Plusieurs milliers de soleils dans un laboratoire

L'installation comporte 18 sources lumineuses disposées sur une demi-sphère de près de 2 mètres de diamètre© 2016 Alain Herzog

L'installation comporte 18 sources lumineuses disposées sur une demi-sphère de près de 2 mètres de diamètre© 2016 Alain Herzog

Dix-huit sources lumineuses, disposées en demi-sphère, permettent d’imiter avec une puissance et une précision inégalée, le rayonnement équivalent à plusieurs milliers de fois celui reçu sur terre depuis notre soleil. Mis au point par un Laboratoire de l’EPFL, elles permettent de tester divers matériaux en conditions extrêmes. Un article à ce sujet paraît aujourd’hui dans "Optics Express".

Le flux lumineux équivalent à 20‘000 soleils? L’énergie reçue pendant une journée dans le désert? La sortie d’un propulseur de fusée? Une intensité lumineuse telle qu’on la trouve dans l’espace, proche du soleil? Un laboratoire de l’EPFL parvient à reproduire la chaleur et la lumière du rayonnement solaire, avec une précision et une puissance inégalées. Utilisé pour tester des installations solaires, et des matériaux en conditions de température et de chaleur extrêmes, il permet d’avoir un aperçu complet en quelques heures, sans les aléas météorologiques. Les détails de cette installation font l’objet d’un article qui paraît aujourd’hui dans Optics Express.

L’intensité de 21'700 soleils

Le but de cette installation, mise au point en collaboration avec l’Australian National University et l’entreprise Kinoton Digital Solutions, est de parvenir à une lumière la plus intense possible qui peut varier avec finesse sans créer de chaleur inutile: cela pourrait endommager les matériaux testés. Pour cela, 18 sources lumineuses sont placées en deux cercles concentriques autour d’une demi-sphère virtuelle de près de deux mètres de diamètre. Chacune de ces lampes est constituée d’un réflecteur, sorte de coupelle à l’effet miroir, éclairé par une ampoule au Xénon. Les ondes lumineuses émises dans toutes les directions par l’ampoule sont ainsi réfléchies et concentrées en un point précis. À l’endroit où se croisent les faisceaux lumineux issus des différentes lampes, l’intensité maximale équivaut à 21’700 soleils (21.7 MW m-2). C’est à cet endroit que divers dispositifs et matériaux peuvent être testés.

L’engin, qui occupe une pièce entière du Laboratoire de science et technologie des énergies renouvelables, permet d’effectuer de nombreux tests dans des conditions expérimentales stables et contrôlées. Le groupe de recherche piloté par Sophia Haussener l’utilise avant tout pour ses travaux sur les nouveaux processus de conversion et de stockage d’énergie liés au soleil. Ils testent par exemple les transferts de chaleur entre divers matériaux qui pourraient améliorer le rendement des centrales à énergie solaire concentrée commerciales (à tour ou cylindro-paraboliques, les deux étant en fort développement aux Etats-Unis et en Espagne) ou prouver la viabilité de nouveaux concepts de captation, transfert et conversion de l’énergie lumineuse. Mais d’autres collaborations sont en cours, par exemple pour la caractérisation de matériaux spatiaux.

Un courant versatile qui change tout

Ces performances inédites ont été obtenues notamment grâce aux réflecteurs d’un genre nouveau, fabriqués par électroformage. «Il s’agit d’une méthode de dépôt électrolytique de métal qui permet de répliquer un modèle avec une exactitude inégalée. La précision de la réflexion est nettement meilleure», explique Gaël Levêque, collaborateur scientifique du Laboratoire.

Le nombre plus élevé de modules par rapport aux simulateurs solaires existants, ainsi que la possibilité de faire varier le courant, permettent un ajustement plus fin de la puissance. Le courant fourni aux lampes peut en effet être modulé entre 70 et 120% des 90 ampères injectés: cela permet de faire varier la puissance lumineuse délivrée. Pour une puissance ou un flux donnés, plusieurs choix s’offrent donc au chercheur: «par exemple pour une puissance de 5.4 KW, on peut utiliser 6 lampes – soit uniquement le premier cercle de lampes - à 120%, ou 9 lampes à 70% », explique Gaël Levêque. Utiliser moins de lampes permet de "fermer" l'angle d'incidence du rayonnement, c’est-à-dire que le faisceau lumineux total est plus fin et puissant. Tandis qu'augmenter le nombre de lampes permet d'avoir un faisceau plus large et moins concentré, pratique pour illuminer plus uniformément une surface.

Un jumeau en Australie et une méthode open source

Ce dispositif a un jumeau en Australie, à Canberra, construit en parallèle à celui de l’EPFL. Plus qu’un dispositif, c’est en effet une méthode open source que les chercheurs ont développée en collaboration avec leurs collègues de l’Australian National University et l’entreprise Kinoton Digital Solutins GmbH. D’autres appareils peuvent donc être montés sur la base de ces calculs avec plus ou moins de lampes et différentes dimensions. Des flux radiatifs encore plus importants pourraient d’ailleurs être atteints en utilisant des lampes avec une plus haute puissance, et en adaptant quelques autres paramètres.