AVC: un sous-produit de l'effort musculaire protège les neurones

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Des chercheurs emmenés par l’EPFL ont découvert comment le lactate, un déchet du métabolisme du glucose, peut protéger les neurones contre des dommages consécutifs à des traumatismes tels qu’une attaque ou une blessure de la moelle épinière.

Les attaques ou des atteintes à la moelle épinière peuvent provoquer des stimulations excessives dans les cellules nerveuses, ce qui finit par les endommager, voire les tuer. Ce processus est connu sous le nom d’excitotoxicité, est c’est une des raisons pour lesquelles les moments qui suivent ces traumatismes sont critiques, tandis qu’il est aussi impliqué dans les maladies neuro-dégénératives progressives, par exemple la Maladie d’Alzheimer. Une équipe de scientifiques conduits par l’EPFL vient de découvrir que le lactate, qui est produit dans le cerveau et même dans les muscles après un exercice intense, peut être mis à contribution pour protéger les neurones contre l’excitotoxicité. L’étude est publiée dans la revue Scientific Reports de Nature.

A la suite de traumatismes tels qu’une attaque ou une blessure de la moelle épinière, un certain type de récepteurs s’emballent et saturent le neurone-cible d’un barrage de signaux électriques. Cela provoque l’accumulation de ions de calcium dans le neurone, ce qui déclenche des circuits biochimiques toxiques qui finissent pas l’endommager ou le tuer.

Les récepteurs qui provoquent cette réaction sont appelés récepteurs NMDA, et interagissent avec le neurotransmetteur glutamate. Les récepteurs NMDA sont des objets d’intérêt majeur en recherche et en médecine, car ils sont impliqués dans nombre de désordres, notamment l’épilepsie, la schizophrénie, les maladies de Parkinson et même celle d’Alzheimer.

Une équipe de chercheurs dirigée par Pierre Magistretti de l’EPFL et la King Abdullah University of Science and Technology, ont étudié les effets du glutamate sur des neurones de souris mis en culture. Les scientifiques ont eu recours à une nouvelle technique d’imagerie, non invasive, appelée Microscopie Holographique Numérique (Digital Holographic Microscopy), qui permet de visualiser la structure et la dynamique des cellules avec une résolution d’un nanomètre.

Des études précédentes ont suggéré que le lactate pouvait protéger les neurones contre l’excitotoxicité. Le lactate est produit dans le cerveau et dans les muscles à la suite d’un effort physique intense, en tant que déchet du métabolisme du glucose. Toutefois, la manière dont le lactate protège les neurones avait échappé à la science jusqu’ici.

Les chercheurs ont testé les effets du glutamate sur les neurones de la souris, avec et sans lactate. Les résultats ont été éloquents: le glutamate a tué 65% des neurones, mais associé au lactate, ce chiffre est tombé à 32%.

Les chercheurs ont alors cherché à déterminer comment le lactate protège les neurones. En utilisant différents inhibiteurs de récepteurs sur les neurones de la souris, ils ont déterminé que le lactate déclenchait la production d’ATP, la molécule énergétique de la cellule. Ensuite, l’ATP ainsi produit se combine et active un autre type de récepteur dans le neurone, qui active une cascade complexe de mécanismes de défense. Le résultat, c’est que la cellule est capable de résister au déferlement de signaux du récepteur NMDA.

Description pas-à-pas de la manière dont le lactate protège les neurones contre l’excitotoxicité:
(1) Une activité excessive du glutamate suscite un fort afflux de calcium (Ca2+)dans le neurone par les récepteurs NMDA, ce qui provoque sa mort. (2) Le lactate est transporté dans le neurone et (3) converti en pyruvate par l’enzyme lactate dehydrogénase (LDH). (4) Le pyruvate est alors transporté dans les mitochondries par le vecteur de pyruvate mitochondrial (MPC) où il génère l’ATP. (5) L’ATP est alors libérée par les pannexines et active le récepteur P2Y, qui (6) active la voie PI3K. (7) Cela déclenche l’ouverture des canaux du potassium (K+), ce qui fait hyperpolariser le neurone, réduisant ainsi sont excitabilité, et donc, le protégeant des dommages de l’excitoxicité.

Cette découverte est susceptible de faire avancer notre compréhension de la neuroprotection, ce qui pourrait conduire à des approches pharmacologiques plus efficaces pour atténuer les dommages irréparables causés par une attaque, une blessure à la moelle épinière, et d’autres traumatismes.

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Ce travail résulte d’une collaboration du Brain Mind Insitute de l’EPFL avec la King Abdullah University of Science and Technology et le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Il a été financé par le FNRS et le NCCR Synapsy.

Source

Jourdain P, Allaman I, Rothenfusser K, Fiumelli H., Marquet P, Magistretti PJ. L-Lactate protects neurons against excitotoxicity: implication of an ATP-mediated signaling cascade.Scientific Reports 6:21250, 19 February 2016. DOI: 10.1038/srep2125019