Une base de données pour un ciment moins polluant

© 2017 EPFL Vue au microscope électronique du silicate de calcium hydraté, produit principal de l'hydratation du ciment de Portland

© 2017 EPFL Vue au microscope électronique du silicate de calcium hydraté, produit principal de l'hydratation du ciment de Portland

Le ciment, composant essentiel du béton, est le matériau de construction le plus utilisé dans le monde mais aussi une source importante de pollution. Pour rendre sa fabrication plus verte et plus efficace, des chercheurs de l'EPFL, de l'ETHZ et de l'Université Rice à Houston ont créé une base de données qui simule les propriétés de ce matériau au niveau atomistique. En rassemblant des modèles validés pour la modélisation moléculaire, elle permettra une meilleure compréhension des comportements du ciment.

La base de données s'appelle cemff, pour Cement Force Fields. Fonctionnant comme une bibliothèque en ligne, elle réunit des méthodes permettant de simuler les paramètres de champ de force pour les différents types de matériaux inorganiques présents dans le ciment. Dans ce domaine, un champ de force est l'ensemble des paramètres utilisés pour construire des modèles informatiques des interactions atomiques. Ces modèles sont ensuite utilisés pour calculer comment les atomes interagissent individuellement et collectivement avec leurs voisins et confèrent ses propriétés au matériau. Les chercheurs universitaires ou l'industrie pourront donc recourir à cette base de données pour élaborer des simulations précises et des projections de formules de ciments conçues de manière spécifique selon les besoins. Quinze scientifiques issus de onze institutions ont travaillé sur le projet dirigé par Paul Bowen de l'EPFL, Ratan Mishra de l'ETHZ et Rouzbeh Shahsavari de l'Université Rice. Les détails sont publiés dans la revue Elsevier Cement and Concrete Research.

Un matériau plus durable

«J'espère que le format ouvert et l'assise internationale de la base de données cemff encourageront les communautés de la modélisation et de l'expérimentation à créer des critères solides, pour mieux comprendre et prédire de manière plus précise les propriétés des matériaux les plus utilisés sur la terre, et nous permettront de construire un futur plus durable», souligne Paul Bowen, professeur à l’EPFL. En effet, en améliorant la compréhension du comportement du ciment, cemff pourrait aider l'industrie à élaborer des matériaux de construction plus solides, plus durables, et réduisant les émissions de dioxyde de carbone pendant la production. Chaque année, la production de béton atteint plus de 3 milliards de tonnes et contribue à hauteur de 8% aux gaz à effet de serre de l'atmosphère. «Cette base de données unifiée est en harmonie avec la tendance actuelle vers les big data et la science prédictive et computationnelle des matériaux», explique Rouzbeh Shahsavari, professeur-assistant à l'Université Rice.

Simulations à l'échelle nanométrique

Le ciment est constitué premièrement de silicates de calcium, qui réagissent avec l'eau pour produire le matériau durci qui confère au béton ses propriétés mécaniques et sa durabilité. Or près de 60% des émissions de dioxyde de carbone issues de la production de ciment proviennent de la décomposition du calcaire, la source du calcium dans le ciment. Pour réduire l'empreinte carbone, les cimentiers ajoutent au mélange des argiles, et des déchets tels la cendre volante et des matériaux recyclés. Ensemble, ils ont une influence sur les caractéristiques mécaniques et la résilience du produit. D'où le besoin de simulations à l'échelle nanométrique, qui permettent aux fabricants de tester des mélanges, avant même de fabriquer du vrai ciment. Les modèles montrent comment les molécules qui composent le ciment interagissent les unes avec les autres. Ces interactions microscopiques déterminent le comportement du béton dans les applications sur le terrain, et permettent d'ajuster le matériau afin qu'il se comporte au mieux pendant des décennies, et d'une manière la plus respectueuse de l'environnement possible. «La modélisation moléculaire demande encore de nombreux compromis», conclut Ratan Kishore Mishra, scientifique à l'ETHZ. «L'exemple typique, c'est de devoir choisir entre temps ou précision. Mais, plus important, il est essentiel de reconnaître à chaque modèle spécifique ses forces et ce qui pourrait être amélioré. Cemff permettra aux chercheurs d'avoir une vision plus globale sur cette question, et de sélectionner la meilleure approche pour résoudre les problèmes auxquels ils sont confrontés».

Les auteurs de cet article comprennent Aslam Kunhi Mohamed et David Geissbühler, EPFL ; Hegoi Manzano. Université du Pays Basque ; Tariq Jamil et Hendrik Heinz, University of Colorado, Boulder; Sandra Galmarini, Swiss Federal Laboratories of Materials Science and Technology, Dübendorf; Lei Tao, Rice University; Roland Pellenq, Massachusetts Institute of Technology; Adri van Duin, Pennsylvania State University; Andrey Kalinichev, Professeur auxMines-Télécom Atlantic Institute et membre de la National Research University Higher School of Economics; Stephen Parker, University of Bath ; Robert Flatt, professeur d'ingénierie civile, environnementale et géomatique, ETHZ.

La recherche a été financée par la «Commission for Technology Innovation», la «National Science Foundation», le «Swiss Competence Center for Energy Research-Supply of Electricity», le Départment de l'éducation, de la politique linguistique et de la culture du gouvernement basque, le programme «ELKARTEK», le Fonds National Suisse, le réseau de recherche «Nanocem», l'ACS Petroleum research fund et le Mines-Télécom Atlantic Institute.

Pour accéder au cemff: https://cemff.epfl.ch


Auteur: Clara Marc

Source: EPFL