une d´eviation vers l’est. Une chute d’une hauteur de 158 m `a la latitude ϕ = 51◦ produit une d´eviation de 2,8 cm. 2.16.2

Perturbation du mouvement horizontal

Il vient des ´equations du mouvement (2.60-2.62) sous la contrainte z = constante : x ¨ = +2ω y˙ sin ϕ

(2.63)

y¨ = −2ω x˙ sin ϕ

(2.64)

Un petit croquis (fig. 2.47) permet de se convaincre que ces ´equations pr´evoient une d´eviation vers la droite quand on regarde dans le sens de v, si sin ϕ > 0, c’est-` a-dire si le mouvement se passe dans l’h´emisph`ere Nord. La d´eviation est a gauche dans l’h´emisph`ere Sud. ` Rt Rt L’int´egration de l’´equation fournit : 0 x ¨ dt = 0 2ω y˙ sin ϕ dt, soit : x(t) ˙ − x(0) ˙ = 2ω sin ϕ y(t) − y(0) y (nord)

v

x¨ a

x (est)

Fig. 2.47 Le terme de Coriolis implique une d´eviation a ` droite dans l’h´emisph`ere Nord.


135

Mouvements ` a la surface de la Terre

Avec les conditions initiales : x(0) = y(0) = 0, il reste : x(t) ˙ = 2ω sin ϕy(t) + x(0). ˙ Mais on ne connaˆıt pas encore y(t). On passe donc `a l’´equation (2.64). Si ω = 0, alors y(t) = y(0)t, ˙ car le mouvement est rectiligne, uniforme et horizontal. Si ω 6= 0, alors y(t) diff`ere de y(0) ˙ par une quantit´e proportionnelle `a ω, au premier ordre d’approximation. Cette correction, quand elle est substitu´ee dans l’´equation pour x(t), ˙ fournit un terme proportionnel `a ω 2 . Alors, on n´eglige cette correction pour ne garder que des termes du premier ordre en ω : x(t) ˙ = 2ω sin ϕ y(0)t ˙ + x(0) ˙ Il s’agit encore une fois d’un calcul de perturbation au premier ordre. On peut proc´eder de mani`ere similaire pour l’´equation (2.64) : y(t) ˙ = −2ω sin ϕ x(0)t ˙ + y(0) ˙ On peut alors int´egrer encore une fois : 2 x(t) = ω sin ϕy(0)t ˙ + x(0)t ˙ 2 y(t) = −ω sin ϕx(0)t ˙ + y(0)t ˙

Pour mieux r´ev´eler le sens physique de cette approximation, on note s la d´eflection au temps t par rapport `a la trajectoire rectiligne : q 2 2 s= x − x(0)t ˙ + y − y(0)t ˙ = ωt sin ϕv0 t (2.65) p avec v0 = x(0) ˙ 2 + y(0) ˙ 2 . Le r´esultat est ´ecrit de cette mani`ere pour faire apparaˆıtre l’angle ωt de rotation de la Terre pendant le temps t et la vitesse dans le plan parall`ele au plan de l’´equateur (sin ϕv0 ). On exprime ainsi le r´esultat qu’aurait d´eduit naturellement un observateur regardant la Terre depuis un point « au-dessus » du pˆ ole Nord (fig. 2.48), dans un r´ef´erentiel li´e aux ´etoiles. N v0 sin ϕ

ωt

N

ϕ

s

ϕ

sin ϕ v0 t

S

Fig. 2.48 Interpr´etation g´eom´etrique pour un tir vers le sud : la vitesse dans le plan normal a ` l’axe de la Terre vaut v0 sin ϕ.

2.16.3

Pendule de Foucault

Foucault (1819-1868) veut montrer que la Terre n’est pas un r´ef´erentiel 16.3 d’inertie. Il fait construire un pendule de 67 m de long, avec une masse de


136

Pratique de la m´ ecanique

16.3

Fig. 2.49 Le plan d’oscillation est fixe dans le r´ef´erentiel du laboratoire. Par contre, il semble tourner quand il est vu du r´ef´erentiel de la plate-forme en rotation.

28 kg, suspendue dans le Panth´eon, `a Paris. La rotation du plan d’oscillation du pendule peut se comprendre imm´ediatement, en consid´erant un petit pendule mont´e sur une plate-forme en rotation (fig. 2.49). Les consid´erations du mouvement horizontal `a la surface de la Terre permettent d’estimer la vitesse de rotation du plan d’oscillation du pendule de Foucault. A tout moment de l’oscillation du pendule, il y a d´eflexion vers la

-10

°

16.3

10°

Fig. 2.50 Les auditoires de physique de l’EPFL ont mis au point un pendule de Foucault relativement court. Une diode laser suspendue au bout du pendule permet de suivre les oscillations sur un verre d´epoli marqu´e d’une ´echelle gradu´ee en angles.


137

Mouvements ` a la surface de la Terre

droite. On applique la formule (2.65) pour la d´eviation, prenant le temps z´ero comme ´etant n’importe quel moment de l’oscillation : s = ω sin ϕv(0)t2 avec t consid´er´e infiniment petit pour que la vitesse horizontale puisse ˆetre consid´er´ee constante pendant le temps t. La d´eviation angulaire vaut ∆φ = s/v0 t = ω sin ϕt. Par cons´equent la vitesse angulaire est donn´ee par ∆φ/t = φ˙ = ω sin ϕ. En 10 minutes, ∆θ vaut sin ϕ · 7 × 10−5 × 10 × 60 = sin ϕ(0,04 radian) = sin ϕ(2,4 degr´es) C’est une d´eviation qui peut se mesurer mˆeme dans un auditoire (fig. 2.50). Pour obtenir une bonne mesure de la d´eviation angulaire, quelques pr´ecautions exp´erimentales sont ` a observer. Le pendule est lanc´e depuis une position lat´erale dans laquelle il est retenu par un ´electro-aimant. Le pendule est mont´e sur un cadre soutenu par un coussin d’air (fig. 2.51). Un aimant provoque des courants dans le cadre qui amortissent les modes de torsion du pendule.

N S

Fig. 2.51 Support a ` coussin d’air au point d’ancrage du pendule de Foucault.

Remarque. Il est possible de rendre compte du mouvement du pendule de Foucault en utilisant les coordonn´ees sph´eriques et en traitant la Terre comme un r´ef´erentiel acc´el´er´e (probl`eme 5.9). Mise en contexte

Ainsi le pendule de Foucault d´emontre que la Terre tourne sur elle-mˆeme. D’autres observations mettent en ´evidence un autre mouvement de la Terre, beaucoup plus lent, correspondant `a une ´evolution de l’orientation de l’axe de la Terre, appel´ee « pr´ecession ». A la section 3.16, les angles d’Euler sont d´efinis. Ils permettent de d´ecrire ces mouvements de la Terre aussi bien que ceux d’une toupie.


138

Pratique de la m´ ecanique

2.17 17.2

Application des principes de conservation

On examine ici les cons´equences des principes de conservation du paragraphe 1.17.4. On commence par les cons´equences de la conservation de la quantit´e de mouvement pour le recul du canon, puis on montrer comment on peut rendre compte de la pouss´ee d’une fus´ee. Finalement, on applique la conservation du moment cin´etique `a deux cas de points mat´eriels (§ 2.17.3).

2.17.1

Conservation de la quantit´e de mouvement

Recul du canon On consid`ere le dispositif sur rail `a air de la figure 2.52. On se demande quelle est la vitesse du plot apr`es le temps t de l’explosion s’il avait initialement une vitesse v quand il ´etait dans le canon. ∆m est la masse du piston, M0 la masse du plot. On caract´erise l’effet de l’explosion `a t par la vitesse u d’´ejection du piston. Cette vitesse u est relative au canon : •

avant : P = (M0 + ∆m)v ;

apr`es : P = M0 (v + ∆v) + ∆m(u + v + ∆v).

H2

17.3

Fig. 2.52 Un tube est mont´e sur un plot de rail ` a air. Un piston est enfil´e dans le tube, puis de l’hydrog`ene est ins´er´e au fond du tube. Une d´echarge ´electrique provoque l’explosion du gaz. Le piston est ´eject´e.

La vitesse du plot ´eject´e est donn´ee par la somme vectorielle de la vitesse du canon et de celle du plot par rapport au canon. La conservation de la quantit´e de mouvement totale implique (M0 + ∆m) ∆v = −∆mu Si u est oppos´e ` a v, alors ∆v augmente v, conform´ement `a l’intuition. Si v = 0 et M0 = ∆m, on trouve que les deux objets s’´eloignent avec des vitesses ´egales et oppos´ees, ∆v et −∆v (c’est le cas de la figure 1.4).


Application des principes de conservation

2.17.2

139

Pouss´ee d’une fus´ee

L’exemple le plus caract´eristique d’un syst`eme ouvert est celui de la fus´ee. Admettons que la masse de la fus´ee m diminue selon une loi m = m(t) donn´ee. Les gaz sont ´eject´es ` a la vitesse d’´ejection u, mesur´ee par rapport `a la fus´ee elle-mˆeme. On consid`ere l’´evolution sur un temps ∆t petit. Entre t et t + ∆t, la masse de la fus´ee varie : m(t + ∆t) = m(t) + dm eject´ee pendant dt ∆t. La masse ´ ∆t vaut dm ∆t δm = − dt La vitesse de la fus´ee passe de v au temps t `a v + δv au temps t + δt. On consid`ere le syst`eme ferm´e compos´e de la fus´ee et de son carburant. Sa quantit´e de mouvement vaut p(t) = mv, au temps t. Au temps t + δt, la fus´ee a diminu´e de masse. La masse ´eject´ee δm a une vitesse u + v par rapport au r´ef´erentiel (1.22). La quantit´e de mouvement de la fus´ee et de son carburant ´eject´e vaut donc au temps t + δt : p(t + δt) = m(t + δt)(v + δv) + δm(u + v) dm dm = m+ δt (v + δv) − δt(u + v) dt dt

(2.66)

La deuxi`eme loi de Newton dans sa formulation g´en´eralis´ee (en terme de quantit´e de mouvement) implique que si la fus´ee subit une force F , par exemple c l’attraction terrestre, et le carburant ´eject´e une force F , on a p(t+δt)−p(t) = c F + F δt. De (2.66), il vient ainsi F + F c δt =

m+

dm dm δt (v + δv) − δt(u + v) − mv dt dt

17.3

Fig. 2.53 Une bonbonne de CO2 est plac´ee sur un chariot. Le professeur s’assied sur le chariot, ouvre la bouteille et s’en va dans un vacarme assourdissant. . .


140

Pratique de la m´ ecanique

On prend alors la limite δt → 0, par cons´equent les termes du deuxi`eme ordre de (2.66) tombent. Le terme F c δt est du deuxi`eme ordre parce que le module de F c est de l’ordre de δm. En r´earrangeant les termes, il vient ainsi m

dv dm = u+F dt dt

(2.67)

On peut voir ce calcul comme l’extension `a une perte de masse continue du calcul du recul du canon. En jetant une masse δm dans la direction u, on obtient une acc´el´eration dans le sens oppos´e `a u (car dm dt < 0). On appelle pouss´ ee le terme dm u. dt En projetant le gaz d’une bonbonne mont´ee sur un chariot, on peut le faire avancer mˆeme si une personne y est assise (fig. 2.53).

2.17.3

Conservation du moment cin´etique

Pour un syst`eme isol´e, le moment cin´etique total est conserv´e. Plus g´en´eralement, on a vu qu’il est possible d’invoquer la conservation d’une projection du moment cin´etique sur un axe fixe, si le moment r´esultant des forces ext´erieures a une projection nulle sur cet axe. Par exemple, lorsque une personne est assise sur un tabouret tournant (fig. 2.54), on peut supposer en premi`ere approximation que l’axe vertical n’exerce aucun moment dans la direction verticale, dans la mesure o` u les frottements sont n´egligeables. Par cons´equent, la composante verticale du moment cin´etique peut ˆetre consid´er´ee comme une grandeur conserv´ee. Alors, quand la personne assise rapproche les deux halt`eres qu’elle tenait `a bout de bras, son moment d’inertie I∆ par rapport `a l’axe vertical diminue, car la valeur des distances dα de ces deux masses `a l’axe est fortement diminu´ee. Comme la

19.3

Fig. 2.54 Un tabouret est mont´e sur une plate-forme tournant sur un axe vertical avec tr`es peu de frottement. La personne rapproche ou ´eloigne deux halt`eres.


Application des principes de conservation

141

composante verticale du moment cin´etique est conserv´ee, la vitesse angulaire augmente. Exemple 2.11 Force centrale (fig. 2.55) Un point mat´eriel subit une force centrale s’il existe un point O du r´ef´erentiel tel qu’en tout temps la force soit dirig´ee vers ce point O. C’est le cas d’une plan`ete dans le champ de gravitation du Soleil. Cette d´efinition est d’importance ` a cause du probl`eme de Kepler, c’est-`a-dire du mouvement des plan`etes (sect. ??). Pour toute force centrale de centre O, on a, par d´efinition, F parall`ele `a OP donc dL0 /dt = OP ∧ F = 0. Le moment cin´etique L0 d´efini en O est une constante du mouvement.

r1

r2

F

Fig. 2.55 Mouvement circulaire, changement de rayon en supposant que le moment cin´etique est conserv´e.

Dans un auditoire, on peut imaginer le cas d’une masse sur une table `a air, reli´ee ` a un point O de la table par un fil de longueur variable (fig. 2.55). Lan¸cons la masse avec une longueur de fil fixe r1 , de fa¸con que la vitesse angulaire soit ω1 . La vitesse du point mat´eriel est donn´ee par v = ω ∧ r. Son moment cin´etique en O est donn´e par L0 = OP ∧ mv. La force est dans le sens du fil, donc centrale et, par cons´equent, le moment cin´etique est conserv´e. Le module du moment cin´etique vaut |L0 | = mr12 ω1 . Changeons la longueur du fil de mani`ere que le rayon du cercle d´ecrit passe de r1 `a r2 . La conservation du moment cin´etique implique mr12 ω1 = mr22 ω2

Mise en contexte

L’id´ee d’´ejecter de la masse pour obtenir une pouss´ee a donn´e lieu `a des d´eveloppements modernes pour la propulsion (sect. 3.17).


142

Pratique de la m´ ecanique

2.18 18.2

Mouvements particuliers des solides

On appelle translation un mouvement du solide dans lequel tout vecteur AP li´e au solide reste parall`ele `a une direction fixe d0 du r´ef´erentiel R0 (fig. 2.56).

x3

A

0 x2 x1

A A

Fig. 2.56 R´ef´erentiel et trois positions d’un solide en translation.

De AP = constante, on tire AP = AO + OP = constante et donc OP = OA + constante. On en d´eduit que les trajectoires des points du solide sont ´egales, mais translat´ees. On note que : •

La trajectoire d’un point d’un solide en translation peut ˆetre un cercle !

V (P ) = V (A) pour tout A et P du solide, donc ω = 0.

On parle de mouvement plan sur plan d’un solide S par rapport `a un r´ef´erentiel R0 lorsqu’un plan π1 de S reste constamment sur un plan π0 de R0 (fig. 2.57). P1

A0

A1

P0

p1 p0

Fig. 2.57 Deux plans parall`eles et deux points particuliers de chaque plan.

Proposition 2.2 Centre instantan´e de rotation. Dans un mouvement plan sur plan, la vitesse instantan´ee de tous les points est soit celle d’une translation, soit celle obtenue par rotation instantan´ee autour d’un point. Ce point est appel´e centre instantan´ e de rotation.


Mouvements particuliers des solides

143

´monstration. On consid`ere le mouvement d’un plan π1 parall`ele `a un De plan π0 du r´ef´erentiel. Soit A1 un point du plan π1 . Pour tout point P1 de π1 , on a v(P1 ) = v(A1 ) + ω ∧ A1 P 1 Si ω = 0, on a une translation. Si ω 6= 0, alors on peut toujours r´esoudre l’´equation suivante pour le centre instantan´e de rotation I10 : v(P1 ) = v(A1 ) + ω ∧ A1 P 1 = ω ∧ I 10 P 1 =⇒ v(A1 ) + ω ∧ A1 P 1 −I 10 P 1 = 0 =⇒ v(A1 ) + ω ∧ A1 I 10 = 0 On peut r´esoudre explicitement en projetant sur un syst`eme d’axes Oxyz de π0 , avec Oz normal au plan :

  

ˆı 0 x − xA

vx vx − ω(y − yA )

vy  + ˆ 0 y − yA = vy + ω(x − xA ) = 0

kˆ ω 0 0 0

Il vient alors pour les coordonn´ees du centre instantan´e de rotation : y=

vx + yA ω

x=−

vy + xA ω

Le lieu g´eom´etrique du centre instantan´e de rotation I10 dans le r´ef´erentiel fixe est appel´e la « base ». Le lieu g´eom´etrique de I10 en tant que point du solide, la « roulette ». On peut montrer que le mouvement a lieu comme si la roulette roulait sans glisser sur la base. Remarque. Une autre particularit´e du mouvement plan-sur-plan est la suivante. Trois plans parall`eles en mouvement les uns par rapport aux autres d´efinissent trois centres instantan´es de rotation. Ces trois points sont align´es. Cette propri´et´e est connue sous le nom de th´eor`eme de Kennedy (d´emonstration dans le probl`eme 5.31). Un roulement sans glissement est une rotation instantan´ee autour du point P du solide en contact avec le support utilis´e comme r´ef´erentiel. Par cons´equent, la vitesse de P doit ˆetre ´egale `a la vitesse u du support. En d’autres termes : v(P ) = V A + ω ∧ AP = u

Exemple 2.12 On peut d´evelopper un sens intuitif de ce roulement sans glissement en consid´erant la vitesse de tout point d’un cercle roulant sans glisser sur une droite immobile (fig. 2.58). En particulier, au point de contact, la vitesse


144

Pratique de la m´ ecanique

de P3 dans le r´ef´erentiel li´e `a G est ´egale et oppos´ee `a la vitesse de la translation V G . ω∧GP1 P2

G

P1

VG

ω∧GP2

P3 V(P3)= VG + ω∧GP3 = 0

Fig. 2.58 Roulement sans glissement.

Il arrive souvent qu’une vitesse de rotation soit relative `a un objet lui-mˆeme en rotation. On pourrait par exemple discuter de la rotation d’un moteur fix´e sur une plate-forme tournante. La vitesse du rotor sera naturellement d´efinie par rapport au stator, donc par rapport `a la plate-forme. Cependant, on voudra toujours traiter les probl`emes de solide avec un r´ef´erentiel absolu ! La situation peut ˆetre sch´ematis´ee comme indiqu´e sur la figure 2.59. y3 y2 x3 A

O

G

y1

x2

x1

Fig. 2.59 Solide en rotation de vitesse angulaire ω rel par rapport au syst`eme d’axes Ay1 y2 y3 , lui-mˆeme en rotation de vitesse angulaire Ω par rapport au r´ef´erentiel Ox1 x2 x3 .

On a pour la vitesse relative de tout point du solide : v rel (P ) = v rel (G) + ω rel ∧ GP o` u ω rel d´ecrit la rotation du solide par rapport au r´ef´erentiel relatif. La vitesse absolue du point P du solide est donn´ee par v a (P ) = v a (A) + Ω ∧ AP + v rel (P ) = v a (A) + Ω ∧ AG + Ω ∧ GP + v rel (G) + ω rel ∧ GP


145

Point de r´ ef´ erence du moment cin´ etique

Soit, en regroupant les termes, v a (P ) = v a (A) + v rel (G) + Ω ∧ AG + (Ω + ω rel ) ∧ GP Or v a (G) = v a (A) + Ω ∧ AG + v rel (G). Il reste ainsi : v a (P ) = v a (G) + ω a ∧ GP o` u ω a d´ecrit la rotation relative au r´ef´erentiel absolu, avec ω a = Ω + ω rel . Un solide est en rotation par rapport ` a un axe fixe si deux points A, B du solide sont fixes dans le r´ef´erentiel. Les propri´et´es suivantes sont imm´ediates : •

L’axe de rotation ∆ contient A et B.

Tous les points de l’axe ont une vitesse nulle.

Les points hors de l’axe ont un mouvement circulaire.

a(P ) = ω ˙ ∧ AP − ω 2 OP , o` u O est le centre du cercle d´ecrit par P .

La derni`ere proposition d´ecoule de v(P ) = ω ∧ AP avec A sur l’axe. En d´erivant, on tire a(P ) = ω ˙ ∧ AP + ω ∧ (ω ∧ AP ). Comme dernier exemple de mouvement particulier, on mentionne le mouvement arbitraire d’un corps solide ind´eformable avec un point fixe. Le th´eor`eme d’Euler stipule qu’il s’agit d’une rotation (§ 5.1). Mise en contexte

On est all´e au-del` a du mod`ele du point mat´eriel en mod´elisant un objet comme un solide ind´eformable. Ce faisant, on occulte la question de savoir ce qui maintient le solide dans sa configuration rigide. Ce sont des forces int´erieures. Pour rendre plus clair ce concept de forces int´erieures, on examine, `a la section 3.18, des objets de forme aussi simple que possible : des fils ou des chaˆınettes.

2.19

Point de r´ef´erence du moment cin´etique

Quand on a ´etabli les lois de la dynamique du solide, on a utilis´e le moment 19.2 cin´etique en O, un point du r´ef´erentiel, ou en G, le centre de masse (§ 1.19.1). Il est utile parfois de d´efinir le moment cin´etique en A quelconque, en mouvement par rapport au r´ef´erentiel : LA =

X

APα ∧ mα v α

(2.68)

α

Proposition 2.3 Th´eor`eme du transfert. Soient O et A deux points quelconques. On a LA = AO ∧ M V G + LO (2.69)


146

Pratique de la m´ ecanique

Il suffit de partir de la d´efinition de LA : X X LA = APα ∧ mα v α = (AO + OPα ) ∧ mα v α

´monstration. De

α

= AO ∧

α

X

mα v α +

α

X

OPα ∧ mα v α

α

= AO ∧ M V G + LO On a conclu en utilisant le r´esultat (1.38) exprimant la quantit´e de mouvement totale en fonction de la vitesse du centre de masse. Exemple 2.13 On a en particulier : LO = OG ∧ M V G + LG

(2.70)

Cette relation entre le moment cin´etique calcul´e pour un point de r´ef´erence qui appartient au r´ef´erentiel et pour le centre de masse est une des plus utilis´ees dans la r´esolution de probl`emes de m´ecanique de solides ind´eformables.

Exemple 2.14 Soient O et O0 deux points du r´ef´erentiel. On a LO 0 = LO + O 0 O ∧ M V G

(2.71)

On peut choisir d’exprimer les vitesses v α en termes des vitesses v 0α dans le r´ef´erentiel centre de masse. On d´efinit X L0G = GPα ∧ mα v 0α (2.72) α

Proposition 2.4

Pour tout point A, LA = AG ∧ M V G + L0G

(2.73)

LG = L0G

(2.74)

En particulier ´monstration. On introduit dans la d´efinition du moment cin´etique une De d´ecomposition des vitesses v α en terme de la vitesse du centre de masse V G et des vitesses relatives au r´ef´erentiel centre de masse v 0α : X X LA = {APα ∧ mα v α } = (AG + GPα ) ∧ mα V G + v 0α α

α

X = AG ∧ M V G + GPα ∧ mα v 0α α


147

Point de r´ ef´ erence du moment cin´ etique

On a utilis´e les ´equations (1.28) et (1.29) : X mα GPα = 0 et α

X

mα v 0α = 0

α

Finalement, en posant A = G, il reste LG = L0G . Cela signifie que lorsqu’on calcule un moment cin´etique par rapport au centre de masse, on peut prendre indiff´eremment les vitesses mesur´ees dans le r´ef´erentiel d’inertie ou dans le r´ef´erentiel du centre de masse. On consid`ere maintenant les moments des forces F α exerc´ees sur les points Pα . Proposition 2.5 Th´eor`eme du transfert pour les moments de forces. et O deux points quelconques : X M A = M O + AO ∧ Fα

Soient A

(2.75)

α

´ D Pemonstration. α AP α ∧ F α : MA =

On applique la d´efinition du moment de force, M A = X X (AO + OPα ) ∧ F α = M O + AO ∧ Fα α

α

Proposition 2.6 Th´eor`eme du moment cin´etique. le moment cin´etique en A est

L’´equation d’´evolution pour

dLA = M ext A − VA ∧ MVG dt

(2.76)

´monstration. On d´erive par rapport au temps LA = LO + AO ∧ M V G , De on a dLA dLO dV G = − V A ∧ M V G + AO ∧ M dt dt dt X ext ext = M O + AO ∧ F α − VA ∧ M V G α

On conclut en appliquant (2.75) pour M ext ere expression. A dans la derni`

Exemple 2.15 L’´equation d’´evolution du moment cin´etique se simplifie pour les cas particuliers suivants : si V A = 0 ou si V A est parall`ele `a V G alors dLA = M ext A dt


148

Pratique de la m´ ecanique

Exemple 2.16 Il est bon de retenir la forme simple obtenue en prenant le centre de masse comme point de r´ef´erence : dLG = M ext G dt

(2.77)

Les r´esultats ci-dessus sont valables pour n’importe quel syst`eme de points mat´eriels. On introduit maintenant l’hypoth`ese du solide ind´eformable dans la d´efinition du moment cin´etique. Proposition 2.7 Moment cin´etique du solide. Soit A un point quelconque du solide : X LA = AG ∧ M V A + mα APα ∧ (ω ∧ APα ) (2.78) α

´monstration. On applique la d´efinition du moment cin´etique et la cin´eDe matique du solide ind´eformable : X X LA = APα ∧ mα v α = APα ∧ mα V A + (ω ∧ APα ) α

= AG ∧ M V A +

α

X

mα APα ∧ ω ∧ APα

α

Exemple 2.17 Pour le moment cin´etique en G, il reste simplement X LG = mα GPα ∧ ω ∧ GPα

(2.79)

α

Proposition 2.8 Composantes du tenseur d’inertie. Pour tout point A du solide, LA = AG ∧ M V A + I A ω, avec X IAij = mα AP 2α δi,j − APα,j APα,i (2.80) α

´monstration. Dans (2.78), la somme a la mˆeme forme que celle pour De LG et, par cons´equent, on peut d´efinir un tenseur d’inertie au point A de la mˆeme forme que pour IGij . Exemple 2.18 Si l’on prend comme point de r´ef´erence un point C du solide qui est fixe, LC = I C ω

(2.81)


Point de r´ ef´ erence du moment cin´ etique

149

Lorsqu’on se soucie d’une r´esolution efficace d’un probl`eme de dynamique de corps solide ind´eformable, on peut voir sa tˆache grandement facilit´ee par un choix judicieux du point de r´ef´erence A. On peut, par exemple, vouloir faire disparaˆıtre de M ext A les contributions de forces inconnues, telles que les forces de r´eaction. C’est le cas du probl`eme de la toupie, la r´eaction du support n’est en g´en´eral pas int´eressante. Ainsi, on prendra le point d’appui de la toupie comme point de r´ef´erence pour obtenir des ´equations du mouvement pour les angles d’Euler seulement (donn´ees `a l’exercice 6.86). Quand une boule frappe le bord d’une marche (fig. 5.47) et tourne autour de ce bord, les forces de r´eaction dues ` a la collision sont difficiles `a estimer et on pourra invoquer la conservation pendant le choc du moment cin´etique par rapport au bord de la marche (probl`eme 5.38). Pour le pendule accroch´e `a un chariot sur un banc `a air (fig. 2.60), l’utilisation de l’´equation du mouvement pour le moment cin´etique centr´e au point d’attache A du pendule fournit directement la p´eriode des oscillations de petites amplitudes.

Fig. 2.60 Chariot sur un banc a ` air et muni d’un pendule libre d’osciller dans le plan vertical qui contient le banc a ` air. Le mouvement pendulaire combin´e au mouvement de translation paraˆıt complexe. Cependant le centre de masse suit un mouvement horizontal uniforme dans la mesure o` u on peut n´egliger les frottements.

Ce formalisme n’est de loin pas trivial dans son application. Il y a lieu en effet de bien s’assurer qu’on recourt `a des d´efinitions pr´ecises des grandeurs utilis´ees, qu’on soit au clair sur le point de r´ef´erence et sur le choix du r´ef´erentiel [28]. Cependant, le choix du point de r´ef´erence ne peut ˆetre rien d’autre qu’une question de commodit´e. En effet les ´equations de la dynamique (th´eor`eme du centre de masse et du moment cin´etique) doivent suffire `a d´ecrire le mouvement d’un solide. N’importe quelle expression du th´eor`eme du moment cin´etique peut ˆetre utilis´ee. Mise en contexte

Pour de nombreux ing´enieurs, les moments de forces sont plus importants que les moments cin´etiques. Ces moments apparaissent quand on consid`ere la statique de structures comme des ponts form´es d’un treillis de tiges ou quand on consid`ere les contraintes dans des poutres portantes. Ces moments de force sont examin´es ` a la section 3.19.


150

Pratique de la m´ ecanique

2.20 20.2

Calculs de moments d’inertie

Calcul d’une composante du moment cin´etique

Un cylindre est en rotation de vitesse angulaire ω autour de son axe de sym´etrie (fig. 2.61). Disons que cet axe est l’axe 3. La composante sur cet axe 3 du moment cin´etique de tout point du cylindre vaut Lα,3 = mα d2α ω. Or le moment cin´etique du cylindre est la somme des moments cin´etiques de toutes les masses infinit´esimales des P points mat´eriels Pα . Cette somme est justement ω fois le coefficient IC33 = α mα d2α , comme il se doit. Le sens physique de la projection du moment cin´etique sur l’axe de rotation est donc imm´ediat. Cependant, on ne doit pas en conclure que le moment cin´etique est parall`ele au vecteur instantan´e de rotation !

w

L

Fig. 2.61 L et ω ne sont align´es que si ω est parall`ele a ` un axe principal d’inertie.

Non-parall´elisme du moment cin´etique et de la vitesse angulaire

Consid´erons une roue dont l’axe de rotation est suppos´e fixe, la vitesse angulaire constante, mais l’axe n’est pas un axe principal d’inertie (fig. 2.62). Du fait que les axes 1, 2 et 3 sont des axes principaux d’inertie, on a pour chaque composante du moment cin´etique dans le rep`ere port´e par ces axes :

y3 q

G

y1

w

y2

Fig. 2.62 Exemple de roue mal ´equilibr´ee, l’axe de rotation donn´e par ω n’est pas sur un axe principal d’inertie.


151

Calculs de moments d’inertie

LGk = Ikk ωk . En particulier, LG3 = I33 ω3 = I33 |ω| cos θ est non nul. Ainsi, LG a une composante perpendiculaire `a l’axe : LG n’est pas parall`ele `a ω ! Ce non-parall´elisme a une cons´equence physique importante : un moment de force doit ˆetre exerc´e sur l’axe pour maintenir cette rotation uniforme (§ 1.21.2). Tenseur d’inertie d’un anneau

Soit un anneau de rayon R, de masse M . Prenons le choix d’axes de la figure 2.63. Calculons explicitement les composantes du tenseur d’inertie I G pour constater que seuls les composantes diagonales sontP non nulles. De l’expression 2 (1.53) du tenseur en G, on a en particulier IG11 = α mα R2 − y1α . y3

ma G

y2

y1

Fig. 2.63 El´ement de masse sur un anneau, choix des axes de coordonn´ees.

Pour faire le calcul, on passe `a la limite d’´el´ements de masse infiniment petits, la somme devient ainsi une int´egrale. Pour tout corps homog`ene dont on connaˆıt la masse, on invoque pour le passage `a l’int´egrale la densit´e, d´eduite simplement en divisant la masse par le volume. Ici, on a un anneau de dimensions lat´erales n´egligeables, alors on a une densit´e lin´eique M/2πR. Ainsi la somme devient X α

2 mα y2α

Z −→

dmy22

Z2π =

R dθ 2πR

M (R cos θ)2

0

1 = 2π

Z2π

M R2 cos2 dθ =

1 M R2 2

0

On obtient donc I11 P = 12 M R2 . Consid´erons un ´el´ement hors diagonale. On a, par exemple : I12 = α mα [0 − y1α y2α ]. Dans cette somme, pour chaque y2α , il y a 2 positions sym´etriques avec y1α n´egatif et positif, donc cette somme s’annule. Il en va de mˆeme de I13 et I23 . Par cons´equent, les axes choisis sont les axes principaux d’inertie au point G.


152

Pratique de la m´ ecanique

Formule de Steiner pour un moment d’inertie

On veut trouver la relation entre le moment d’inertie par rapport `a un axe de direction donn´ee, et la valeur du moment d’inertie par rapport `a un axe de (4) mˆeme direction, passant par le centre de masse . Soit un solide en rotation autour d’un axe fixe ∆, `a la vitesse angulaire ω, A un point de l’axe, u ˆ le vecteur unit´e port´e par l’axe. On a d’une part la relation entre LA et LG (2.73) et d’autre part la d´efinition du moment d’inertie IG∆ par rapport ` a l’axe parall`ele ` a l’axe de rotation et passant par G (1.56). On en tire LA · u ˆ = M AG ∧ ω ∧ AG · u ˆ + IG∆ ω = M d2G + IG∆ ω o` u dG est la distance de G a` l’axe. Il en d´ecoule pour le moment d’inertie d’axe ∆ : IA∆ = M d2G + IG∆ (2.82) Le moment d’inertie d’une barre mince

Etudions le moment d’inertie d’une barre mince par rapport `a un axe perpendiculaire passant par le centre de la barre (fig. 2.64). Δ 0

l

-L/2

L/2

dl

Fig. 2.64 Moment d’inertie, la barre.

Soit ρ la masse lin´eique de la barre suppos´ee tr`es mince. Un ´el´ement infinit´esimal de longueur dl aura alors pour masse : dm = ρ dl. dm est un ´eP l´ement infinit´esimal de masse assimilable `a mα dans la somme discr`ete I∆ = α mα d2α . Ainsi la contribution dI au moment d’inertie total de l’´el´ement de masse dm situ´e ` a une distance l de ∆ s’´ecrit dI = l2 dm = ρ l2 dl Ainsi, I ´etant la somme de tous les dI s’´ecrit L/2 Z

I=ρ −L/2

l3 l dl = ρ 3 2

+L/2 = −L/2

o` u L la longueur totale de la barre. Avec ρ = la forme M L2 I= 12 (4)

M L,

Pour une version plus g´ en´ erale voir la section 3.20.

ρL3 12

I peut encore se mettre sous


153

Calculs de moments d’inertie

Le moment d’inertie d’un tube

Etudions le moment d’inertie d’un tube de rayon R, d’´epaisseur e R par rapport ` a son axe (fig. 2.65). On choisit les variables suivantes : R le rayon du tube, L sa longueur totale et e son ´epaisseur (e R, nous verrons l’importance de cette hypoth`ese plus loin). Le moment d’inertie se calcule `a partir d’une somme de petites masses : X I= mα d2α (2.83) α

R

dq e

L

Fig. 2.65 Moment d’inertie, le tube.

Nous allons donc « d´ecouper » le tube en petits ´el´ements de volumes infinit´esimaux dv. Comme l’angle dθ est tr`es petit on peut consid´erer que ces ´el´ements de volumes sont des parall´el´epip`edes rectangles de hauteur L, de longueur Rdθ et d’´epaisseur e. Ces dv s’´ecrivent donc dv = R dθ eL

(2.84)

Chacun de ces dv a une masse dm et se trouve `a une distance R de l’axe. La formule (2.83) s’´ecrira donc (la somme devient une int´egrale car il y a une infinit´e d’´el´ements dv) : Z I=

R2 dm

(2.85)

L’´el´ement de masse dm peut s’exprimer en fonction de dv grˆace `a la masse volumique : dm = ρ dv (2.86) En comparant l’´equation (2.85) avec les ´equations (2.86) et (2.84), on remarque que l’int´egration se fera selon dθ. Les bornes de l’int´egrale seront donc 0 et 2π. On ´ecrit donc Z2π Z2π 2 I = R ρR dθeL = ρR3 eL dθ (2.87) 0

0

d’o` u, finalement, on obtient I = 2πρR3 eL

(2.88)


154

Pratique de la m´ ecanique

Soit M la masse totale du tube. Il nous faut ´ecrire son volume. Comme e est tr`es petit devant R on peut admettre que la section du tube vaut 2πRe, soit la circonf´erence multipli´ee par l’´epaisseur. Le volume V s’´ecrit donc V = 2πReL Avec ρ =

M V ,

(2.89)

remplac´e dans l’´equation (2.88), on trouve finalement I = M R2

(2.90)

Moment d’inertie d’un cylindre plein

Etudions le moment d’inertie d’un cylindre plein de rayon R par rapport `a son axe (fig. 2.66).

R

dq dr

L

Fig. 2.66 Moment d’inertie, le cylindre.

Le moment d’inertie d’un cylindre (plein) peut facilement ˆetre calcul´e `a partir des r´esultats que l’on vient d’obtenir. En effet un cylindre peut ˆetre d´ecompos´e en une infinit´e de petits tubes concentriques (fig. 2.66). Le cylindre est de rayon R. Chaque petit tube a un rayon r, une ´epaisseur dr et un moment d’inertie dItube calcul´e de la mˆeme mani`ere que pour la partie pr´ec´edente. On a donc dItube = 2πρr3 drL (2.91) o` u on a utilis´e le r´esultat obtenu en (2.88). Le moment d’inertie total du cylindre s’exprimera donc par Z Icyl =

dItube

(2.92)

et l’int´egration se fera naturellement selon r variant de 0 `a R. Donc ZR Icyl =

2πρr3 drL

(2.93)

1 4 R πLρ 2

(2.94)

0

ce qui nous donne Icyl =


155

Calculs de moments d’inertie

La masse volumique se calcule `a partir de la masse totale et du volume du cylindre : M (2.95) ρ= πR2 L d’o` u apr`es simplification : M R2 Icyl = 2 Remarque. Le calcul direct (sans utiliser la question pr´ec´edente) se fait facilement en passant par la d´efinition d’un ´el´ement de volume en coordonn´ees cylindrique dv = ρ dθ dρ dz (fig. 2.67). Il faut alors r´esoudre l’int´egrale triple : ZZZ I= ρvol ρ dθ dρ dzρ2 avec ρvol la masse volumique, soit ZR I = ρvol

3

Z2π

ρ dρ 0

ZL dθ

0

dz 0

| {z } | {z } | {z } R4 /4

L

On retrouve bien l’´equation (2.94). z

r

dz dr

0

rd q

y dq

x

Fig. 2.67 Moment d’inertie, ´el´ement de volume en coordonn´ees cylindriques.

Mise en contexte

Quand on tourne sur soi debout, en tenant `a la main une roue de v´elo (fig. 2.70) ou un solide form´e de trois tiges dispos´ees sym´etriquement (fig. 2.72), on ressent le mˆeme effet gyroscopique dans le poignet. Comment repr´esenter la sym´etrie de cette propri´et´e dynamique ? En quoi d´epend-elle de la sym´etrie de l’objet lui-mˆeme ? Ces questions sont trait´ees `a la section 3.20.


156

Pratique de la m´ ecanique

2.21 21.2

Discussion qualitative des effets gyroscopiques

Lorsqu’un objet en rotation rapide autour d’un axe est soumis `a une force appliqu´ee, on observe un mouvement de l’axe de rotation perpendiculaire `a la force appliqu´ee. On parle d’un effet gyroscopique pour se r´ef´erer `a ce d´ecalage entre la direction de la force et la direction du mouvement. Dans cette section, on s’attache ` a appr´ehender la description de ces effets en tirant des informations qualitatives des ´equations de base de la dynamique du solide. Quand une personne sur un tabouret tournant ´el`eve une roue en rotation rapide autour de son axe (fig. 2.68), la composante verticale du moment cin´etique, qui est nulle au d´ebut du mouvement, doit le rester. Il faut donc que la personne se mette ` a tourner en sens inverse de la roue.

w

19.3

Lz = 0

Lz = 0

Fig. 2.68 Une personne, assise sur le tabouret tournant librement autour d’un axe vertical, fait passer une roue en rotation rapide sur elle-mˆeme, de la position o` u la roue est dans un plan vertical a ` celle o` u elle est dans un plan horizontal.

D’o` u vient la force qui fait que le tabouret se mette `a tourner ? Examinons le sous-syst`eme de la roue [29]. Nous appliquons le th´eor`eme du moment cin´etique a la roue de v´elo. ` Que se passe-t-il quand la roue s’´el`eve d’un angle ∆θ ? D’apr`es le th´eor`eme du moment cin´etique dLO /dt = M ext O . On a donc : LO (t + dt) − LO (t) = M O dt (fig. 2.69). La variation impos´ee du moment cin´etique d´etermine M O . Le moment M O peut ˆetre repr´esent´e par un couple de deux forces F et −F . M O est le moment qu’il faut appliquer ` a la roue pour la faire d´evier d’un angle ∆θ. Finalement, pour conclure, nous invoquons la loi d’action et de r´eaction : pour toutes forces F appliqu´ees ` a la roue, des forces ´egales et oppos´ees s’appliquent `a la personne tenant la roue, c’est-` a-dire que cette personne subit un couple −M O . Lorsque l’axe n’est plus horizontal, c’est la composante verticale de LO (t + dt) − LO (t) qu’il faut consid´erer.


157

Discussion qualitative des effets gyroscopiques

M0 L0 (t + Δt) -F F

O

Δθ ΔL0 ω(t)

L0 (t)

Fig. 2.69 Moment cin´etique de la roue ` a t et t + dt.

Quand une personne qui tient une roue en rotation avec un axe horizontal se met ` a tourner sur elle-mˆeme, elle remarque qu’elle doit appliquer un moment de force. La roue impose `a la personne le moment de force inverse de celui indiqu´e sur la figure 2.70. C’est dire que si on n’imposait pas ce couple, la roue monterait. Nous adoptons comme convention de toujours repr´esenter dans ce type de dessin le moment de force appliqu´e au syst`eme en rotation. Un dispositif ` a deux roues, lanc´ees en sens inverse l’une de l’autre, permet de faire la diff´erence entre la situation avec et sans moment cin´etique (fig. 2.71).

M Mdt

ω, L

Fig. 2.70 Une roue est mise en rotation rapide autour de son axe. Une personne tient la roue a ` bout de bras et se met a ` tourner sur elle-mˆeme. La personne sent qu’elle doit appliquer un moment de force.

Fig. 2.71 Deux roues sont mont´ees sur un mˆeme axe. Quand les roues sont en rotation oppos´ees, on ne sent plus d’effet gyroscopique.

Quand une roue est sym´etrique et tourne autour de son axe de rotation propre, on a vu qu’il faut exercer un moment pour changer l’orientation de l’axe de la roue. Si au lieu d’une roue on a par exemple une barre (fig. 2.72), on observe que le mouvement est saccad´e par le fait que le poignet doit exercer un moment qui varie p´eriodiquement. En revanche, si l’objet en rotation a une sym´etrie d’ordre 3 au moins, alors l’effort sur le poignet est r´egulier, parce que le tenseur d’inertie a les mˆemes sym´etries que celui d’une roue (sect. 3.20).


158

Pratique de la m´ ecanique

21.3

Fig. 2.72 Sur des poign´ees munies de roulement a ` billes sont mont´es une fois deux barres ´egales, une fois trois barres ´egales. On observe en manipulant le syst`eme a ` deux barres que, sous l’effet de leur rotation propre rapide, un changement d’orientation de l’axe de rotation provoque des mouvements saccad´es. Ce n’est pas le cas avec le mod`ele d’h´elice a ` trois barres.

La roue de moto

Consid´erons une moto avan¸cant `a grande vitesse. Quand on force la roue avant pour tourner brusquement `a gauche, le moment cin´etique change de direction, son accroissement est oppos´e au sens de la moto. Par cons´equent, le moment qu’il faudrait appliquer `a la moto pour qu’elle reste droite est dans ce sens-l` a aussi. Mais comme rien n’exerce un tel couple sur la moto, elle op`ere une rotation dans le sens oppos´e afin de maintenir le moment cin´etique nul dans la direction de la moto. Une autre fa¸con de voir la chose est la suivante (fig. 2.73). Quand on force le guidon brutalement pour tourner `a gauche, on applique un moment de force a la roue. Ce moment est vertical, vers le haut. Par cons´equent, le moment ` cin´etique sous l’effet de ce moment de force va se relever, ce qui correspond `a une inclinaison de la moto vers l’ext´erieur du virage.

MG dt L

Fig. 2.73 Si la roue avant subit le moment M G pendant dt, alors le moment cin´etique de la roue augmente de dLG = M G dt.


159

Discussion qualitative des effets gyroscopiques

La toupie

On prend le point d’appui C de la toupie comme point de r´ef´erence (fig. 2.74). C’est un point du solide, il est suppos´e fixe, donc il appartient au r´ef´erentiel aussi. On ne consid`ere ici que le mouvement de pr´ecession du moment cin´etique (pas la nutation). Le moment de la pesanteur par rapport `a C est horizontal et constant (fig. 2.75). Le moment cin´etique de la toupie est essentiellement le long de l’axe de la toupie car la vitesse de rotation propre est suppos´ee ´elev´ee. Le changement de moment cin´etique est horizontal, de module constant, g´en´erant ainsi un mouvement de rotation uniforme du moment cin´etique, donc de la toupie.

L (t + ∆t) rG ∧Mg∆t

L (t)

C

Fig. 2.74 Toupie en position dite « dormante ».

rG

Mg

Fig. 2.75 Toupie en pr´ecession uniforme, moment cin´etique a ` deux temps voisins et direction du moment de force r G ∧ M g.

21.3

Fig. 2.76 Une toupie est constitu´ee d’une roue dont la position est r´eglable sur l’axe de rotation propre. Le point d’appui peut ˆetre situ´e plus bas ou plus haut que le centre de masse. On v´erifie que l’argument heuristique ci-dessus suffit a ` pr´edire le sens de pr´ecession de la toupie.


160

Pratique de la m´ ecanique

La toupie est une excellente occasion de r´efl´echir aux v´eritables objectifs de la science. En effet, l’exp´erience commune consiste `a se demander « pourquoi la toupie ne tombe-t-elle pas ? ». On voit ici que la question `a laquelle la m´ecanique r´epond est « comment » plutˆot que « pourquoi ». La m´ecanique fournit des principes r´educteurs avec lesquels d´ecrire toute une famille de ph´enom`enes, dont les effets gyroscopiques. Comme le signale Alexandre Koyr´e `a propos de Galil´ee (sect. 1.1), la m´ecanique, en tant que science, fournit un langage pour interroger la Nature. L’exp´erience (le jeu avec les toupies) fait place `a l’exp´erimentation. On peut v´erifier qu’on maˆıtrise ce type de raisonnement heuristique en se posant la question du sens de la pr´ecession de la roue du montage de la figure 2.76, qui permet de placer le centre de gravit´e en-dessus ou en-dessous du point d’appui. La toupie glissante

Une toupie en forme de cˆone de pin est munie de rainures dans lesquelles une ficelle est enroul´ee (fig. 2.77). La ficelle est attach´ee `a un bˆaton. Par un mouvement de fouet, la toupie est lanc´ee en rotation rapide sur le sol. Tr`es vite la toupie se redresse et prend la position verticale, dite « dormante ». On montre que le frottement de la toupie glissant sur la table provoque ce redressement.

Fig. 2.77 Toupie lanc´ee par une ficelle enroul´ee sur elle-mˆeme.

On peut appliquer ici la loi dLG /dt = M ext G pour montrer que la force de frottement produit un moment qui tend `a redresser la toupie. Le raisonnement se conduit comme suit. On consid`ere, pour fixer les id´ees, une toupie dont le sens de rotation implique un moment cin´etique vers le haut. La force de frottement s’oppose au mouvement du point de contact. Sur la figure 2.78, cela implique une force qui sort de la feuille. Alors le moment associ´e r ∧ T est dans le plan de la feuille. (r ∧ T ) dt s’ajoute au moment cin´etique et tend `a le relever. La mˆeme conclusion vient si le sens de rotation est invers´e. Avec un support en forme de calotte sph´erique, l’orientation d’´equilibre d’une telle toupie est la verticale. Cette propri´et´e a ´et´e utilis´ee en navigation maritime [30].


161

Discussion qualitative des effets gyroscopiques

(r Ù T )Dt

L (t + Dt)

L (t)

rÙT G r

T

Fig. 2.78 Force de frottement T qui donne lieu au redressement de la toupie, moment de cette force par rapport a ` G. Toutes les forces de frottement ne sont pas repr´esent´ees.

Meule

Soit d la distance du centre de masse G d’une meule `a l’axe vertical de rotation (fig. 2.79). Le roulement sans glissement implique Ωd = ωR. On obtient ce r´esultat, ou bien par un argument g´eom´etrique, ou bien en appliquant les r`egles de base de la cin´ematique du solide, de la mani`ere suivante. Soit A le point de contact. Sa vitesse est nulle s’il y a roulement sans glissement. Par cons´equent, 0 = v(A) = v(G) + (ω + Ω) ∧ GA = Ω ∧ CG + ω ∧ GA Ω N dLC –––– dt

C ω

G

mg

Fig. 2.79 Effet gyroscopique sur une meule, N n’est pas simplement mg !


162

Pratique de la m´ ecanique

La projection donne la relation cherch´ee. Quand la meule est arrˆet´ee, la force de r´eaction du sol sur la meule est donn´ee par N + mg = 0. Quand la meule est en mouvement, le th´eor`eme du moment cin´etique, avec le point C de la meule pour point de r´ef´erence, donne dLC = CG ∧ (N + mg) dt La composante horizontale vaut : dLC = I1 ωΩ dt elle correspond ` a l’action du moment de force : d(N − mg). Par cons´equent, N est donn´e par N = mg + (I1 ωΩ)/d. On trouve ainsi que N est plus grand que dans le cas statique. Cet effet gyroscopique est mis `a profit dans le broyage de minerais [31]. La boussole gyroscopique

Un gyroscope est mont´e sur cardan (fig. 2.80). Son centre de gravit´e est au centre du cardan. Apr`es avoir lanc´e le gyroscope, on peut le saisir par le support du cardan. On note qu’on peut tourner le support dans tous les sens, le gyroscope pointe toujours dans la mˆeme direction.

21.3

Fig. 2.80 Gyroscope sur cardan.

On comprend le comportement du gyroscope sur cardan en appliquant : dLO = M ext O = OG ∧ M g dt On peut prendre pour le point O du r´ef´erentiel le centre de masse G, qui est immobile grˆ ace ` a la construction du cardan, donc L0 est constant. C’´etait l’ambition de Foucault de construire un « gyro »-« scope », c’est-`a-dire un instrument


Relativit´ e restreinte : simultan´ eit´ e

163

qui permette de voir la rotation de la Terre. Il n’y parvint pas. En revanche, il parvint ` a d´emontrer la rotation de la Terre avec le pendule qui porte son nom (§ 2.16.2 ; de nos jours, il est possible de construire un gyroscope mettant en ´evidence la rotation de la Terre [30], [31]). Misen en contexte

La grandeur qui intervient dans la relation entre la vitesse du centre de masse et la quantit´e de mouvement du solide est sa masse. La masse est un scalaire. Le lien entre la vitesse angulaire et le moment cin´etique est un tenseur. On voit ainsi en m´ecanique des propri´et´es physiques qui sont des scalaires, des vecteurs ou des tenseurs. Pour ce familiariser un peu plus avec la notion de propri´et´e tensorielle, on introduit `a la section 3.21 le tenseur des contraintes ´etablissant la relation entre le vecteur normal `a une surface d´efinie dans le mat´eriau et la force que le mat´eriau exerce en cet endroit sur cette surface.

2.22

Relativit´e restreinte : simultan´eit´e

Le principe de relativit´e d’Einstein (§ 1.22.2) peut paraˆıtre simple et mˆeme 22.2 naturel. Toutefois, la confrontation des implications de ce principe avec les concepts acquis au travers de notre exp´erience sensorielle et tactile du monde conduit ` a divers paradoxes apparents. Illustrons cela par l’examen d’un raisonnement simple qui conduit ` a un tel paradoxe. Cet exemple montre combien il est n´ecessaire de changer des paradigmes cin´ematiques de fa¸con radicale [32]. Consid´erons une impulsion lumineuse qui se propage le long d’un axe x, ´etant partie de l’origine O ` a l’instant t = 0. Consid´erons un second r´ef´erentiel, auquel est associ´e le syst`eme d’axes O∗ x∗ y ∗ dont l’axe O∗ y ∗ se d´eplace `a la vitesse v par rapport au syst`eme d’axes Oxy. A l’instant t = 0, les origines O∗ et O co¨ıncident (fig. 2.81). y

y*

O* O

x* h

x

Fig. 2.81 Une impulsion de lumi`ere se propage vers la droite. On en rep`ere la position par la coordonn´ee x dans le r´ef´erentiel centr´e en O, et par la coordonn´ee x∗ dans le r´ef´erentiel centr´e en O∗ , O∗ se d´epla¸cant de h pendant que l’impulsion a parcouru x∗ .


164

Pratique de la m´ ecanique

Il est donc tout naturel d’´ecrire les relations x = x∗ + h x = ct h = vt Par cons´equent la vitesse de propagation de cette impulsion lumineuse dans le r´ef´erentiel O∗ x∗ y ∗ est d´eclar´ee comme ayant la valeur : c∗ =

x∗ x−h = =c−v t t

Par cons´equent les grandeurs c et c∗ ne sont pas les mˆemes. Ce qui est en d´esaccord avec le principe de relativit´e et montre qu’il faut que les d´efinitions des grandeurs physiques ´evoqu´ees soient pr´ecis´ees. Quand nous ´ecrivons x = x∗ +h, nous supposons tacitement que les trois grandeurs x, x∗ et h sont mesur´ees de la mˆeme mani`ere, avec les mˆemes ´etalons de longueur. De mani`ere similaire, nous avons postul´e tacitement un temps t, dont la mesure est pr´esum´ee ind´ependante du mouvement du r´ef´erentiel. Pour r´esoudre ce paradoxe on pourrait convenir soit que les unit´es de longueurs ne sont pas les mˆemes dans le r´ef´erentiel en mouvement et dans le r´ef´erentiel o` u l’observateur (qui fait la mesure) est fixe, soit que cette diff´erence se porte sur les unit´es de temps. Une de ces possibilit´es ou les deux permettraient de rester en accord avec le postulat de relativit´e. En fait, la transformation de Lorentz montre que ce sont les deux grandeurs qui changent ! La vitesse dans le r´ef´erentiel O∗ x∗ y ∗ doit donc ˆetre d´efinie comme x∗ (2.96) c = c∗ = ∗ t Dans cet exemple, il y a une autre « subtilit´e » qui pourrait conduire `a des r´esultats paradoxaux. Dans la d´etermination de la vitesse c∗ , il est sousentendu que les longueurs x, x∗ et h sont mesur´ees simultan´ement. Or dans le cadre de la th´eorie de la relativit´e restreinte, il se trouve que deux ´ev´enements qui apparaissent simultan´es dans un r´ef´erentiel ne le sont pas n´ecessairement vus d’un autre ! Dans la d´efinition des grandeurs cin´ematiques, la relativit´e de la simultan´eit´e peut donc conduire `a des erreurs de raisonnement, tant on est habitu´e ` a raisonner en attribuant `a la simultan´eit´e un caract`ere absolu. Simultan´eit´e

A. Einstein met en ´evidence le caract`ere relatif de la simultan´eit´e `a l’aide du paradoxe du train qui arrive en gare. Deux ´eclairs lumineux ´eclatent `a l’avant et ` a l’arri`ere du train, laissant des marques sur le train et sur les rails (fig. 2.82). Si l’on consid`ere ces deux ´eclatements comme simultan´es pour les passagers du train comme pour les personnes qui se tiennent sur le quai, alors : 1) Un observateur qui se tient sur le quai, `a mi-distance des deux marques sur les rails, per¸coit les deux ´eclairs lumineux au mˆeme moment. 2) Un observateur sur le train, en son milieu, per¸coit de mˆeme les deux ´eclairs en mˆeme temps.


Relativit´ e restreinte : simultan´ eit´ e

165

3) En revanche, l’observateur sur le quai estime que l’observateur sur le train, en son milieu, per¸coit l’´eclair produit `a l’avant avant l’´eclair produit `a l’arri`ere.

Fig. 2.82 L’arriv´ee en gare d’un train provoque des impulsions lumineuses. L’observateur sur le quai estime qu’elles sont simultan´ees pour lui, mais pas pour le passager au milieu du train !

Il semble qu’il y a contradiction ! Le principe de relativit´e d´eclare que les deux r´ef´erentiels sont ´equivalents. Par cons´equent, il faut conclure que la simultan´eit´e est relative. H. Poincar´e avait ´egalement constat´e cette difficult´e [84]. Le fameux article de 1905 [87] d´efinit une proc´edure exp´erimentale bas´ee sur la propagation d’impulsions lumineuses pour donner une d´efinition pr´ecise de la synchronisation des horloges. Cet article cherche alors la loi de transformation des coordonn´ees entre deux r´ef´erentiels en translation uniforme qui satisfait aux deux postulats que sont le principe de relativit´e et l’invariance de la vitesse de la lumi`ere. La d´emarche aboutit aux transformations ´etablies par H. A. Lorentz dans le cadre de l’´electromagn´etisme. C’est donc un immense succ`es. En reformulant les bases de la cin´ematique, il devient possible de r´econcilier les changements de r´ef´erentiels en ´electromagn´etisme et en m´ecanique. Il faut noter avec Wheeler [12, sect. 5.6] que le temps de propagation de l’information n’est pas la cl´e qui brise le concept de la simultan´eit´e absolue. Wheeler nous invite ` a imaginer des ´ev´enements enregistr´es par rapport `a des r´ef´erentiels d’inertie en translation uniforme les uns par rapport aux autres, `a chaque r´ef´erentiel ´etant associ´ee une horloge ; les horloges sont synchronis´ees entre elles. Les ´ev´enements sont alors enregistr´es localement, puis les enregistrements sont compar´es ult´erieurement. Mise en contexte

La d´ecouverte de la th´eorie de la relativit´e remonte environ `a trois g´en´erations de scientifiques seulement (sect. 3.22). Un vif d´ebat s’est engag´e r´ecemment autour de la question de la contribution de Poincar´e et certains vont mˆeme jusqu’` a mettre en doute le fait qu’Einstein soit l’auteur de l’article de 1905 sur l’´electrodynamique des corps en mouvement !


166

Pratique de la m´ ecanique

2.23 23.2

Dilatation du temps, contraction des longueurs

L’horloge `a impulsions lumineuses

Pour rendre plausible les nouveaux concepts cin´ematiques de la relativit´e restreinte, on consid`ere un laboratoire auquel est attach´e un r´ef´erentiel d’inertie R et une fus´ee en mouvement uniforme par rapport `a ce r´ef´erentiel R `a laquelle est attach´e un r´ef´erentiel R0 . Soient deux ´ev´enements, not´es A et B, associ´es chacun ` a un lieu et un instant (fig. 2.83) : •

A : ´emission d’un ´eclair lumineux depuis la fus´ee. A l’endroit o` u a lieu cette ´emission, l’horloge du r´ef´erentiel R du laboratoire et l’horloge du r´ef´erentiel R0 de la fus´ee indiquent chacune, par convention, une valeur fix´ee `a 0. De la fus´ee, on observe la propagation de l’´eclair lumineux vers un miroir attach´e ` a la fus´ee puis la r´eflexion de cet ´eclair par ce dernier miroir. Ce miroir, immobile relativement au r´ef´erentiel R0 attach´e `a la fus´ee, est orient´e parall`element au mouvement de la fus´ee, `a trois m`etres dans la direction perpendiculaire ` a la vitesse de cette derni`ere par rapport au r´ef´erentiel du laboratoire R. B : R´eception par la fus´ee de l’´eclair lumineux r´efl´echi, `a l’endroit de la fus´ee, d’o` u cet ´eclair fut ´emis.

Calculons la distance spatiale et la dur´ee temporelle qui s´epare ces deux ´ev´enements dans chacun des r´ef´erentiels R et R0 . Dans le r´ef´erentiel R0 attach´e ` a la fus´ee. Si la fus´ee et le miroir sont s´epar´es par une distance de 3 m, la longueur du trajet aller et retour de l’´eclair lumineux vaut 6 m. La dur´ee du trajet aller et retour de l’´eclair lumineux est donc ∆t0 = 6 m`etres/c. Dans le r´ef´erentiel R attach´e au laboratoire. On suppose que la fus´ee se d´eplace avec une vitesse telle que durant le temps ∆t d’aller-retour de l’´eclair lumineux, la fus´ee parcourt la distance ∆x = 8 m. Dans le r´ef´erentiel du laboratoire toujours, le trajet de la lumi`ere pr´esente la forme d´ecrite par la figure 2.83. La longueur totale de ce trajet est de 5 m`etres + 5 m`etres = 10 m`etres. Donc c ∆t = 10 m`etres relativement au r´ef´erentiel du laboratoire.

ct

A

ct vt

B

Fig. 2.83 Trajectoire du faisceau lumineux de l’horloge optique relativement au r´ef´erentiel du laboratoire.

On note donc que la dur´ee de parcours de l’´eclair lumineux est plus longue lorsqu’elle est observ´ee du r´ef´erentiel R du laboratoire dans lequel la fus´ee est en mouvement que lorsqu’elle est observ´ee de la fus´ee.


Dilatation du temps, contraction des longueurs

167

Si on s’en r´ef`ere ` a l’horloge constitu´ee de deux miroirs parall`eles entre lesquels une impulsion lumineuse est r´efl´echie, on constate qu’un « battement » de l’horloge pr´esente une dur´ee plus grande lorsque l’horloge est observ´ee en mouvement. D’un point de vue de la th´eorie de la relativit´e, on d´eclare parfois que les horloges en mouvement « fonctionnent plus lentement » que celles qui sont immobiles. On ´evoque aussi l’image de la « dilatation du temps ». Ces diff´erences qui concernent l’´ecoulement du temps ont-elles ´et´e observ´ees ? Absolument ! L’exemple le plus probant est celui des particules ´el´ementaires dont la dur´ee de vie est tr`es courte `a notre ´echelle. Lors des exp´eriences dans lesquelles entrent en jeu des acc´el´erateurs de particules charg´ees, ces derni`eres sont observ´ees durant des temps qui peuvent largement exc´eder leur dur´ee de vie observ´ee dans le r´ef´erentiel dans lequel elles sont au repos. Le langage utilis´e pour d´ecrire ce ph´enom`ene fait qu’on peut en arriver `a se demander si quelque chose change vraiment dans la structure et le fonctionnement des horloges qui fait qu’elles « avancent » plus lentement quand elles bougent que lorsqu’elles sont ` a l’arrˆet. Ce n’est pas du tout le cas ! D´epla¸cons-nous avec une horloge. Observons-la. Changeons notre vitesse avec de faibles acc´el´erations. Est-ce que cela change quelque chose ` a l’horloge ? Non ! C’est donc seulement par le fait de conventions « a priori » qu’on est conduit `a de telles conclusions au sujet de cette diff´erence de temps. Exemple 2.19 D´esint´egration du mu-m´eson Le temps moyen apr`es lequel se d´esint`egre un mu-m´eson qui vient d’ˆetre cr´e´e au repos est τ = 2,2 × 10−6 s. Or, les circonstances dans lesquelles ces particules sont observ´ees font qu’elles se d´eplacent `a une vitesse proche de la vitesse de la lumi`ere. Pendant leur dur´ee de vie, elles parcourent donc une distance cτ = 3 × 108 m/s × 2,2 × 10−6 s = 600 m. Or la Terre re¸coit des rayons cosmiques qui par collision produisent des mu-m´esons dans les couches sup´erieures de l’atmosph`ere. Certains de ces mu-m´esons parviennent au sol, donc ils parcourent environ 10 km. Consid´erons deux ´ev´enements qui ont lieu au mˆeme endroit par rapport `a un r´ef´erentiel donn´e. Vu de ce r´ef´erentiel la dur´ee qui s´epare ces deux ´ev´enements vaut τ , cette valeur se r´ef´erant par cons´equent `a une horloge associ´ee `a ce dernier r´ef´erentiel. La dur´ee t de cette s´eparation dans le temps, observ´ee dans tout r´ef´erentiel en translation ` a la vitesse v par rapport au r´ef´erentiel initial o` u ces deux ´ev´enements ont lieu au mˆeme endroit, est li´ee `a la grandeur τ par la loi d’invariance de l’intervalle, c2 τ 2 = c2 t2 − v 2 t2 , qui implique la relation : t= p

τ 1 − v 2 /c2

(2.97)

Le temps propre est le temps ´ecoul´e entre deux ´ev´enements observ´es du r´ef´erentiel par rapport auquel ces deux ´ev´enements ont lieu au mˆeme endroit.


168

Pratique de la m´ ecanique

Int´eressons-nous maintenant `a la mesure de la longueur d’un barreau en d´eplacement ` a la vitesse v dans le r´ef´erentiel `a partir duquel on l’observe. Vu la complexit´e de la cin´ematique relativiste, en particulier vu le fait que deux ´ev´enements simultan´es par rapport `a un r´ef´erentiel ne le sont pas vu d’un autre r´ef´erentiel anim´e d’une vitesse non nulle par rapport au premier, il est indispensable de d´efinir clairement ce que l’on entend par la longueur d’un barreau en mouvement. Il doit s’agir d’une d´efinition qui fixe clairement la proc´edure ` a suivre mˆeme si la mesure n’est que virtuelle. La d´efinition de la longueur, et donc la proc´edure `a suivre pour en d´eterminer la valeur, est rendue significative `a l’aide de l’image suivante (fig. 2.84). Une fus´ee se d´eplace avec une vitesse v le long d’un barreau de longueur L immobile dans le r´ef´erentiel R du laboratoire. Dans ce r´ef´erentiel R les extr´emit´es du barreau occupent des postions de coordonn´ees a et b. On consid`ere alors les deux ´ev´enements que voici : Ev´enement A : la fus´ee passe au point de coordonn´ee a Ev´enement B : la fus´ee passe au point de coordonn´ee b v un barreau a

b

Fig. 2.84 Mesure de la longueur d’un barreau au repos dans le laboratoire faite par un observateur dans la fus´ee qui lui se d´eplace a ` la vitesse v par rapport au laboratoire.

Relativement au r´ef´erentiel R0 attach´e `a la fus´ee, les ´ev´enements A et B ont lieu au mˆeme endroit, donc le temps ´ecoul´e entre ces deux ´ev´enements est un temps propre τ . Par rapport au r´ef´erentiel R0 attach´e `a la fus´ee, le barreau se d´eplace avec une vitesse −v. Il faut donc attendre un temps τ pour voir passer successivement l’une puis l’autre des extr´emit´es du barreau. On appellera donc longueur du barreau en mouvement `a la vitesse v la grandeur L0 = vτ . Dans le r´ef´erentiel du laboratoire R, la dur´ee ∆t de l’intervalle de temps entre les deux ´ev´enements A et B vaut ∆t = Lv et la distance spatiale qui les s´eparent a pour valeur ∆x = L. L’invariance de l’intervalle permet alors d’´ecrire la relation : r 1p 2 1 L2 2 2 τ= c (∆t) − (∆x) = c2 2 − L2 c c v r r 2 2 L c L v = −1= 1− c v2 v c Par cons´equent la longueur du barreau, observ´ee depuis la fus´ee, a pour valeur r v 2 0 L = vτ = L 1 − (2.98) c Un barreau est mesur´e plus court (« contract´e ») quand il est observ´e d’un r´ef´erentiel dans lequel il est en mouvement. Il faut toutefois ne pas perdre de vue le sens exact de la d´efinition de la mesure de cette longueur.


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Dilatation du temps, contraction des longueurs

Remarque. L’expression « contraction des longueurs » sugg`ere qu’un objet en mouvement a l’air contract´e dans la direction du mouvement si l’on s’en r´ef`ere ` a la mesure. Mais que verrait-on avec nos yeux ? Le physicien Gamov a abord´e cette question dans un trait´e de vulgarisation dans lequel il a tent´e d’expliquer la relativit´e au grand public. Il y d´ecrit un monde o` u la vitesse de la lumi`ere est de 15 km/heure. Un cycliste paraˆıt aplati [33], [34]. Il a fallu attendre des ann´ees pour ´echapper ` a cette conception erron´ee ! Le professeur Weisskopf, qui allait devenir directeur du CERN, prit la peine, au d´ebut des ann´ees 1960, de clarifier cette question des apparences dans la revue de la soci´et´e am´ericaine de physique Physics Today [35]. Selon la cin´ematique newtonienne, un objet qui vient vers soi sous un angle aigu a l’air allong´e. La cin´ematique relativiste postule qu’une sph`ere est, au contraire, vue comme une sph`ere mais tourn´ee, si bien que l’on voit une partie de l’arri`ere de cette derni`ere ! Dans ces exemples de cin´ematique relativiste relatifs `a la contraction des longueurs et la dilatation du temps, on voit l’importance qu’il y a `a raisonner sur la base d’´ev´enements caract´eris´es par une (ou des) coordonn´ee(s) spatiale(s) et par un temps. Cette mani`ere de d´ecrire les ´ev´enements se r´ef`ere `a la notion d’espace-temps. La notion de mesure d’un intervalle d’espace-temps (d´ej` a introduite pr´ec´edemment) doit donc ˆetre interpr´et´ee comme une notion de « distance », soit spatiale soit temporelle, entre deux ´ev´enements. 2.23.1

Application des transformations de Lorentz

Contraction des longueurs

Comme il se doit et comme on peut le constater ais´ement, les transformations de Lorentz impliquent la contraction des longueurs et la dilatation du temps. Pour le montrer consid´erons pour commencer une r`egle immobile par rapport ` a un r´ef´erentiel R0 et plac´ee sur l’axe x0 de telle sorte que ses extr´emit´es co¨ıncident avec les points de coordonn´ees x0 = 0 et x0 = L0 (fig. 2.85). Quelle est la longueur de la r`egle, ` a un instant donn´e t, par rapport au r´ef´erentiel R de coordonn´ees Oxyz ? De la relation x0 = p z

x − vt 1 − v 2 /c2 z'

y

v y'

x

x' L0

Fig. 2.85 Mesure de la longueur d’un barreau au repos dans un r´ef´erentiel.


170

Pratique de la m´ ecanique

on extrait l’expression r

v2 + vt c2 Par cons´equent, relativement au r´ef´erentiel R, les extr´emit´es de la r`egle sont `a l’instant t situ´ees aux points de coordonn´ees x=x

0

1−

x(origine de la r`egle) = 0 + vt r v2 x(fin de la r`egle) = L0 1 − 2 + vt c Ainsi, ` a l’instant t, la longueur de la r`egle observ´ee du r´ef´erentiel R a pour valeur : r v2 L = x(fin r`egle) − x(origine de la r`egle) = L0 1 − 2 c Dilatation du temps

On consid`ere deux battements successifs d’une horloge du r´ef´erentiel R0 associ´e aux coordonn´ees Ox0 y 0 z 0 et t0 . Ces battements ont lieu aux instants t0 = 0 et t0 = τ au point x0 = 0 (fig. 2.86). Il faut utiliser ici la loi de transformation de la coordonn´ee d’espace et la loi de transformation de la coordonn´ee temps. Au premier battement de l’horloge, on a t0 − (v/c2 )x 0= p 1 − v 2 /c2

x − vt0 0= p 1 − v 2 /c2

On en conclut que t0 = 0 et x = 0. Au deuxi`eme battement, on a t1 − (v/c2 )x τ= p 1 − v 2 /c2 Par cons´equent :

x − vt1 0= p 1 − v 2 /c2

t1 − (v/c2 )vt1 τ= p 1 − v 2 /c2

ce qui permet de conclure que t1 = p z

τ 1 − v 2 /c2 z' v

y

y'

x

x' horloge à x' = 0

Fig. 2.86 Mesure d’un temps d´efini par une horloge au repos dans un r´ef´erentiel.


Le photon

171

Mise en contexte

A-t-on des v´erifications exp´erimentales de ces effets ? Bien sˆ ur ! Il en existe de nombreuses. La section 3.23 relate une exp´erience, connue comme « l’effet M¨ ossbauer ».

2.24

Le photon

La th´eorie de la relativit´e restreinte permet d’envisager l’existence de parti- 24.2 cules de masse nulle mais d’´energie non nulle. Dans la formule (1.89) qui fournit l’´energie d’une particule libre de masse m anim´ee d’une vitesse v, on peut faire tendre kvk vers c et la masse m vers z´ero, tout en gardant le rapport mc2 p

1 − v 2 /c2

constant, ´egal `a l’´energie E

On peut ´egalement parvenir ais´ement au mˆeme r´esultat `a l’aide de la condition de masse (1.85) en y posant m = 0. La relation entre la quantit´e de mouvement et l’´energie devient simplement : E = c |p| Des particules de masse nulle existent, par exemple le neutrino et l’antineutrino. Ces particules de masse nulle ont ´et´e observ´ees indirectement, puis plus r´ecemment de mani`ere directe, par exemple dans les constituants de la d´esint´egration du neutron en trois particules que sont le proton, l’´electron et l’antineutrino : n −→ p + e− + ν Voici un autre exemple. Au tout d´ebut du xxe si`ecle, pour expliquer le spectre du rayonnement dit du corps noir , Max Planck formula l’hypoth`ese que ce rayonnement ´electromagn´etique ´etait soumis `a la condition que les ondes de fr´equence ν ´etaient constitu´ees d’entit´es d’´energie E = hν = ~ω

(2.99)

relation dans laquelle le symbole h d´esigne une constante appel´ee constante de Planck . A ces entit´es il donna le nom de quanta. Plus tard Einstein ´emit de plus l’hypoth`ese que ces quanta devaient ˆetre assimil´es `a des particules se mouvant ` a la vitesse de la lumi`ere, donc `a des particules de masse nulle et de quantit´e de mouvement E hν |p| = = (2.100) c c Cette particule de masse nulle fut appel´ee photon. Ces notions prendront un sens plus pr´ecis dans le cadre d’une introduction `a la physique quantique. Il faut voir la notion de photon comme un mod`ele. En tant que tel, il permet de


172

Pratique de la m´ ecanique

d´ecrire convenablement certaines exp´eriences. C’est le cas de la collision entre un rayonnement ´electromagn´etique de haute ´energie et des particules charg´ees, typiquement l’´electron (effet Compton). Il est possible d’observer notamment la diffusion en arri` ere d’un photon entrant en collision avec un ´electron au repos. Pour analyser cette collision, on trace les quantit´es de mouvement des deux « particules » avant et apr`es la collision (fig. 2.87). L’´electron a une masse m. Comme il est au repos, sa quantit´e de mouvement (quadri-vectorielle) a une composante ´energie seulement Eeinit = mc2 . Le photon incident a, quant −

init init

a lui, une quantit´e de mouvement pphoton et une ´energie Ephoton ` = c pinit photon . D´esignons par les symboles q 2 fin fin p e− et Ee− = c pfin + m2 c2 (2.101) e− la quantit´e de mouvement et l’´energie de recul de

l’´electron. Enfin d´esignons fin

pfin

par les symboles pfin et E = c e de mouvement photon photon photon la quantit´ et l’´energie du photon diffus´e en arri`ere. La conservation de la quantit´e de mouvement et de l’´energie se traduit par les deux ´equations fin init pfin e− + pphoton = pphoton q

init

2 2

c pfin + m2 c2 + c pfin e− photon = mc + c pphoton

(2.102)

cPe mc2 Ee Ei Ef cpi

cpf

cpi

Fig. 2.87 Analyse d’une collision entre un photon et une particule initialement au repos, de masse m. Le photon est suppos´e r´etrodiffus´e. La conservation de la quantit´e de mouvement quadri-vecteur impose des contraintes sur l’´etat final.

L’´etat final peut ˆetre obtenu en r´esolvant ce syst`eme de deux ´equations fin pour les grandeurs pfin e de mouvement de recul e− et pphoton que sont la quantit´ de l’´electron et la quantit´e de mouvement du photon diffus´e. Supposons que la quantit´e de mouvement du photon incident soit positive. Alors, apr`es quelques manipulations formelles ´el´ementaires : pfin photon = − pfin e−

=2

mcpin photon mc + 2pin photon

mc + pin photon mc + 2pin photon

pin photon

(2.103)




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